mercredi 28 janvier 2015

Alexandre Pouchkine - Eugène Onéguine

Alexandre Pouchkine - Eugène Onéguine

Chapitre premier 
8. (p.41) 
Le temps me manque pour vous dire 
Mes autres sciences qu’il savait. 
Mais ce qui montrait son génie, 
Ce qu’il connaissait mieux que tout, 
Ce qui, depuis sa tendre enfance 
Avait fait sa peine et sa joie, 
Ce qui occupait tout le jour 
Sa paresse mélancolique, - 
C’était la science des cœurs tendres 
Qu’Ovide a si bien célébrée 
Qu’il termina dans la souffrance 

21. (p.48) 
« Tous ces gens-là se font bien vieux ; 
Je les ai longtemps supportés ; 
Mais à présent l’ennui m’accable. » 
44. (p.60) 
Donc, rendu à l’oisiveté, 
Souffrant du vide de son âme, 
Il entreprit (tâche louable) 
D’ingurgiter l’esprit d’autrui. 
Pourvu d’un bataillon de livres, 
Il lut, il lut, sans résultat ; 
Ennui, mensonges ou délires ; 
Tel est impie ; tel, incensé ; 
Chacun a sa chaîne à trainer : 
Les vieilles choses ont vieilli 
Et le nouveau rêve du vieux. 
Adieux aux livres comme aux femmes ! 
Sur la poussière des rayons 
Il jeta un voile de deuil. 
45. (p.60) 
J’avais comme lui rejeté 
Le poids des vanités mondaines ; 
Et nous liâmes amitiés. 
J’aimais en lui son fier visage, 
Son inclination à rêver, 
Son étonnante étrangeté 
Et la rigueur de son esprit. 
J’étais aigri ; il était sombre. 
Nous connaissions tout des passions. 
La vie nous avait épuisés. 
Nos cœurs avaient perdu leur feu. 
Nous allions tous deux être en butte 
A la Fortune et aux humains 
Dès le matin de notre vie. 
46. (p.61) 
Celui qui vit, celui qui pense 
En vient à mépriser les hommes.  
Celui dont le cœur a battu 
Songe aux jours qui se sont enfuis. 
L’enchantement n’est plus possible. 
Le souvenir et le remords 
Deviennent autant de morsures. 
Tout cela prête bien souvent 
De la couleur aux discussions. 
Au début, les discours d’Eugène 
M’inquiétaient ; mais je me fis vite 
Au ton mordant de ses sarcasmes, 
A son ironie enragée, 
A ses épigrammes amères. 
Chapitre troisième 
2. (p.97) 
- qu’as-tu à y redire ? – Rien, 
Sauf l’ennui, mon bon, qui me tue. 
- je hais votre monde à la mode ; 
Chapitre quatrième 
8. (p.125) 
On se lasse de tout : menaces, 
Petits billets de douze pages, 
Mensonges, ruses, bagues, larmes, 
Tantes, mères en sentinelles, 
Pesante amitié des maris. 

42. (p.74) 
Garde ses beautés primitives : 
Les sauts, les talons, les moustaches, 
Tout est pareil. Malgré la mode. 
Malgré ce tyran sans pitié, 
Fléau des Russes d’aujourd’hui. 
(p.202) 
L’ivresse du monde est mortelle, 
Et nous sommes pris vous et moi, 
Chers amis, dans son tourbillon. 
Chapitre septième 
22. (p.215) 
Eugène n’avait plus de goût, 
Nous le savons, pour la lecture. 
Il avait cependant exclu 
De la disgrâce quelque œuvres, 
Comme le Giaour, le Don Juan, 
Tout ce qui vient de leurs auteurs, 
Et certains romans qui reflètent 
D’une manière assez fidèle 
Le siècle et l’homme d’aujourd’hui 
Avec son âme dépravée, 
Sèche, égoïste, sans mesure 
Abandonnée à la rêverie, 
Et son esprit qui se dépense, 
Aigri, en entreprises vaines.

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