vendredi 19 décembre 2025

Essais - Emerson

Essais - Emerson

NATURE

4. Le langage

Le langage est un troisième aspect que la Nature met au service de l’homme. La Nature est le véhicule de la pensée à un simple, double ou triple degré.

1.    Les mots sont les signes des faits naturels.

2.    Les faits naturels particuliers sont les symboles des faits spirituels particuliers.

3.    La Nature est le symbole de l’esprit.

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Qui peut contempler une rivière lors d’un moment de méditation sans être frappé par le mouvement de flux de toutes choses ? Jetez une pierre dans une rivière et vous verrez les cercles se propager en incarnant avec beauté la notion d’influence. L’homme est conscient de la présence d’une âme universelle à l’intérieur ou derrière sa vie individuelle, de laquelle s’élèvent et brillent, comme dans un firmament, les natures de la justice, de la Vérité, de l’Amour ou de la Liberté. 

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CONFIANCE ET AUTONOMIE

Croire en votre propre pensée, croire que ce qui est vrai pour vous au fond de votre cœur l’est aussi pour tous les hommes, voilà où est le génie. Exprimez vos convictions latentes, et elles deviendront universelles, car ce qui est le plus intérieur devient à la longue le plus extérieur - et notre première pensée nous sera un jour rendue par les trompettes du Jugement dernier.  

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Il arrive toujours un moment, dans l’éducation d’un homme, où il est convaincu que l’envie naît de l’ignorance, que l’imitation est suicidaire, qu’il doit s’accepter, pour le meilleur ou pour le pire, et que, même si le vaste univers est plein de merveilles, aucun grain de maïs ne lui viendra d’un autre lopin de terre que de celui qu’il lui a été donné de cultiver. La puissance qui réside en lui est d’une nature nouvelle, il est seul à savoir ce qu’il peut faire, et encore ne le sait-il qu’après avoir essayé. Ce n’est pas sans raison qu’un visage, une personnalité ou un fait le marquent si fort, quand d’autres le laisseront indifférent. 

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Le monde, vous fouette de son déplaisir pour votre manque de conformisme.C’est pourquoi l’homme doit prendre la mesure d’un visage hostile.  

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Nous lisons comme des. mendiants et des sycophantes.

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Le gland est-il meilleur que le chêne dont il est l’épanouissement et la complétude? Le parent est-il meilleur que l’enfant dans lequel il a mis la maturité de son être? Pourquoi donc cette vénération du passé? 

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CERCLES

La clé qui mène à chaque homme est sa pensée.

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C’est pourquoi le poète est cher à : nos yeux. La sagesse du : monde ne se trouve ni dans les encyclopédies, ni dans les traités métaphysiques ni dans les Saintes Écritures, mais dans le sonnet ou la pièce de théâtre. Dans mon travail quotidien, je tends à répéter mes anciennes démarches et je ne crois pas à la force correctrice ni au pouvoir du changement ou de la réforme.  

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L'AME SUPREME

Si nous pensons à ce qui se passe dans les conversations, dans les rêveries, dans le remords, dans les périodes de passion, dans les surprises ou dans les instructions données par les rêves, dans lesquels nous nous voyons souvent masqués — ces déguisements comiques ne faisant que magnifier et relever un élément vrai pour le forcer à apparaître à notre regard —, nous saisirons de nombreux fragments qui grandiront et s’éclaireront pour devenir connaissance du secret de la nature. Tout conduit à montrer que l’âme, en l’homme, n’est pas un organe, mais qu’elle anime et commande tous les organes; qu’elle n’est pas une fonction, comme le pouvoir de la mémoire, du calcul ou de la comparaison, mais qu’elle se sert d’eux comme autant de mains ou de pieds; 

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L’homme est la façade d’un temple qui abrite toute sagesse et tout bien. Ce que nous appelons communément l’homme, celui qui mange, boit, plante et compte, cet homme, tel que nous le connaissons, ne se représente pas, il se travestit. Celui-là, nous ne le respectons pas, mais s’il laissait transparaître dans ses actions l'âme dont il est l’organe, nos genoux fléchiraient d’eux-mêmes. Quand elle transpire à travers l’intelligence de l’homme, elle est génie; à travers sa volonté, elle est vertu; quand elle se coule dans son affection, elle est amour. Quant à l’aveuglement de l’intelligence, il commence quand elle veut exister par elle-même. La faiblesse de la volonté commence quand l’individu entend être quelqu’un par lui-même. Tout progrès, quel qu’il soit, vise à laisser l’âme se frayer son chemin en nous ; en d’autres termes, à nous engager à obéir.
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LE TRANSCENDENTALISTE

Dans l’ordre de la pensée, le matérialiste part du monde extérieur et estime que l’homme en est le produit. L’idéaliste part de sa conscience et considère le monde comme apparence. Le matérialiste respecte les masses sensibles, la Société, le Gouvernement, les relations sociales, le luxe, chaque établissement, chaque masse - qu’il s’agisse de majorité numérale, d’étendue spatiale, ou de quantité d’objets —, ainsi que chaque action sociale. L’idéaliste a une autre mesure, qui est métaphysique, à savoir, le rang que les choses elles-mêmes viennent occuper dans sa conscience » et non pas la taille ou l’apparence. L’esprit est la seule réalité, dont les hommes et toutes les autres natures sont des réflecteurs plus ou moins bons. 

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Sa pensée, c'est l'univers. Son expérience l'incite à contempler la procession des faits que vous appelez le monde comme coulant perpétuellement c'est l'extérieur, à partir d'un centre invisible et inexploré en lui même 

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 Le Transcendantaliste adopte le contexte tout entier de la doctrine spirituelle. 

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Dirons-nous, alors, que le Transcendantalisme est une saturnale, ou un excès de foi; le pressentiment d’une foi propre à l’homme dans son intégrité, qui n’est excessive que lorsque son obéissance imparfaite fait obstacle à la satisfaction de son souhait? La nature est transcendantale, elle existe essentiellement.
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Contempler la beauté d’une autre personnalité qui inspire un intérêt nouveau pour la nôtre ; contempler la beauté qui se loge dans un être humain, avec une telle vivacité d’appréhension que je me sens sur-le-champ contraint de rentrer chez moi pour me demander si je ne suis pas la difformité incarnée ; contempler chez l’autre l’expression d’un amour si élevé qu’il s’impose de lui-même — qu’il s’impose aussi auprès de moi contre tout risque possible, mis à part celui de ma propre indignité - voilà des degrés dans l’échelle du bonheur humain qu’ils ont pu atteindre; et c’est la fidélité à ce sentiment qui leur a rendu déplaisantes les relations humaines ordinaires. 

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C’est pourquoi, en ce qui concerne les beaux-arts, on ne doit pas viser l’imitation, mais la création. Quand il peint un paysage, l’artiste devrait suggérer une création plus belle que ce que nous connaissons déjà. Il devrait oublier les détails prosaïques de la nature, pour ne nous en donner que l’esprit et la splendeur. Il devrait être conscient que ce paysage possède une certaine beauté à ses yeux parce qu’il exprime une pensée qui lui semble bonne, ce qui est possible parce que le même pouvoir, qui voit à travers ses yeux, se laisse également contempler dans ce spectacle;

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EXPERIENCE

Si quelqu’un d’entre nous savait ce que nous faisons, où nous allons, au moment précis où nous croyons le savoir parfaitement! Nous ne savons pas aujourd’hui si nous sommes actifs ou oisifs.

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Les hommes semblent avoir appris de l’horizon l’art d’un recul et d’un renvoi perpétuels. 

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Le rêve nous livre au rêve, et il n’y a pas de fin à l’illusion. La vie est une suite d’humeurs, pareille a un chapelet de perles, et quand nous les traversons, elles s’avèrent des lentilles multicolores qui peignent le monde selon leur propre couleur, et chacune ne montre que ce qui s’étend à sa portée. Depuis la montagne, vous voyez la montagne. Nous animons ce que nous pouvons, et nous ne voyons que ce que nous animons. La nature et les livres appartiennent aux yeux qui les voient. Il dépend de l’humeur de l’homme de voir plutôt le coucher du soleil ou le beau poème. Il y a toujours des couchers de soleil, et il y a toujours du génie; mais seulement quelques heures assez sereines pour que nous puissions y goûter la nature ou la critique.

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Les jeunes gens raffinés méprisent la vie, mais chez moi, et chez ceux que, comme moi, sont exempts de dyspepsie et pour qui une journée est un bien sain et solide, c’est un grand excès de politesse d’avoir l’air méprisant et de réclamer une compagnie. 

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La vie humaine est constituée de ces deux éléments, le pouvoir et la forme, et il faut y garder une proportion invariable, si nous voulons qu’elle soit douce et solide. 

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Un homme est une impossibilité dorée. Le chemin qu’il doit suivre a la largeur d’un cheveu. Par excès de sagesse, le sage devient un fou.

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DESTIN

Ainsi, comme chaque plante, chaque homme a ses parasites. Une nature forte, sévère, bilieuse a des ennemis plus acharnés que les limaces et les pucerons qui torturent mes feuilles. Un tel homme a ses charançons, ses térébrants, ses couteaux : un escroc l’a d’abord rongé, puis un client, puis un charlatan, puis des messieurs polis et convaincants, amers et égoïstes comme Moloch.
 

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