mercredi 28 janvier 2015

Gilles Vervisch - Quelques grammes de philo dans un monde de pub

Gilles Vervisch - Quelques grammes de philo dans un monde de pub

Comme le dit encore Sartre : « la réussite doit être seulement possible, c'est-à-dire qu’il n’y a d’action que si les difficultés extérieures peuvent toujours être si élevées ou si neuves que l’invention humaine ne puisse pas les surmonter. »
Naomi Klein précise que la publicité n’est plus ce qu’elle était : à l’origine, elle consistait à faire connaitre un produit.
Nescafé ou Nike ne produisent rien de concret, ni aucun des objets matériels qu’ils vendent puisqu’ils sont fabriqués par d’autres : ils produisent ce choses tout à fait abstraites qu’on appelle des « concepts ». Un concept n’est effectivement qu’un idée ou, du moins, un mot qui désigne une idée.
Les consommateurs, ne s’achètent donc pas des objets matériels, et ce qui distingue les marques, ce sont pas meurs produits – qui sont tous les même. C’est leur image ou, plutôt, leur philosophie, à travers laquelle le client revendique sa manière d’être et sa façon de penser.
On est heureux d’être en bonne santé qu’en sortant d’une maladie.
Mais comme le dit encore Sénèque, « une fois évanouies les distractions », une fois rentré de voyage, « on ne supporte plus sa maison, sa solitude, ses quatre murs, et, livré à soi-même, on se regarde à contrecœur. »
Il y a des mots qui trainent à la télé ou ailleurs, dans les bavardages et les conversation, comme subprime, fenêtre en PVC ou eurobonds : on les répète, si bien qu’ils deviennent familiers. Du coup, on ne cherche pas à savoir ce qu’ils signifient. Quand je visite un appartement, je demande s’il y a des fenêtres en PVC, sauf que je ne sais même pas ce que signifie PVC et je ne le cherche pas à le savoir. La publicité, le discours publicitaire et tous les slogans fonctionnent exactement de cette manière : on se contente de répéter les même petites phrases, les même affirmations, à renforts de petites musiques qui font entrer les messages dans la tête : « ne passons pas à coté des choses simples », « 205, un sacré numéro », « du pain, du vin du Boursin », etc. A la fin, on croit ce qu’on nous dit, sans raison, simplement parce qu’on s’est habitué au message et qu’on l’a comme incorporé.
C’est la Société du Spectacle, « où le monde sensible se trouve remplacé par une sélection d’images » (36). Si la publicité nous abreuve tant d’images de la nature, et si elle en parle si mal, à grands renforts de clichés bucoliques et de paysans exhumés du passé, c’est peut être que cette nature n’existe plus vraiment, remplacée par son avatar qui est l’image de la nature. Les publicités qui célèbrent la nature sont celles qui la détruisent et polluent le paysage à grands coups d’affiches et de néons JCDecaux & Co. Et le désert avance, ou plutôt, il recule. La nature c’est comme les frites McCain : « ce sont ceux qui en parlent le moins qui en mangent le plus ».
« L’aliénation du spectateur, comme dirait Guy Debord, s’exprime ainsi : plus il contemple, moins il vit » (30). Et moins il agit. On peut bien se féliciter de la démocratisation des téléviseurs 3D et autres téléphones portables. Mais ça veut simplement dire qu’ils sont vendus moins cher, et pas du tout que le peuple a plus de pouvoir.
Comble du cynisme, mais de de Diogène, celui-là : la générosité, l’humanité, la défense de l’intérêt général et des biens communs sont des arguments de vente. C’est un peu la théorie d’Adam Smith renversée : l’intérêt général sert l’intérêt particulier. En fait, comme dirait l’autre, «  on trafique toutes les actions humaines, et de toutes les verts morales : les plus petites choses, celles que l’humanité demande, s’y font ou s’y donnent pour de l’argent ».
Une certaine manière de comprendre le stoïcien «  faire tout ce qu’on veut sans en être empêché et sans y été contraint ». faire ce qu’on veut, ce serait donc céder à ses caprices […] c’est pourtant bien ce comportement de gamin que les publicités encouragent quand elles promettent au consommateur le plaisir en toute liberté.
Si les hommes étaient vraiment libres, la publicité n’existerait pas.
Comme le dit Baudrillard, « sans croire » à ce produit, « je crois à la publicité qui veut m’y faire croire ».
D’après Freud, l’autoérotisme ou le narcissisme est la première forme de sexualité éprouvée par l’enfant. Il se fait plaisir tout seul et « se satisfait au moyen de son propre corps ». ce serait la première phase de la construction de la sexualité et de la personnalité de l’individu. L’autoérotisme, du grec érôs, « amour », et auto, « soi-même », correspond exactement à l’impératif kellogien : « aimez-vous ». sauf que le narcissisme tient de l’instinct le plus primaire, et que ce n’est pas la peine d’un rajouter. Au contraire, l’éducation que les parents apportent à leur enfant doit le conduire à se regarder un peu moins le nombril pour s’adapter au monde et à la société. Un gamin coudrait satisfaire tous ses caprices, mais ses parents doivent lui apprendre que ce n’es tpas toujours possible et que parfois c’est mal, e, faisant naitre chez lui des sentiments « comme la honte, le dégout, la morale ». selon Freud, l’évolution normale de l’enfant le conduit bien plutôt à surmonter son narcissisme pour tourner son amour vers une autre personne qui lui. Sinon, c’est qu’il y a un problème. Celui qui n’a pas dépassé le stade de l’autoérotisme à l’âge adulte souffre d’infantilisme, voire de perversion. Seul un pervers recherche son propre plaisir sans tenir compte des autres, sinon pour les traiter comme de simples choses sui lui servent à satisfaire ses désirs – avant de les jeter.
Dans tous les cas, a publicité traite le consommateur comme un gamin et l’infantilise en le maintenant dans la phase narcissique de la sexualité.
Une marque ne pourra que plaire au consommateur en flattant son ego.
« Alinéa, pour un chez vous qui ne ressemble qu’à vous. » car si mon chez moi Alinéa ou Ikea ne ressemble qu’à moi, c’est que je ressemble à tout le monde.
Mais suffit-il d’avoir une couleur de voiture ou une « appli » de Smartphone différente des autres pour avoir de la personnalité ?
« Le seul fait de choisir tel ou tel objet pour vous distinguer des autres est en soi-même un service social ». C’est Jean Baudrillard qui cote John Stuart Mill.
Comme le dit Guy Debord dans La Société du Spectacle, les stars incarnent « le résultat inaccessible du travail social »(60). La plupart des gens doivent bien travailler pour gagner leur vie, et quand on est au boulot, on n’attend qu’un chose, c’est le week-end ou les vacances. C’est là qu’on peut vraiment être heureux : on peut enfin dépenser son argent et faire ce qu’on veut. En fait, les stars son payées pour nous montrer à quoi nous devons rêver, à travers ces clichés de bonheur auxquels nous devrions tous nous conformer. La star, c’est le modèle de la vie heureuse dans la société de consommation. Elle permet de faire croire à tout le monde que le bonheur consiste à consommer.

D’après Guy Debord, la vedette est « l’ennemi de l’individu »(60). D’abord, parce qu’elle rappelle à tous ceux qui sont devant leur télé qu’ils ont vraiment raté leur vie ? Ensuite, parce qu’elle empêche chacun d’entre nous de chercher notre propre définition du bonheur, et de se faire une vie à lui.
La modernité c’est le présent qui remercie le passé pour ce qu’il leur a donné , et sans lequel il ne serait pas ce qu’il est : voiture, iPhone, etc. ces ‘innovations » technologiques ne sont pas nées du jour au lendemain. Bref, la modernité s’inscrit dans la continuité d’un progrès qui a demandé du temps.

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