jeudi 10 août 2023

Conseils à un jeune poète – Max Jacob

Conseils à un jeune poète – Max Jacob

 

Donc soyez d’abord, c’est-à-dire sérieux.

L’invention !

Ce qui sauve l’art c’est l’invention. Il n’y a création que là où il y a invention. Chaque art a ses inventions. L’idée d’un bémol ou d’un dièze à l’endroit où on ne l’attendait pas est une invention. Une image nouvelle (oh que c’est rare !) peut être une invention. Une couleur imprévue mise en sa place. Une proportion nouvelle dans la dimension d’une œuvre.

Mais la véritable invention vient d'une conflagration de pensées ou de sentiments.

 

L’originalité vraie ne peut être que dans la maturation, car ce qui est original c’est le fond de mon moi : le reste vient des autres et ne peut donc pas être original. Or ce qui est original plaît et non ce qui est déjà vu.

Ici pourrait se placer la question si grave des clichés. Le cliché est un mot de passe commode en conversation pour se passer de sentir. Un poète doit sentir tous ses mots, mais le bourgeois n’a pas le temps, de là des ponts commodes qu’on appelle « clichés ». Le poète dose ses clichés : il ne peut y renoncer que sous peine d’être incompréhensible, à lui de savoir quand il peut placer le mot qui n’est pas une formule toute faite, de façon à être nouveau sans être obscur.

 

Le « qu’est-ce que ça veut dire ? » est le reproche qu’on fait au poète qui n’a pas su vous émouvoir. Reproche grave entre tous.

Rendez-vous perméable, car comment obtiendrez-vous la conflagration lyrique si vous n’avez rien senti ni rien pensé.

« Ni rien pensé » ? cela est discutable. Les idées n’ont rien à voir avec la poésie : c'est l' inexprimable qui  compte. Les idées n'appartiennent pas à l’homme; elles viennent ciel des images; on se les approprie. Rien de plus triste, de plus pesant que les idées; elles sont toutes de M. Prudhomtne et de M. Homais. Elles cessent d’être des idées si vous les ressentez à mort, si vous les ressentez avec passion, avec expérience, si vous Les transformez en sentiments.

Cela est la signification du culte si méconnu du Sacré-Cœur. La lance qui a traversé la poitrine de N.-S. J.-C. est la flèche indicatrice du chemin que prennent les idées pour devenir valables.

D’autre part, le Sang et l’eau sortis du Cœur sont l’image de l’union de l’Esprit avec la matière qui est la seule compréhension valable.

Je pense que vous me comprenez. Faites descendre.

Style descriptif = style scientifique. Le contraire même de la poésie. Byron disait : La poésie a horreur du raisonnement. Il aurait pu dire : et de la description scientifique. Si vous voulez décrire, décrivez avec passion et dans le style poétique.

 

Au fait, tout cela est inutile. La grande affaire est de vivre, vivre par l'imagination et la poitrine, d’inventer, de savoir, de jouer. L’art est un jeu. Tant pis pour celui qui s’en fait un devoir.

Concrétiser ! Penser à ce mot. L’abstrait est mauvais et ennuyeux. Ayez un style concret où il soit question de choses, d’objets, de gens. Qui fait l’ange fait la bête, dit Pascal et il sort de la poitrine de Dieu de l’eau avec le Sang Esprit. L’eau est matière.

Très important : Concrétisez !

L’inspiration !

Si je crois à l’inspiration ? Mais bien sûr ! Je crois même que tous les hommes sont inspirés. Ça s’appelle intuition. Ça s’appelle tentation. Ça dépend de la personne qui inspire. On est inspiré par les anges, les démons et il y a toutes sortes d’anges et de démons. Mais il y a des génies parmi les anges. Quand on a un génie inspirateur, les critiques disent : « Il a du génie. » L’échelle de Jacob dans la Bible s’appuie sur Dieu : les anges vont et viennent tout du long. Les anges sont des émanations planétaires pas plus malins que des hommes; il faut donc discuter, en s’appuyant sur Dieu, leurs pauvres inspirations. Il y a des anges remarquables aussi; il faut les mériter, ou bien les recevoir de la bonté de Dieu. Il y a des démons inspirateurs de vols, de crimes, d’entêtement. Il faut prier Dieu de vous en débarrasser.

Donc l’inspiration doit  être surveillée.

Examinez-vous. Cela s’appelle réflexion, double réflexion, se voir vivre, voir vivre les autres.

C’est la vie intérieure.

Ce qui fait un grand médecin ou un grand poète ce n’est pas le nombre de livres qu’ils ont lus, mais la qualité de leur vie intérieure : la digestion des connaissances et l’ enquête.

Faites une méditation quotidienne en vous levant, vous me direz des nouvelles de ce sport. Ce n’est pas du temps perdu mais c’est du temps gagné. Celui qui vous dira le contraire est un imbécile et je sais pourquoi. Peu à peu, vous étendrez la méditation à la médecine et à la poésie et vous deviendrez un homme, ce qui est la première condition pour devenir un grand homme.

Ne vous ennuyez pas. L’ennui est un péché mortel en matière de poésie. L’ennui est l’enfer de la poésie... à moins d’un bel ennui, celui de Byron qui avait fait le tour des sciences, du monde, de la terre, des langues et de l’amour.

Mais cet ennui est si rare qu’il vaut mieux n’en pas parler (sous peine de ridicule).

Ne lisez pas de médiocrités. Lisez les œuvres des grands esprits et concourez avec eux. Ou bien instruisez-vous..., cultivez votre mémoire. La mémoire est la clef de tout, croyez-moi.

Ennuyez-vous. Car ce jour-là vous prendrez un porte-plume et un papier et vous ferez peut-être un chef-d’œuvre. Tout est dans la qualité de l’ennui.

Il ne faut pas travailler tout le temps. Il faut prendre des temps, prendre son temps. Il faut digérer. Oui. C’est dans la digestion des connaissances que réside le talent. L’essentiel est de n’avoir pas de minutes vulgaires ou insignifiantes.

Aimer les mots. Aimer un mot. Le répéter, s’en gargariser. Comme un peintre aime une ligne, une forme, une couleur. (TRÈS IMPORTANT.)

 

Le premier geste du travail est la séparation. Il faut, présent et visible, se séparer de ce qui est présent et visible. Creuser un abîme entre le toi et le moi, bâtir une citadelle du moi — quand cet abîme sera creusé vous aurez déjà bien travaillé : il y faut du temps et une application minutieuse.

Le deuxième geste du travail est le Quoi ! Vous allez encourager ces conversations absurdes et insignifiantes en vous y mêlant ?

Ou bien allez-vous faire le professeur et enseigner à ces gens que leurs conversations sont absurdes.

Eh bien ! Taisez-vous.

Le troisième geste du travail est l'ignorance. L’ignorance avec une formidable érudition. Dès le premier mot érudit, posez-vous la question : << Le sait-il ? Comment le sait-il ? D’où lui vient cette connaissance ? >> De là, une révision constante des valeurs. Alors, vous viendra cet éclat de rire que suggèrent le monde, la science, la philosophie, les sciences, les philosophies. Cet éclat de rire est la sagesse, qui est l’escalier vers Dieu.

(N’allez surtout pas croire que je suis ainsi. Mais ce que je ne sais pas faire, vous le saurez peut-être.)

La question du style.

« Le style c’est l’homme même», dit BufFon, ce qui veut dire : ce qu’il y a de plus profond dans la poitrine et dans le sang de l'homme.

Il faut écrire avec l’inaliénable de l’homme; là est l’originalité (l’origine), l’originalité non cherchée mais naturelle de l’homme même.

J’ai déjà parlé des clichés plus haut. La grande affaire est de modeler son idée avec des mots, son sentiment avec une syntaxe. Se mettre devant l’objet et attendre que l'épithète qui le décrit arrive.

On m’a enseigné ceci au collège :

1° diviser son sujet en paragraphes, en réservant le plus important pour le milieu et en dégradant vers la fin.

2°un paragraphe pour le thème le développe et conclut en reprenant la première phrase sous une autre forme.

Je ne me moque pas du tout de cet enseignement; c’est là que malgré toutes les fantaisies, il faut revenir... je parlerai du développement plus loin.

L’art n’est jamais qu’un effet à produire. Il faut s’interroger là-dessus. Vous n’allez pas parler de velours si vous voulez décrire la misère des quartiers de Paris. A moins que vous ne vouliez un contraste.

Choisissez donc des détails caractéristiques. A ce sujet, étudiez des romans russes. Je vous recommande Les Ames mortes de Gogol. Vous y verrez comment on peint un caractère par l’aspect d’une maison ou d’un mobilier.

Ayez des caractères dans la tête. Pensez-y, poussez-les au type. Car il n’y a d’intérêt que dans le général. Il faut que chacun se reconnaisse ou reconnaisse ses proches dans vos personnages.

Manière de graduer l’intérêt, d’attacher le lecteur... Ça, je ne sais pas... Etudiez Balzac, c’est le maître du roman passionnant et plutôt Dostoievsky.

Lisez beaucoup, lisez lentement, prenez des notes.

Le développement.

Savoir développer, c’est d’une importance essentielle.

Développer, c’est comprendre, c’est analyser sa propre pensée.

Développer. Tout l’art, quel qu’il soit, est dans ce mot. On développe un thème musical; la VIe Symphonie est le développement du chant du coucou. Un tableau de peintures est une parabole développée. Un cercle est le développement d’un dodécagone, et le cercle lui-même par les tangentes devient un autre polygone.

Une plante est le développement d’une graine. Un paragraphe est le développement d’une pensée et le chapitre est le développement du paragraphe. Le livre est le développement des chapitres. Une petite idée bien creusée donne 400 pages dans une œuvre classiquement composée.

Un roman est le développement d’une idée par les personnages qui y luttent entre eux. Je ne parle pas du roman à thèse.

 

EXTRAITS D’UNE LETTRE A X. EN APPENDICE

 

Si j’avais aujourd’hui, .... août 1943, à. former un poète je ne lui dirais pas comme j’ai dit en 37, à M. B. : « Utilise tes rêves de la nuit. Écris comme une cuisinière et place tous les mots de la langue usuelle sur cette table de hachoir ! » Non ! je lui dirais seulement ceci : « i° N’écris pas avec des mots, écris avec des objets et avec des SENTIMENTS (donc : fuis à jamais tout langages, tout langage intellectuel et même la description et le récit) ; 2° n’écris pas une seule phrase qui ait la forme de la précédente, à moins d’une ferme volonté de rythme spécial, mais varie ta syntaxe comme Shakespeare varie sa syntaxe, collectionne ces formes syntaxiques, tiens-en un répertoire, un registre. Les idées viennent seules quand le moule est prêt à les recevoir. C’est le secret de ne jamais ennuyer; 3° et ceci est le plus important : une œuvre ne vaut pas par ce qu’elle contient, mais par ce qui l’environne. Il faut que les mots « Bonjour, Bonsoir ! » soient environnés par une immense philosophie de la nature, de la société, de l’astronomie, de la métaphysique, etc. C’est le secret des grandes œuvres. C’est aussi le secret de l’humble folklore lequel résume un peuple, son histoire, etc. Ibsen, mais oui ! Goethe, Tolstoï, Diderot ( ?) et quelques autres valent par là et ne sont pas des fabricants comme Hugo, Zola et même le génial et admiré Dostoievsky.

 

CONSEILS A UN ETUDIANT (à Jacques Lesage)

 

La mémoire est le plus puissant don de l’esprit. C’est une défense formidable que de mettre les gens devant telle date, telles circonstances et leurs propres paroles. Vérité !... toujours troublante pour l’adversaire. Mémoire ! elle aide nos faiblesses par la citation de l’avis des autres ! elle aide notre jugement par le souvenir des exemples ! elle est la mère de l’expérience, et forme ce qu’on appelle le génie, qui est l'expérience précoce. On fabrique une expérience précoce avec une forte mémoire.

Cultiver sa mémoire, toute affaire cessante.

 

Pour retenir !... s’apercevoir des détails particuliers. Si i’ai un texte à apprendre, je veux m’apercevoir d’un mot extraordinaire ou qui m’amuse, ce mot sera le pivot de la phrase.

On ne retient que ce qu'on remarque.

 

Voici donc mon âme avec sa volonté forte, ses sentiments développés et non velléitaires, avec son introspection continuelle. Que veux-je encore de cette âme ? Je veux qu'elle soit toute chose sub specie ater- nitatis, c'est-à-dire comme si tout ce qui se passe devant elle s'était passé il y a mille ans, ou devait se passer dans mille ans. C'est ce qui s'appelle le recul. Ainsi l'âme devient-elle intelligente, car ce qui s’appelle intelligence est la faculté de rattacher les détails à des grandes lignes générales. Efforcez-vous de rattacher vos camarades à des « types généraux » d’humanité, non pour les juger mais pour les classer. Ainsi acquerrez-vous l’indulgence, cette forme de la bonté.

L’indulgence est la compréhension des causes du mal. Voici un malfaiteur : informez- vous de sa famille, de ses origines, de son manque d’éducation et vous lui pardonnez.

Cultiver l'âme. Soyez humain, surtout ! horreur des esprits mathématiques comme X = Y et = Z... Ils parlent par « donc », << par conséquent >> et ne tiennent pas compte de la psychologie des hommes. la psychologie est tout. En connaissant votre propre psychologie vous connaîtrez celle des autres.

Culture de l’âme. Le plus grand mal de l’âme est la paresse. Je n’entends pas la paresse des mains, mais celle du cœur endormi, celle de l’esprit sans but. Que votre esprit soit occupé, soit par la solution d’un problème ou d’un autre — et Dieu sait que tout est problème — soit par la mémoire de l’étude, soit par l’observation; et, en tout cas par l’attention de ce que vous êtes, de ce que vous faites, de ce que vous dites, de ce que les autres font ou disent. La langueur de l’esprit est une maladie, une calamité.

Lisez les Ëpîtres des Apôtres : saint Paul et les autres. C’est plein d'enseignement pour la culture de l’âme.

 

La méditation ne consiste pas à avoir des idées, au contraire ! elle consiste à en avoir une, à la transformer en sentiment, en conviction. Une méditation est bonne quand elle aboutit à un OUI,prononcé par le corps tout entier, à un cri du cœur : joie ou douleur ! par une larme ou un éclat de rire. Essayez seulement de méditer sur ceci : Dieu s’est fait homme. Répétez cela en vous-même jusqu’à arriver à la conviction. Peu importent les images qui se présentent, image du Christ ou enfant ou jeune homme ou crucifié. Peu importe. Répétez à genoux : Dieu s’est fait homme ! Pendant combien de temps ? Cela dépend de vos facultés. Il y a de bonnes méditations de dix minutes et de mauvaises qui durent une heure. En somme, recueillez- vous deux fois par jour au moins.

Je ne vous parle pas d'oraison, de contemplation, d'abord parce que je n'y entends pas grand'chose, ensuite parce que je ne veux pas faire de vous un mystique, mais seulement un homme.

 

Faire le vide en soi-même par la méditation, c’est se purger de toutes les communications avec les esprits. Il faut souvent faire le vide en soi-même. La souffrance sert.

Il faut faire aussi le vide de la souffrance, c’est-à-dire se détacher d’elle.

Le détachement n’est pas la sotte indifférence mais le survol : souffrir autant qu’on peut pour comprendre, car on ne comprend qu’en souffrant, mais dominer cette souffrance après l’avoir bien bue.

 

La meilleure manière de souffrir c’est de se rendre compte de ce qui se passe comme je l’ai dit plus haut. Qui ? Quoi ? Comment ?

Comment ne serais-je pas joyeux? J’ai pour père et protecteur le plus puissant, le meilleur des êtres : il veut mon bien puisqu’il m’a sauvé. Comment ne serais-je pas triste alors que le malheur grêle sur la terre, au purgatoire et ailleurs ? Quel équilibre vais-je tenir entre cette joie et cette tristesse ? Il y a une souffrance joyeuse, et une joie attristée qu’il faut comprendre et à laquelle aide la grâce. Cherchez I

Le but de la vie est la recherche de la perfection ! Oh ! que tout paraît petit à côté de cette recherche et que tout paraît facile. Aucun autre but que celui-là. « Cherchez d'abord le royaume de Dieu, le reste vous sera donné par surcroît » (Evangile).

Cherchez la justice et la sagesse au lieu de chercher à avoir raison et à faire triompher vos petites opinions. Pas de contestations, de chicanes; d'emballements inutiles !

La vie de la plupart des hommes est une chaîne de pensums. Il faudrait que ce tût le contraire. Il faudrait tout exécuter avec amour; même apprendre les nomenclatures avec amour, en en découvrant l’intérêt; même faire des additions avec amour, les courses du ravitaillement, la queue chez le boucher, etc... Que de plus triste que ces éternels pensums, les éternelles corvées.

Chacun se croit en dehors de l’humanité, une supériorité, une exception. Voyons-nous donc dans la foule comme Dieu nous voit • un grain de sable à côté des autres grains de sable, pareil, tout pareil. Pas d’ego-centricité. Arriver à cela, ce serait énorme. Humilité, vérité.

 

Ne dites jamais « pour une fois ». C’est le commencement des mauvaises routes. En philosophie on vous apprendra que l’habitude commence au premier acte. Que vos actes soient purs ! Renoncez ! Détachez-vous !

Vendeur. Acheteur. Ayez l’âme d’un acheteur quand vous vendez. Ayez l’âme d’un vendeur quand vous achetez. Appliquez cela au reste.

Pas de rivalités ! Songez à vous-même et non au succès des autres. Songez aux autres pour les imiter, quand ils font bien, ou pour éviter leurs fautes. Si un ami donne au pauvre, songez que vous devez en faire autant. Si un ami Rime, songez à ne pas l’imiter, car il se donne une habitude désagréable, sale et coûteuse. Songez que le tabac abrutit et que toute habitude est une passion, et toute passion une souffrance.

Le sport en soi est belle chose; on en fait une odieuse occasion de vanité anti-chrétienne et un échauffement contraire à la sérénité du sage. Un peu de sport est la santé, beaucoup de sport est une stupidité dangereuse.

 

AMBITION. Je parle souvent de « réussite ».

Que faut-il penser de l’ambition ? Il y en a une horrible, c’est l’ambition d’avoir ce qu’on ne mérite pas. Elle a tué les derniers chefs de notre France. Le brave épicier qui veut être député, sénateur et ministre et riche est hideux, ridicule et dangereux, s’il a de la chance, de la volonté.

Une ambition sublime est celle de la perfection intellectuelle et morale. L’ambition d’être utile à l’Humanité, à la Patrie, à soi- même et à sa famille devient un devoir. A moins d’une vocation spéciale de solitude, nous devons faire profiter les hommes des dons que Dieu nous a faits et que nous avons su acquérir. L’ambition est alors aussi noble que l’arrivisme est hideux. Le tout est de ne pas se faire illusion sur sa propre valeur, et nous voici revenu à l’introspection.

 

Que de temps, que d’heures j’ai perdus à lire des livres dont je ne me souviens même plus. Si j’avais consacré ces heures dans une seule direction, j’y serais maître.

La culture certes ! Paul Valéry dit que la culture c’est ce dont on ne se souvient plus et qui vous a formé. La culture vient de ce qu’on a fait une bonne classe de philosophie et de ce qu’on connaît à fond les grands génies. Le reste des livres est un luxe pour les vacances. On n’a plus le temps de lire des livres inutiles. La spécialisation est la couleur de l’époque et c’est bien ainsi ! En tout cas, ne lire que cela qui en vaut la peine. Je parle à un étudiant...

N’allez pas au cinéma. Plaisir déroutant qui équivaut au mauvais roman policier et à ce qu’on appelait autrefois « les feuilletons pour concierges ». Les enfants aiment les images. Que vous apprendra le cinéma ?

Sachez dès aujourd’hui que ce qu’on appelle « le monde » est un assemblage de vanité et de flatteries mutuelles où un homme digne de ce nom ne peut respirer une minute. Si un jour vous êtes obligé professionnellement d’y paraître pour vous créer des relations, vous ferez comme tous ceux qui sont dans le même cas, vous vous tairez et vous saluerez en silence avec dégoût. Bien entendu, je ne confonds nullement « le monde » avec les réunions très amicales ou d’affection. Cependant, à cause de votre caractère excessivement sociable je dois vous mettre en garde aussi contre celles-ci. On vous détournera de vos travaux parce qu’on vous aimera. Prenez garde !

 

 

 

 

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