Affichage des articles dont le libellé est Schelling. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Schelling. Afficher tous les articles

dimanche 7 septembre 2025

Les âges du monde - Schelling

Les âges du monde - Schelling

Ce qui est passé est su, ce qui est présent est connu, ce qui est à venir est pressenti.

Ce qui est su est raconté, ce qui est connu est exposé, ce qui est pressenti est prophétisé.

--

Il faut reconnaître à l’homme un principe extérieur et  supérieur au monde; autrement, serait-il capable, seul entre  toutes les créatures, de refaire en sens inverse le long chemin des développements qui conduisent du présent jusque dans la j plus profonde nuit du passé. Comment pourrait-il seul remonter jusqu’au commencement des temps, s’il n’y avait en lui un principe du commencement des temps ? Créée à la source des choses et semblable à elle, l’âme humaine possède une connaissance de la création. En elle réside la plus haute clarté de toutes choses, et elle n’est point tant âme sachante qu’ elle n’est elle-même la science.

---

Être infini n’est pas pour soi une perfection, mais plutôt la marque d’un être imparfait. Ce qui est achevé est justement ce qui est arrondi, fini, fermé en soi.

--

Or, il a été démontré jusqu’à l’évidence que la divinité en soi et pour soi-même ou en tant qu’esprit le plus pur, est au- dessus de tout être; d’où il s’ensuit qu’elle ne saurait exister en l’absence d’une puissance éternelle, non pas d’engendrement, mais de gestation, d’une puissance qui la porte dans l’être, et que son existence vivante effective, loin d’être une existence immobile et morte, est par conséquent une naissance éternelle dans l’être, dont le moyen et l’organe sont pour cette raison appelés, au sens le plus propre du mot, nature éternelle (puissance génératrice) de Dieu.

--

Mais le lecteur ne saurait en rester à de tels acquis, un état se liant immédiatement à un autre, sans qu’il y ait même une fois d’arrêt momentané. Douleur, angoisse, dégoût du passé se résolvent, comme nous l’avons montré, grâce à  cette crise ou explicitation des forces ; mais à aucun moment ne se fait jour une coexistence indifférente. De la vie engloutie s’élève aussitôt une vie nouvelle. Ce qui devait auparavant être un, mais ne l’a pu, est maintenant un tout ou un ensemble qui ne repose que sur une simple solidarité interne ; c’est un ensemble en repos, uniquement passif, et non pas un tout effectif qui pourrait être exprimé en tant que tel. C’est pourquoi il est toujours plein de vie en chacun de ses membres individuels; mais, considéré du dehors ou en tant qu’ensemble, il est parfaitement inerte.

Toutes les forces gardent cependant le sentiment de leur unité dans leur explicitation même. La nécessité d’être un est surmontée, mais pas supprimée. Elle demeure, tempérée par la liberté. De contrainte, elle devient amour. L’amour n’est pas liberté et n’est pourtant pas non plus contrainte. C’est précisément parce qu’elles sont séparées et dissociées que les forces aspirent d’autant plus intimement à se sentir unies et à éprouver, à travers une harmonie volontaire interne, qu’elles forment comme un ensemble vivant : cette unité est une image de ce qui est véritablement intérieur et à quoi elles espèrent s’élever - grâce à Dieu.

La séparation consistant en ce que le supérieur est élevé au-dessus de ce qui lui est inférieur, tandis que celui-ci s’abaisse par rapport à lui, il en résulte que le mouvement naturel qui se décide à apparaître immédiatement après le  déclenchement de la crise, voire qui se produit au moment même de son déclenchement, est l’attraction universelle, une élévation de l’inférieur relativement au supérieur, et, partant, un nouveau mouvement, une nouvelle vie. De même que la nature éternelle en tant que tout tire à soi l’esprit de l’éternité, de même chaque puissance subordonnée attire celle qui lui est immédiatement supérieure.

--

Mais, en attirant à soi l’essence du monde des esprits et en la détachant par là de ce qui est supérieur, la nature éveille en lui un désir, celui de ne faire plus qu’un avec ce qui lui est supérieur et de l’attirer à soi, si bien que ce mouvement, qui (comme toujours) provient de la nature se propage jusqu’au plus haut.

--

Si cet esprit pur, cette ipséité  propre, ce ; Moi suprême de l’Etre total s’était trouvé intimement lié à cet Être total, s’il n’avait pas été libre à l’égard de l’Être éternel,  celui-ci n’aurait pu devenir pour lui le miroir dans lequel  apercevoir les merveilles du monde futur. Une fois supprimée la liberté des membres l’un à l’égard de l’autre, cette vie contemplative, cette clarté intérieure aurait disparue elle aussi.

La vie humaine se partage en deux états différents et, d’un certain point de vue, opposés. L’homme éveillé et celui qui dort sont à tous égards, en leur intériorité, un seul et même homme. Aucune des forces internes à l’œuvre à l’état de veille ne se perd dans le sommeil. D’où il résulte déjà que ce n’est pas une puissance interne à l’organisme, mais une puissance extérieure à lui qui détermine par sa présence ou son absence l’alternance de la veille et du sommeil. A l’état de veille toutes les forces de l’homme sont manifestement sous l’emprise d’une unité qui en maintient la cohésion, pour ainsi dire sous l’emprise d’un exprimant (ou exposant) commun. Mais, si ce lien se dissout (peu importe comment), chaque force retourne en elle-même, chaque organe semble agir de façon autonome, dans le monde qui lui est propre; une sympathie spontanée prend alors la place de l’unité qui liait de l’extérieur, et, tandis que le tout apparaît au dehors comme mort et inerte, le jeu et le commerce des forces semblent se déployer en dedans en toute liberté.

 

--

C’est le sommeil, dont la nature nous serait restée inconnue sans de telles expériences, qui est le phénomène extérieur de cette crise. Aussi, pour bien des raisons, il me semble que l'on distingue de façon par trop tranchée le sommeil magnétique du sommeil habituel. Comme nous ne  savons que peu de choses ou même rien sur les processus qui se  déroulent en celui-ci, nous ne pouvons pas savoir non plus s’ils ne sont pas similaires et identiques à ceux du sommeil magnétique, dont nous n’aurions pas de souvenir à l’état de veille ni guère de science sans le rapport particulier entre le dormeur et celui qui l’hypnotise.

--

L’échelon le plus bas serait celui où la crise se déclenche, où le côté matériel de la nature humaine se trouve posé en liberté. Là, en effet, l’âme inhérente à la matière, mais  toujours liée par la vie supérieure, l’âme qui forme toute chose et guérit tout, peut se déployer librement. C’est là que s’établit le libre commerce entre cette âme et ce qui est supérieur, à savoir l’être spirituel. Ce rapport est la médication universelle de la nature, la cause de toute santé, la teinture (Jakob Boheme : croyance selon laquelle «par cette teinture, le corps peut être sans cesse à nouveau rajeuni, préservé de la maladie et rendu capable d’un âge élevé au- dessus de toute détermination) par laquelle la rigueur de la nature se trouve à chaque fois adoucie! Toute nature subordonnée dont la liaison conductrice avec le terme supérieur est interrompue, est une nature malade; mais cette liaison se trouve toujours justement restaurée par le sommeil magnétique. Serait-ce parce que ce qui s’est intensifié grâce à ce sortilège et contre les intentions de la nature a sombré dans un plus profond sommeil, autrement dit a été ramené à la puissance qui est la sienne (donc aussi à la potentialité par rapport au supérieur), ou bien parce que la vie, affaiblie et rabaissée plus qu’il ne le faut par la puissance supérieur devient libre pour un moment et respire à nouveau? Dans les deux cas, la force curative du sommeil magnétique repose sur le rétablissement de cette liaison directrice interrompue entre ce qui est le plus élevé et le plus bas.

Le deuxième degré serait celui où le côté spirituel de l’homme deviendrait libre à l’égard de l’âme et l’attirerait à soi, pour lui faire voir, comme dans un miroir, ce qui est caché  au plus profond d’elle et s’y trouve encore à l’état enveloppé (pour autant qu’il représente ce qui est encore à venir et éternel en l’homme). Ce degré doit incontestablement être le plus haut que nous connaissions déjà dans le sommeil magnétique, à savoir celui où ce qui est entré en crise est entièrement mort à tout ce qui est extérieur et coupé du monde sensible et où, précisément pour cela, les signes d’une plus haute relation se montrent d’eux-mêmes.

Enfin, quant au troisième degré, nous devons le chercher dans des rapports tout à fait extérieurs aux rapports humains ordinaires et à propos desquels, dans le présent contexte,  il vaut mieux se taire que parler.

--

D’une façon générale, cet accord entre la vie objective et la vie subjective d’un être n’a rien qui doive surprendre. Ce qu’un Être est intérieurement ou selon l’être, il doit aussi l’être de manière manifeste ou selon l’étant. Pour autant qu’elles apparaissent successivement, les forces qui, dans leur simultanéité, constituent son existence intérieure, sont (non par le nombre, mais par nature) les puissances de sa vie ou de son devenir et l’élément déterminant des périodes ou époques de son développement.

L’intériorité de tout être organique repose sur trois  forces principales: la première (pour en donner brièvement un simple exemple), par laquelle il est en soi-même et se produit constamment, la deuxième en vertu de laquelle il tend vers l’extérieur, et la troisième, par laquelle il réunit dans une certaine mesure la nature des deux premières forces. Chacune de ces forces est nécessaire à l’être intime du tout, lequel serait supprimé si l’on en retirait une. Mais ce tout n’est pas un être fixe; une fois l’essence posée comme être, un étant se trouve immédiatement là.

--

De même que nous avons vu chez l’homme qu’une fois qu’il est dominé par une certaine humeur, tout revêt pour ainsi dire la couleur de cet état, la douceur se renversant en amertume, la mansuétude en colère, l'amour en haine, attendu que dans la douceur se trouve une source d’amertume et dans l’amour un germe de haine, lesquels sont seulement cachés, mais se montrent nécessaires à leur maintien

--

C’est là la première source de l’amertume qui constitue, et même doit constituer, l’essence intime de toute vie; et cette amertume éclate aussitôt chaque fois que l’on échoue à l'apaiser, car l’amour lui-même est contraint de devenir haine. L’esprit calme et apaisé est dans l’impossibilité d’agir, étant s opprimé par cette hostilité dans laquelle la nécessité de la vie transpose toutes les forces. C’est de là que vient la profonde insatisfaction qui affecte toute vie et sans laquelle il n’est pas d’effectivité ; c’ est là qu’ est le poison qui veut être surmonté et sans lequel la vie viendrait à s’assoupir.

--

Pour la deuxième fois donc la vie se trouve engagée dans le moment du mouvement involontaire, par un mouvement supérieur et entièrement différent.

Nous comprenons alors que, dans ce moment, l’étant forme avec son être l’Être le plus contradictoire qui soit. Nous comprenons que la première existence est la contradiction même et qu’inversement, la première effectivité ne peut se maintenir que dans cette contradiction dont certains disent pourtant qu’elle ne peut jamais être effective. Toute vie doit passer par le feu de la contradiction; la contradiction est le rouage qui met la vie en mouvement, elle est ce que la vie a de plus intime.