mercredi 28 janvier 2015

Drieu La Rochelle - Le feu follet

Le feu follet – Pierre Drieu La Rochelle

 

Alors l’habituelle réaction se produisit. Aux parois nues qui enfermaient son âme, il ne vit plus soudain, des rares fétiches qui les ornaient, que celui qui résumait tous les autres : l’argent.

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La drogue avait changé la couleur de sa vie, et alors qu’elle semblait partie, cette couleur persistait. Tout ce que la drogue lui laissait de vie maintenant était imprégné de drogue et le ramenait à la drogue. Il ne pouvait faire un geste, prononcer une parole, aller dans un endroit, rencontrer quelqu’un sans qu’une association d’idées le ramenât à la drogue. Tous ses gestes revenaient à celui de se piquer (car il prenait de l’héroïne en solution) ; le son de sa voix même ne pouvait plus faire vibrer en lui que sa fatalité. Il avait été touché par la mort, la drogue c’était la mort, il ne pouvait pas de la mort revenir à la vie. Il ne pouvait que s’enfoncer dans la mort, donc reprendre de la drogue. Tel est le sophisme que la drogue inspire pour justifier la rechute : je suis perdu, donc je puis me redroguer.

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Il y a là, en effet, une grande sottise de notre  époque : le médecin fait appel à la volonté des  gens alors que sa doctrine nie l’existence de cette volonté, la déclare déterminée, divisée entre diverses déterminations.

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Tu ne t’es pas plié à l’époque comme la plupart font autour de nous : tu n’as pas accepté la nouvelle loi du travail forcé et tu es resté suspendu à la tradition de l’argent qui tombe du ciel, mais cela fait de toi un songe-creux. Voilà. — Tu as fini ?

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                 Non, je n'ai pas vieilli. Je ne suis plus un jeune homme, mais je ne suis pas vieux. Je vis beaucoup plus qu’avant. Voilà le problème pour toi, il faut sortir de la jeunesse pour entrer dans une autre vie. Je n'ai plus d'espoir, mais j'ai une certitude. Tu n'es pas fatigué des mirages ? Au fond, tu n'as pas besoin de plus d'argent que je n'en ai.

—J'ai horreur de la médiocrité.

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Dans l’art de la photographie, on ne peut obtenir la vérité qu’à force de tromperies ; mais ces tromperies sont délicates, se corrigent et s’anéantissent les unes les autres pour isoler un résidu indestructible.

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Il resta le dos tourné un instant, regardant le mur. C'était fait, ce n’était pas difficile. Les actes sont rapides ; la vie est vite finie ; on en arrive bientôt à l’époque des conséquences et de l'irréparable.

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Fuir, fuir. L’ivresse, c’est le mouvement. Et pourtant on reste sur place.

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                 Je n’aime pas beaucoup parler de moi.

                 Alors, vous n’aimez pas parler du tout

                 J’aime beaucoup écouter.

                 Les industriels, assis dans leurs fauteuils, écoutent parfois parler ou même chanter les paresseux, mais je ne peux plus parler, je ne parlerai plus jamais.

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La destruction, c’est le revers de la foi dans la vie ; si un homme, au-delà de dix-huit ans, parvient à se tuer, c’est qu’il est doué d’un certain sens de l’action.

Le suicide, c’est la ressource des hommes dont le ressort a été rongé par la rouille, la rouille du quotidien. Ils sont nés pour l’action, mais ils ont retardé l’action ; alors l’action revient sur eux en retour de bâton. Le suicide, c’est un acte, l’acte de ceux qui n’ont pu en accomplir d’autres.

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Le suicide, c’est la ressource des hommes dont le ressort a été rongé par la rouille, la rouille du quotidien. Ils sont nés pour l’action, mais ils ont retardé l’action ; alors l’action revient sur eux en retour de bâton. Le suicide, c’est un acte, l’acte de ceux qui n’ont pu en accomplir d’autres. 

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«Je me tue parce que vous ne m’avez pu aimé, parce que je ne vous ai pas aimés. Je me tue parce que nos rapports furent lâches, pour resserrer nos rapports. Je laisserai sur vous une tache indélébile. Je sais bien qu’on vit mieux mort que vivant dans la mémoire de ses amis, Vous ne pensiez pas à moi, eh bien, vous ne m’oublierez jamais ! »

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                 On n’est aimé qu’autant qu’on aime. Ça a l’air idiot de dire ça, mais c’est vrai.

                 Au contraire, c’est parce que nous sommes trop sensibles, que les gens se foutent de nous.

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Quelle blague ! Marcel est un littérateur, un littérateur est toujours dupe des mots. S’il y a une chose dont les gens sont dupes, c’est de leur profession.

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