Journal d'un poète - Alfred de Vigny
L’ennui .est la grande maladie de la vie ; on ne cesse de maudire sa brièveté, et toujours elle est trop longue, puisqu’on n’en sait que faire. Ce serait faire du bien aux hommes que de leur donner la manière de jouir des idées et de jouer avec elles, au lieu de jouer avec les actions qui froissent toujours les autres et nuisent au prochain.
Un mandarin ne fait de mal à personne, jouit d’une idée et d’une tasse de thé.
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L’ennui est la maladie de la vie.
Pour la guérir, il suffit de peu de chose : aimer, ou vouloir. — C’est ce qui manque le plus généralement. Et cependant il suffirait d’aimer quelque chose, n’importe quoi, ou de vouloir avec suite un événement quelconque, pour être en goût de vivre et s’y maintenir quelques années.
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Lorsqu’une idée neuve, juste, poétique, est tombée de je ni sais où dans mort âme, rien ne peut l’en arracher; elle y germe comme le grain dans une terre labourée sans cesse par l’imagination. En vain je parle, j’agis, j’écris, je pensé même Sur d’autres choses : je la sens pousser en moi, l'épi mûrit et s’élève, et bientôt il faut que je moissonne ce froment et que j’en forme, autant que je puis, un pain salutaire.
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Le monde de la poésie et du travail de la pensée a été pour moi un champ d’asile que je labourais, et où je m’endormais au milieu de mes fleurs et de mes fruits pour oublier les peines amères de ma vie, ses ennuis profonds, et surtout le mal intérieur que je ne cesse de me faire en retournant contre mon cœur le dard empoisonné de mon esprit pénétrant et toujours agité.
 
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