Signe ascendant - André Breton
On se souvient qu’il y a trente ans, Pierre Reverdy, penché le premier sur la source de l’image, a été amené à formuler cette loi capitale : « Plus les rapports des deux réalités rapprochées seront lointains et justes, plus l’image sera forte — plus elle aura de puissance émotive et de réalité poétique. » Cette condition, absolument nécessaire, ne saurait toutefois être tenue pour suffisante. Une autre exigence, qui, en dernière analyse, pourrait bien être d’ordre éthique, se fait place À côté d’elle. Qu’on y prenne garde : l’image analogique, dans la mesure où elle se borne à éclairer, de la plus vive lumière, des similitudes partielles, ne saurait se traduire en termes d'équation. Elle se meut, entre les deux réalités en présence, dans un sens déterminé, qui n'est aucunement réversible. De la première de ces réalités à la seconde, elle marque une tension vitale tournée au possible vers la santé, le plaisir, la quiétude, la grâce rendue, les usages consentis. Elle a pour ennemis mortels le dépréciatif et le dépressif. — S’il n’existe plus de mots nobles, en revanche les faux poètes n’évitent pas de se signaler par des rapprochements ignobles, dont le type accompli est ce « Guitare et bidet qui chante » d’un auteur abondant, du reste, en ces sortes de trouvailles.
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I. ETAT DES RESSORTS SENSUELS
Le tact :
a) sur le plan des faits tangibles — hiver d’une rigueur jusqu’alors inconnue en Europe (destruction des foyers, pénurie de vêtements, abaissement calorique dû à la sous-alimentation), b) dans le domaine des idées — « expliquer c’est identifier » (tu l'avais mieux dit) mais expliquer = rechercher la vraie réalité. Or, plus on traque de près cette réalité, plus elle se dérobe. L’école : « L’effort réaliste en quête de l’authentique nature physique aboutit en fin de compte à un immatérialisme. »
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SUR LA ROUTE DE SAN ROMANO
La poésie se fait dans un lit comme l’amour
Ses draps défaits sont l’aurore des choses
La poésie se fait dans les bois
Elle a l'espace qu'il lui faut
Pas celui-ci mais l’autre que conditionnent
L’œil du milan
La rosée sur une prèle
Le souvenir d’une bouteille de Traminer
embuée sur un plateau d’argent
Une haute verge de tourmaline sur la mer
Et la route de l’aventure mentale
Qui monte à pic
Une halte elle s’embroussaille aussitôt
Cela ne se crie pas sur les toits
Il est inconvenant de laisser la porte ouverte
Ou d’appeler des témoins
Les bancs de poissons les haies de mésanges
Les rails à l'entrée d’une grande gare
Les reflets des deux rives
Les sillons dans le pain
Les bulles du ruisseau
Les jours du calendrier
Le millepertuis
L'acte d'amour et l'acte de poésie
Sont incompatibles
Avec la lecture du journal à haute voix
Le sens du rayon de soleil
La lueur bleue qui relie les coups de hache
du bûcheron
Le battement en mesure de la queue des
castors
La dilligence de l'éclair
Le jet de dragées du haut des vieilles
marches
L'avalanche
La chambre aux prestiges
Non messiers ce n'est pas la huitième CHambre
Ni les vapeurs de la chambrée un dimanche soir
Les figures de dans exécutées en trans-
parence au-dessus des mares
La délimitation contre un mur d'un corps
de femme au lancer de poignards
Les volutes claires de la fumée
Les boucles de tes cheveux
La courbe de l'éponge des Philippines
Les lacés du serpent corail
L'entrée du lierre dans les ruines
Elle a tout le temps devant elle
L'etreinte poétique comme étreinte de chair
Tant qu'elle dure
Défend tout échappée sur la misère du monde
1948
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