mercredi 12 novembre 2025

Canti - Leopardi

Canti - Leopardi

LA VIE SOLITAIRE
La matinale pluie (quand, dans l’enclos,

Joyeusement la poule bat des ailes,

Que l'habitant des campagnes se penche

A sa fenêtre, que le soleil paraissant

Darde ses rais tremblants à travers    

Les gouttes), la pluie qui frappe, légère,

A ma cabane, me réveille. Lors je me lève,

Et les tendres nuages, et le premier murmure 

Des oiseaux, et la fraîcheur des airs,

Et les coteaux riants, je les bénis.    

Car je vous vois et vous connais assez,

Murs funestes des cités *, où la haine 

Accompagne la douleur, où douloureux 

Je vis, et tel bientôt je mourrai!

Pourtant la nature (ô combien plus courtoise    

Autrefois) me témoigne en ces lieux 

Quelque pitié. Mais toi aussi tu détournes 

Tes yeux des malheureux, ô nature,

Méprisant les disgrâces, les peines,

Tu ne sers que le bonheur, ce souverain.    

Dans le ciel, sur la terre, il n’est au malheureux 

D'autre ami, d'autre refuge, que le fer.
 (...)

 

PENSEE DOMINANTE

je me moque des opinions, et la foule,

Ennemie des beaux pensers,

 

CHOEUR DE MORTS

Seule éternelle au monde, vers quoi tourne Toute chose créée,
O Mort, en toi repose Notre nature nue ;

Heureuse non, mais à l’abri *

De l’antique douleur. Une profonde nuit 

Parmi l’âme troublée 

Obscurcit notre lourde pensée.

Pour l’espérance et le désir, l’esprit désert 

Sent lui manquer le souffle :

Délié des tourments, des terreurs,

Ainsi consume-t-il sans dégoût 

Les âges lents et vides.

Nous vécûmes : ainsi que d’un fantasme effrayant, 

D’un rêve plein de sueurs,

Erre dans l’âme du petit enfant 

La vague souvenance,

Ainsi demeure en nous la mémoire 

De l’existence ; mais de la peur, le souvenir 

Est loin. Que fûmes-nous ?

Que fut cet acerbe moment 

Qui prit le nom de vie ?

A présent pour nos esprits

La vie est un mystère, une stupeur, telle

Qu’à la pensée des vivants

Paraît la mort inconnue. Comme vivante

Elle fuyait la mort, ainsi fuit

La flamme vitale *

Notre nature nue ;

Heureuse non, mais à l’abri ;

Car le bonheur, le sort

Le refuse aux mortels et le refuse aux morts. 

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