LE CONCEPT D’AUFKLÀRUNG
Selon Schelling, l’art commence là où le savoir fait défaut aux hommes. Pour lui, l’art est « le modèle de la science et là où est déjà l'art, la science a encore à pénétrer». Selon sa théorie, la séparation de l’image et du signe est « complètement abolie chaque fois qu’il y a représentation artistique ».
LA PRODUCTION INDUSTRIELLE
DE BIENS CULTURELS
Raison et mystification des masses
. La longueur moyenne d'une short story est décidée une fois pour toutes et on ne peut rien y changer.
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Les historiens de l’art et les défenseurs de la culture n'ont aucune raison de se plaindre de la disparition de l’énergie créatrice de style en Occident. L’utilisation stéréotypée de tout — même de l’informe — en vue de la reproductibilité industrielle dépasse en rigueur et en valeur tout ce qu’on appelle style, ce concept par lequel tous les amis de la culture idéalisent le passé précapitaliste qu’ils considèrent comme organique.
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Le plaisir que procure la violence subie par le personnage se transforme en violence contre le spectateur ; au lieu de se divertir, celui-ci s’énerve et se fatigue. Rien de ce que les experts ont imaginé comme stimulant ne doit échapper à l’œil fatigué ; l’on n'a pas le droit de se montrer stupide devant les astuces du spectacle, l’on doit être capable de saisir tout et de réagir avec la promptitude qui est celle de son rythme même.
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Dans l'industrie culturelle, l’individu n'est pas seulement une illusion à cause de la standardisation des moyens de production. Il n’est toléré que dans la mesure où son identité totale avec le général ne fait aucun doute.
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Le culte des produits à bon marché implique que les individus moyens soient élevés au rang de héros. Les stars les mieux payées ressemblent à des images publicitaires pour articles de marque non spécifiés. Ce n’est pas un hasard si elles sont souvent choisies parmi la masse des modèles commerciaux. Le goût dominant emprunte son idéal à la publicité, à la beauté objet de consommation.
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Par le langage dans lequel il s’exprime, celui-ci apporte sa contribution au caractère publicitaire de la culture. Plus le langage se fond dans la communication, plus les mots qui jusqu’alors étaient véhicules substantiels du sens se dégradent et deviennent signes privés de qualité ; plus les mots transmettant ce qui veut être dit sont clairs et transparents, plus ils deviennent opaques et impénétrables. ----
Mais en échange, le langage et les gestes des auditeurs et des spectateurs sont imprégnés plus fortement qu’aupanavant des schémas de l’industrie culturelle, jusque dans des nuances si fines qu’aucune méthode expérimentale n’a réussi à les expliquer jusqu'à présent. Aujourd'hui l’industrie culturelle a pris en charge la fonction civilisatrice de la démocratie des asservis et des chefs d'entreprise, qui n’avait pas non plus un sens très affiné des déviations intellectuelles.
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Les réactions les plus intimes des hommes envers eux-mêmes ont été à ce point réifiées que l’idée de leur spécificité ne survit que dans sa forme la plus abstraite : pour eux, la personnalité ne signifie guère plus que des dents blanches, l'absence de taches de transpiration sous les bras et la non-émotivité. Et voici le résultat du triomphe de la publicité dans l’industrie culturelle: les consommateurs sont contraints à devenir eux- mêmes ce que sont les produits culturels, tout en sachant très bien à quoi s’en tenir.
ÉLÉMENTS DE L’ANTISÉMITISME
Limites de la Raison
Dans le fascisme la conscience morale est liquidée de toute façon : la responsabilité envers la femme et l’enfant, si péniblement développée par la civilisation bourgeoise, cède la place à la nécessité constante de s’orienter suivant les règles officielles imposées à chaque individu. Contrairement à ce que pensaient Dostoïevski et des apôtres allemands de l’intériorité, cette conscience morale consistait à dédier le moi à la substance du monde extérieur, à être apte à faire siens les véritables intérêts des autres.
NOTES ET
ESQUISSES
Une civilisation qui pratique le culte des stars a besoin comme complément de la célébrité d’un mécanisme social qui nivelle tout ce qui attire l’attention : les stars ne sont que les modèles qu’utilise une entreprise de confection aux dimensions mondiales et le ciseau de la justice légale et économique éliminant les derniers bouts de fil visibles.
Note.
Ceux qui croient que le nivellement et la standardisation des hommes s'accompagnent par ailleurs d’un renforcement de l’individualité des soi-disant personnalités dominantes en rapport avec leur pouvoir, ceux-là se trompent et cèdent eux-mêmes à l'idéologie. Les chefs fascistes d'aujourd'hui ne sont pas tant des surhommes que des fonctions de leur propre appareil de propagande, les points de rencontre des réactions identiques d’innombrables individus.
Croire que la vérité d’une théorie est la même chose que sa fertilité est une erreur. Certains semblent cependant penser le contraire. Ils estiment que la théorie a si peu besoin de trouver une application dans le penser quelle doit plutôt s'en passer. Ils interprètent à tort toute affirmation comme une profession de foi définitive, un commandement ou un tabou. Ils veulent se soumettre à l’idée comme à un dieu, ou ils l'attaquent comme une idole. Ce qui leur manque par rapport à l’idée, c’est la liberté. Mais l'aspect essentiel de la vérité est justement que l’on y prenne part en tant que sujet actif. On peut entendre des propositions qui sont vraies, mais on ne découvre leur vérité que si l’on pense pendant quelles sont prononcées et qu’ensuite on continue à penser.
GENÈSE DE LA BÊTISE
La bêtise est une cicatrice. Elle peut être en relation avec une activité parmi beaucoup d’autres ou avec toutes, qu’elles soient physiques ou mentales. Chez l’homme chaque manifestation de bêtise partielle désigne un lieu où le jeu des muscles au lieu d'être encouragé a été entravé au moment de leur éveil. C’est en présence d’obstacles que commença, à l'origine, la vaine répétition de tâtonnements désordonnés et maladroits. Les innombrables questions que pose l’enfant sont déjà des symptômes d'une douleur secrète, d’une première question a laquelle il n’obtint pas de réponse et qu’il ne sait pas formuler correctement. Ses réitérations ont quelque chose de l'obstination enjouée du chien qui bondit continuellement devant la porte qu’il ne sait pourtant pas ouvrir, pour y renoncer finalement si la poignée est hors de sa portée ; elle a quelque chose du désespoir du lion qui va et vient dans sa cage, ou du geste de défense que réitère le névrosé, alors que ce geste une fois déjà avait été vain.
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