Ego scriptor et petits poèmes abstraits - Paul Valery

Ego scriptor et petits poèmes abstraits - Paul Valery

Préface

Semblables aux séries d’instantanés photographiques prises par  Mareyet Muybridgede chevaux en mouvement qui ont tellement frappé Valéry (et Degas), ces petits poèmes «figent » pendant un bref instant un état momentané de l’ensemble C E M en cours d'évolution. 

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Poésie

 

La poésie n’a pas à exposer des idées. Les idées (au sens ordinaire du mot) sont aies expressions, ou formules. La poésie n’est pas à ce moment. Elle est au point antérieur — où les choses mêmes sont comme grosses d’idées. Elle doit donc former ou communiquer l’état sub-intellectuel ou pré-idéal et le reconstituer comme fonction spontanée, avec tous les artifices nécessaires. (Ibid., VII, 97.)

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Un bon poème est silencieux. (1923- Y, IX, 342.) 

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La tentative de Mallarmé d’écrire au moyen — à partir des mots, tandis que le mode universel eSt d’écrire malgré les mots, d’écrire contre les mots et de s’en servir sans les percevoir, de placer l’attention (comme on place la voix) dans l’objet et dans le résultat    

— tellement que l’opération littéraire engendrât l’objet plus qu’elle ne fût par lui engendrée et qu’elle prît l’importance capitale, — et que l’œuvre fût rigoureusement impersonnelle, pût avoir plusieurs sens, ne correspondît pas à l’objet — ni ne fût pas l’acte d’une personne tant que d’un « esprit », c’eSt-à-dire d’un système complet potentiellement.

Cette tentative revient à trouver ce qui eSt indépendant des coordonnées (ici moi et objet) — une littérature intrinsèque. Mais s’il fallait qu’elle fût faite — et on ne saurait trop admirer les pressentiments qui ont induit

Mallarmé à la faire — elle ne pouvait toutefois

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Ego scriptor

La publicité me dégoûte; elle e§t toujours charlatanesque. Ce qui m’intéresse en moi — c’eSt le point où il ne peut plus s’agir de charlatanisme. Si je veux être charlatan je ne peux plus être moi — et la raison dit impérieusement que si l'on publie il faut être charlatan — d’abord parce que c’eSt inévitable —- ensuite parce que ne pouvant l’ignorer, il faut l’être de toute sa force. (Ibid., IV, 156.)

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 L’habitude de méditer chasse enfin le pouvoir et la manie d’écrire. Tout semble longueur — Tout ce qu’on écrit ressemble à ces milliers de riens intellectuels qu’il faut vaincre_avant de penser purement et exactement — avant de se trouver cette pensée ou ce mode - nécessaire, naïf;  -spontané et ardu - simple et si coûteux -qui eSt au-dessuS; de tout. 

Mais ce mode même vient de la volonté d’écrire ou fixer.

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— La littérature n’eSt l’instrument ni d’une pensée complète ni d’une pensée organisée.

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Je n’aime pas la littérature, mais les actes et les exercices de l’esprit. 

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On ne fait pas les ouvrages que l’on voulait faire — on obéit à tout autre qu’à soi. On ne fait pas plus ce qu’on était le plus fait pour faire.. Et les critiques cependant appellent ce qu’on a fait Vous — et votre œuvre  — Mes ouvrages sont au contraire ceux que je n’ai pas faits, et auxquels j’ai le plus pensé, et le plus profondément.

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