dimanche 28 décembre 2025

Les débuts de la philosophie bourgeoise de l’histoire - Max Horkheimer

Les débuts  de la philosophie  bourgeoise de l’histoire - Max Horkheimer 

CHAPITRE I

Machiavel  et la conception  psychologique de l’histoire

Dans les Discours au contraire, c’est la république qu’il considère comme la meilleure forme d’État, et là non plus sans la moindre ambiguïté, puisqu’il va même jusqu’à exprimer des sympathies démocratiques.

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« L’effet le plus ordinaire des révolutions que subissent les empires est de les faire passer de l’ordre au désordre, pour les ramener ensuite à l’ordre. Il n’a point été donné aux choses humaines de s’arrêter à un point fixe lorsqu’elles sont parvenues à leur plus haute perfection ; ne pouvant plus s’élever, elles descendent ; et pour la même raison, quand elles sont tombées au plus bas du désordre, faute de pouvoir tomber plus bas, elles remontent ; ainsi vont-elles successivement du bien au mal et du mal au bien. La virtù engendre le repos, le repos l’oisiveté, l’oisiveté le désordre, et le désordre la ruine des États ; puis bientôt, du sein de leur ruine, renaît l’ordre, de l’ordre la virtù, et de la virtù la gloire et la prospérité (10). »

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Pour Machiavel, la religion et la morale devaient se soumettre à ce but suprême de l’action humaine ; et c’est en son nom seul que l’on peut recourir au mensonge et à la fourberie, à l’hypocrisie, à la cruauté et au meurtre.

En fait, les moyens de dominer les hommes que Machiavel recueille dans l’histoire ont toujours été utilisés en politique, mais en général ils ne visaient nullement ce but suprême. Lorsque dans le célèbre huitième chapitre du Prince Machiavel explique que le prince peut violer des traités, qu’il n’a pas à tenir sa parole, lorsque l’auteur montre que de tout temps la religion a servi à maintenir tranquilles les classes sociales dominées, lorsque dans cette optique il compare cyniquement les avantages respectifs de la religion chrétienne et de la religion païenne, lorsqu’il signale l’extermination de groupes humains entiers comme un autre moyen approprié dans certaines circonstances, bref, lorsqu’il montre que les biens les plus sacrés, comme les crimes les plus atroces, ont de tout temps été des moyens aux mains des gouvernants, il a par là formulé une doctrine historico-philosophique grosse de significations.

CHAPITRE IV Vico et la mythologie

A l’époque de Vico, le cartésianisme est la grande mode philosophique, et il est impossible de ne pas se mesurer avec lui.

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Vico esquisse une présentation grandiose des débuts de la civilisation. La peur des éléments – personnifiés, puisque les hommes primitifs projettent leur propre nature dans l’univers – fait naître les premières institutions et les premières règles. L’éclair et le tonnerre, et toutes les autres formes d’intempéries, contraignirent les hommes à se trouver des endroits sûrs et leur inspirèrent en même temps la peur de colosses doués d’une force supérieure. Les hommes primitifs commencèrent à interpréter les phénomènes naturels en projetant leur propre essence dans la nature, donc en animant les forces naturelles : celte interprétation est à l’origine de la poésie qui coïncide avec les débuts de la civilisation

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La première période, donc, est constituée par le règne des géants ; la forme de la connaissance est l’imagination, son expression est la poésie fantastique. Dans la deuxième période – que Vico appelle l’époque héroïque – apparaissent les classes et par là les Etats. Les héros, c’est-à-dire les patriciens, s’organisent en ordres militaires contre les plébéiens, les « clients », pour protéger la structure de la propriété et se défendre contre ceux qui ne possèdent rien. C’est du corps des patriciens, ceux qui prennent le commandement dans ces luttes sociales, qu’émergent les rois. Ce sont donc ceux qui « se mirent à la pointe du combat contre les serviteurs révoltés (32) » ; et « les premiers États sont établis à la fin exclusive de conserver le pouvoir des patriciens (33) ». Vico a examiné avec beaucoup moins de profondeur les étapes ultérieures de son histoire « idéale » : « l’âge des hommes ». La part de loin la plus grande de la Scienza Nuova est constituée par des analyses de l’âge poétique et de l’âge héroïque. A la royauté primitive succède la république, aristocratique et par la suite démocratique, puis l’empire et en fin de compte la décadence. « Le caractère des peuples est tout d’abord rude, puis sévère, puis doux, puis fin et tendre, et enfin dissolu (34). »

Vico est donc convaincu, comme Machiavel, que chacun de ces cycles est nécessairement suivi d’une retombée dans la barbarie et du début d’un nouveau cycle. Le fondement immédiat de cette idée des rechutes se trouve pour Vico dans le fait du Moyen Âge. Le Moyen Âge est une nouvelle époque des héros, la deuxième barbarie.

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La doctrine de la répétition chez Vico n’est qu’une simple croyance dans le retour des choses humaines. Mais on ne peut lui donner raison que dans la mesure où l’éventualité d’un retour à la barbarie n’est jamais totalement exclue. Cette rechute peut être déterminée par des catastrophes extérieures, mais aussi par des causes qui dépendent des hommes eux-mêmes.

 

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