Oeuvres en prose - Hofmannsthal
Préface
Ils vont bientôt constituer un groupe informel, une école qui ne dit pas son nom, dont la solidité doit tout à l’amitié et qui s’appellera simplement la « Jeune Vienne », sous l’impulsion d’un publiciste habile, Hermann Bahr 41863-1934), auteur dramatique peu doué mais critique littéraire très actif qui trouve là le moyen d’asseoir sa réputation de découvreur de talents.
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C’est cette densité que désigne en allemand le verbe    dichten, qui s’applique à la création littéraire. La poésie consiste à dire - à suggérer - le plus possible de choses dans le moins possible de mots ; chaque vers, et, en prose, chaque phrase ou membre de phrase, doit être un événement. Cette vérité première s’oublie facilement dès lors qu’on prend la poésie pour une qualité un peu vague que possèdent, on ne sait trop comment, certains textes ; chaque grand poète qui apparaît rappelle à sa génération ce qu’il en est, et ce fut le cas lors de l’apparition de Hofmannsthal dans la langue allemande.  
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Mais il aime profondément l’expérience du théâtre, qui est son pain quotidien depuis l’enfance. Il la théorisera en 1903 dans le court texte intitulé La Scène, vision de rêve, véritable résumé de toute son esthétique en matière dramatique (qu’on pourra lire ici p. 349). Le théâtre pour lui est en effet d’abord une expérience, un moment vécu {Erlebnis) aussi essentiel que le rêve, et qui lui est étroitement apparenté, et c’est une véritable phénoménologie de la représentation théâtrale qu’il propose dans ces quelques pages fondatrices. Les théoriciens du théâtre ont appelé depuis « dénégation » le phénomène commun au rêve et à la représentation théâtrale : de même qu’à tout moment du rêve les images oniriques sont frappées d’irréalité (à tout moment du rêve, je « sais » que je suis en train de rêver), de même à aucun moment de la représentation je n’oublie que je suis au théâtre, et c’est ce qui me permet de vivre, dans mon fauteuil comme en rêve, ce que je ne pourrais vivre autrement et qui est essentiel à mon expérience de la vie, mais aussi à mon progrès intérieur.
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L’intéressent de plus près les théories d’un Ernst Mach (1838-1916) prouvant dans l'Analyse des sensations (1886) l’impossibilité de conserver la notion classique du moi conçu comme un Tout monolithique, ou les descriptions cliniques données par le Français Théodule Ribot (1839-1916) dans des livres comme Les Maladies de la volonté (1884) ou Les Maladies de la personnalité (1885) qui, à l’époque, font autorité ; il s’intéressera plus tard aux travaux de Pierre Janet sur la psychologie de l’adolescence dont on trouve plus d’un écho dans son œuvre (par exemple dans le récit inachevé Crépuscule et orage nocturne [voir p. 269], écrit entre 1906 et 1911, abandonné en 1913).
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