dimanche 26 juillet 2020

L’éternel mari – Dostoievski


L’éternel mari – Dostoievski

« L’amour de Lisa, rêvait-il, avait purifié et racheté toute la puanteur, toute l’oisiveté de ma vie d’avant ; au lieu de moi, oisif, perverti, déjà vieux – j’aurais fait croitre pour la vie une créature pure et splendide, et, pour cette créature, tout m’aurait été pardonné, et, moi-même, je me serais tout pardonné. »
Toutes ces pensées conscientes se représentaient à lui toujours ne même temps avec ce souvenir très clair, toujours proche et toujours bouleversant, de l’enfant mort.



Assez, je vous en prie, Pavel Pavlovitch, marmonna-t-il, rougissant, plein d'une impatience nerveuse. Et pourquoi, pourquoi, s'écria-t-il brusquement, pourquoi venez-vous vous attacher à un homme malade, à bout de nerfs, un homme qui est presque dans le délire, pourquoi le traînez-vous dans ces ténèbres... alors que, tout ça, c'est un fantôme, un mirage, un mensonge, une honte, quelque chose de contre nature et – hors de toute mesure – c'est ça, l'essentiel, c'est ça le plus honteux, que ça passe toute mesure ! Et puis, c'est des sottises, tout ça : nous sommes, tous les deux, des êtres pervers, dégoûtants, des êtres de sous-sol... vous voulez, tiens, vous voulez, je vous prouve tout de suite que non seulement vous ne m’aimez pas, vous me haïssez, de toutes vos forces, et vous mentez, sans le savoir vous-même.

Netotchka Nezvanova - Dostoievski


Netotchka Nezvanova - Dostoievski


Je me souviens, ma solitude me devenait toujours de plus en plus pesante, comme mon silence que je n'osais pas rompre. Je vivais d’une vie consciente depuis déjà une année entière, toujours à réfléchir, à rêver, à me torturer en cachette de toutes sortes d’élans inconnus, obscurs que je sentais naitre en moi. Je devenais sauvage, comme dans une forêt.



Mais moi, je ne comprenais presque rien à ce qui m’arrivait. Tout en moi s’agitait d’une espèce de sensation nouvelle, inexplicable, et je n’exagérerai pas si je dis que je souffrais, que je me déchirais de ce sentiment nouveau. Bref - et qu’on me pardonne ce que je vais dire - j’étais amoureuse de ma Katia. Oui, c’était de l’amour, un amour authentique, un amour avec des larmes et des joies, un amour passionné. Qu’est-ce donc qui m’attirait en elle ? d’où avait pu naître un amour pareil ? Cet amour avait commencé à mon premier regard, quand tous mes sentiments avaient été si doucement frappés par la vue d’une enfant belle comme un ange. Tout en elle était splendide ; pas un seul de ses vices n’était né en même temps qu’elle - tous lui avaient été inoculés et tous se trouvaient en état de lutte. On voyait partout une origine splendide qui prenait pour un temps une forme fausse ; mais tout en elle, à commencer par cette lutte, luisait d’une espérance joyeuse, tout annonçait un avenir splendide. Tout le monde l’admirait, tout le monde l’aimait, pas seulement moi. Quand, parfois, vers trois heures, on sortait nous promener, tous les passants s’arrêtaient comme frappés sitôt qu’ils lui lançaient un regard, et, souvent, on entendait un cri de stupeur à la suite de cette enfant heureuse. Elle était née pour le bonheur, elle devait être née pour le bonheur - voilà quelle était la première impression quand on la rencontrait. Peut-être, la première fois, était-ce le sentiment esthétique, le sens de la grâce qui avait été bouleversé en moi, c’est d’abord lui qui avait parlé, réveillé par la beauté, et voilà toute la raison de mon amour.

Le rêve de l’oncle – dostoievski


Le rêve de l’oncle – dostoievski

— souvenez-vous de tout ce que je vous ai dit, et tirez-en ce qui vous plaît. vous êtes libre ! mais, moi, je n’ajouterai plus rien. Je ne vous refuse pas encore, je vous dis simplement : attendez. mais, je vous le répète, je vous laisse la liberté la plus totale de refuser vous-même, si vous le souhaitez. Je vous ferai encore une autre remarque, Pavel alexandrovitch : si vous êtes venu avant le délai prévu pour agir par des voies détournées, en espérant la recommandation de tel ou tel, ne serait-ce, par exemple, que l’influence de maman, vous vous trompez fort dans vos calculs. Là, je vous refuserai tout net, vous entendez ? Et, maintenant – assez, et, s’il vous plaît, jusqu’au moment venu, ne me dites plus un mot de tout cela.