Les pages immortelles - Emerson
LA CONFIANCE EN SOI
Notre manière de lire est celle de mendiants et de sycophantes.
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LES LOIS SPIRITUELLES
Notre vie est enveloppée dans la beauté
Lorsque l’acte de la réflexion prend place dans l’esprit, lorsque nous nous observons à l’aide de la lumière de la pensée, nous découvrons que notre vie est enveloppée dans la beauté. Derrière nous, à mesure que nous marchons, toutes les choses prennent des formes charmantes comme les nuages de l’horizon lointain. Non seulement les choses familières et anciennes, mais encore les choses tragiques et terribles sont les bienvenues et prennent place parmi les peintures de la mémoire. Le bord de la rivière, les joncs suspendus au flanc des eaux, la vieille maison, les folles personnes, quoique négligées autrefois, prennent, grâce au passé, une forme gracieuse. Le cadavre lui-même, qui a été revêtu du linceul dans cette chambre, a ajouté à la maison un solennel ornement. L’âme ne connaît ici ni la difformité, ni la peine. Si dans nos heures de claire raison nous pouvions exprimer la sévère vérité, à coup sûr nous dirions que nous n’avons jamais fait un sacrifice. Dans ces heures l’esprit semble si grand, qu’il semble que rien d'important ne puisse nous être enlevé. Toute perte, toute souffrance est particulière ; l’univers reste intact pour notre cœur. Que jamais la détresse ou autre bagatelle n’abattent notre confiance. Jamais aucun homme n’a exposé ses chagrins aussi gaiement et aussi légèrement qu’il l’aurait pu. Avouez qu’il y a de l’exagération, même chez les plus patients et les plus tristement éprouvés par la destinée. Car ce n’est après tout que le fini qui a travaillé et souffert en nous ; l’infini est resté couché et enveloppé dans son souriant repos.
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L'AME SUPREME
La vérité est l’élément de notre vie ; si un homme fixe son attention sur un seul aspect de la vérité et l’y applique pendant longtemps, non seulement le vrai se déforme mais aussi le faux.
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LE POETE
On reconnaît le poète à ce qu’il annonce ce que personne n’avait prédit. Il est le seul et vrai savant ; il sait et raconte ; lui seul annonce ce qui est nouveau car il a vu ce qu’il décrit. Il est le témoin des idées et celui qui exprime la nécessité et la cause. Nous ne parlons pas en ce moment d’hommes aux talent poétique, ou d'habileté poétique, mais au regard perçant qui connaîtrait la valeur incomparable de nos matériaux, et verrait dans la barbarie et Je matérialisme de ce temps un carnaval des mêmes dieux dont on admire la description dans Homère, ou dans le moyen-âge ou dans le calvinisme. Les banques et les tarifs, les journaux et les partis politiques, le méthodisme et l'unitarisme sont plats et mornes pour les gens tristes, mais reposent sur les mêmes bases de merveilleux que la ville de Troie et le temple de Delphes, et sont appelés à disparaître aussi rapidement.
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EXPERIENCE
La douleur ri est pas si mauvaise qu’elle le parait
Les gens se plaignent et pleurent sur eux-mêmes, mais ils ne vont pas la moitié aussi mal qu’ils le disent. II y a des humeurs sem-bres que nous pouvons supporter dans l’espoir que là du moins nous trouverons la réalité, et pointe, et les bords tranchants de la vérité. Mais cela tourne à la mise en scène et à la contrefaçon. La seule chose qui m’ait frappé dans la douleur, c’est de savoir combien elle est peu profonde.
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MANIERE
Une belle forme vaut mieux qu’un beau visage ; une belle action vaut mieux qu’une belle forme : elle donne un plus grand plaisir qu’une statue ou un tableau ; c’est le plus beau des beaux-arts.
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L'INTELLECTUEL AMERICAIN
La première et la plus importante des influences sur l’esprit est celle de la nature. Chaque jour le soleil, et après, le crépuscule, la. nuit et les étoiles. Toujours soufflent les vents ; toujours les. herbes poussent; Chaque jour, des hommes, des femmes, qui se parlent, se voient et sont vus. L’intellectuel est de tous les .hommes celui que ce spectacle engage le plus. Il doit s’en pénétrer l’esprit. Que représente pour lui la nature ? Il n’y a ni commencement ni fin à l’inexplicable continuité de cette toile tissée par Dieu, mais une puissance qui revient toujours sur elle-même. C’est pourquoi elle ressemble à son propre esprit dont il ne trouve jamais ni le commencement ni la fin, aussi entière, aussi illimitée.
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Les livres bien employés sont la meilleure des choses ; mal employés, parmi les pires. Quel est leur meilleur usage ? Quelle est la véritable fin où ils produisent tous leurs effets ? Ils ne sont pas fait pour autre chose que pour inspirer. Je préférerais n’avoir jamais lu un livre plutôt que d’avoir été attiré hors de ma propre orbite et d’être devenu un satellite au lieu d’un système. La seule chose de valeur dans le monde est une âme active. Cela, chaque homme peut l’avoir. Chaque homme la contient en lui-même, bien que dans la plupart d’entre eux elle soit obstruée et ne se soit pas encore manifestée. L’âme active aperçoit la vérité absolue ; elle exprime la vérité ou la crée. C’est en cet acte que consiste le génie, non pas le privilège accordé à quelques favoris, mais l’état de tout homme sain. Le livre, le collège, l’école d’art, l’institution quelle qu’elle soit. Dans son essence il est progressif. Le livre, le collège, l’école d’art, l’institution quelle qu’elle soit s’arrêtent à une expression ancienne du génie. Ils me démolissent.
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L’esprit de ce pays, instruit à ne viser que des buts mesquins se dévore lui-même.
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LE TRANSCENDATALISTE
Vous me croyez le fils de mes causes : Je suis l’auteur de mes causes. Laisse chacune de mes pensées ou de mes mobiles être différents de ce qu’ils sont, la différence transformera ma condition et ma situation. Je — cette pensée que j’appelle je — suis le moule dans lequel le monde est coulé comme de la cire. Le moule est invisible, mais le monde prouve la forme du moule.
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