Manières d'être vivant - Baptiste Morizot
Comment lire dans les traces un être, au-monde, une tonalité d’existence ?
Pister, ce n est pas lire, comme je l’ai longtemps cm et écrit. C'est analogue, parce que lire est un détournement du pistage originel, du geste perceptif et mental de l' interprétation de séquences suivies de signes dam la boue qui font une histoire. Mais lire est une forme très particulière du pistage, induite par la dimension strictement intentionnelle du message écrit et sa forte charge sémantique et symbolique. Pister, c’est bien plus ambigu et suspendu que lire : c’est traduire. Traduire des signes donnés par un vivant qui est simultanément alien et parent. Traduire des “intraduisibles”. Le concept d’“intraduisible” est très élégant parce qu’il dit l’impossibilité de traduire, au sens où on n’aura jamais le “vrai” sens, ce qui permet de formuler une règle de probité toute simple, mais sans pour autant dire qu’il faut arrêter de chercher à le faire. Au contraire, un intraduisible, il faut continuer indéfiniment à le traduire. C’est un concept proposé par la philosophe Barbara Cassin pour qualifier ces mots qui appartiennent idiomatiquement si profondément à une langue que toute tentative de les traduire par un seul et même mot échoue : c’est par exemple la sauade des Brésiliens, le Dasein allemand, le spleen anglais... Face à ces intraduisibles, on n’est pas voué à se taire, il faut bien traduire, mais traduire revient alors à retraduire encore, à multiplier les tentatives pour essayer de faire justice. Je crois qu'on peut dire la même chose de ce qui nous occupe ici : face aux comportements, aux formes de vie mais il faut bien vivre, et vivre ensemble.
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