Anthologie - Mahmoud Darwich
UNE RIME POUR LES MU‘ ALLAQÂT
Personne ne m’a guidé vers moi
Je suis le guide, je suis le guide
Vers moi, entre mer et désert
De ma langue, je suis né sur la route de l’Inde
Au sein de deux petites tribus
Vivant sous la lune des religions anciennes et de la
paix impossible
Contraintes d’apprendre l’astrologie du voisin persan et la grande obsession des Byzantins pour que les temps pesants
Délestent encore la tente de l’Arabe
Qui suis-je ? C’est la question que les autres posent
Et elle est sans réponse
Moi ? Je suis ma langue, moi
Et je suis un, deux, dix poèmes suspendus Voici ma
langue
Je suis ma langue. Et je suis Ce que les mots ont dit
Sois notre corps, et je fus un corps pour leur timbre
Je suis ce que j’ai dit aux mots
Soyez le confluent entre mon corps et l’éternité désert
Soyez, que je sois selon ce que je dis
Pas de terre au-dessus de la terre qui me porte
Alors mes mots me portent
Oiseau issu de moi, et qui construit le nid de son
voyage devant moi, dans mes débris
Dans les débris du merveilleux, autour de moi
Sur un vent, je me suis dressé. Et ma longue nuit
m’est interminable
Voici ma langue, colliers d’étoiles aux cous de ceux
que j’aime
Ils sont partis
Ils ont emporté le lieu
Emporté le temps
Effacé leurs odeurs des jarres et de l’herbe avare.
Partis
Ils ont emporté les mots. Et le cœur meurtri est parti
aussi. L’écho, cet écho
Contiendra-t-il ce blanc mirage sonore d’un nom,
dont la raucité remplit l’inconnu Et que le départ emplit de divinité ?
Le ciel pose sur moi une fenêtre. Je regarde
Je ne vois nul autre que moi
Je me suis trouvé en mon dehors. Pareil à moi-même
Et mes visions ne s’éloignent pas du désert
De vent et de sable, sont mes pas
Et mon univers est mon corps et ce que possèdent
mes mains
Je suis le voyageur et le chemin
Des dieux m’apparaissent et s’en vont, et nous n’en
dirons pas plus sur ce qui adviendra
Nul autre lendemain en ce désert que ce que nous
avons vu hier
A moi de brandir ma mu‘allaqa, que se brisent les
temps cycliques
Et viennent les beaux jours
Tout ce passé qui s’en vient demain
J’ai laissé mon être à lui-même. Plein de son présent
Et le départ m’a désempli des temples
Le ciel a ses peuples et ses guerres
Quant à moi, j’ai la gazelle pour épouse,et j'ai les
palmiers
Poèmes suspendus dans le livre de sable Du passé, ce que je vois
L’homme possède le royaume de la poussière et une couronne
A ma langue de l’emporter sur le siècle adverse Sur ma lignée
Sur moi, sur mon père et sur une fin qui ne finit pas
Voici ma langue et mon miracle. La baguette de ma féerie
Les jardins de ma Babylone. mon obélisque ma pre
mière identité
Mon métal poli, et
Le sacré de l’Arabe au désert
Qui adore ce qui coule
Des rimes, étoiles sur sa cape
Et adore ce qu’il dit
Il faudra donc une prose
Une prose divine pour que triomphe le Prophète
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