vendredi 11 août 2023

Anthologie - Mahmoud Darwich

Anthologie - Mahmoud Darwich

UNE RIME POUR LES MU‘ ALLAQÂT

Personne ne m’a guidé vers moi

Je suis le guide, je suis le guide

Vers moi, entre mer et désert

De ma langue, je suis né sur la route de l’Inde

Au sein de deux petites tribus

Vivant sous la lune des religions anciennes et de la

paix impossible

Contraintes d’apprendre l’astrologie du voisin persan et la grande obsession des Byzantins pour que les temps pesants

Délestent encore la tente de l’Arabe

Qui suis-je ? C’est la question que les autres posent

Et elle est sans réponse

Moi ? Je suis ma langue, moi

Et je suis un, deux, dix poèmes suspendus Voici ma

langue
 

Je suis ma langue. Et je suis Ce que les mots ont dit

Sois notre corps, et je fus un corps pour leur timbre

Je suis ce que j’ai dit aux mots

Soyez le confluent entre mon corps et l’éternité désert

Soyez, que je sois selon ce que je dis

Pas de terre au-dessus de la terre qui me porte

Alors mes mots me portent

Oiseau issu de moi, et qui construit le nid de son

voyage devant moi, dans mes débris

Dans les débris du merveilleux, autour de moi

Sur un vent, je me suis dressé. Et ma longue nuit

m’est interminable

Voici ma langue, colliers d’étoiles aux cous de ceux

que j’aime

Ils sont partis

Ils ont emporté le lieu

Emporté le temps

Effacé leurs odeurs des jarres et de l’herbe avare. 

Partis

Ils ont emporté les mots. Et le cœur meurtri est parti 

aussi. L’écho, cet écho

Contiendra-t-il ce blanc mirage sonore d’un nom, 

dont la raucité remplit l’inconnu Et que le départ emplit de divinité ?

Le ciel pose sur moi une fenêtre. Je regarde

Je ne vois nul autre que moi

Je me suis trouvé en mon dehors. Pareil à moi-même

Et mes visions ne s’éloignent pas du désert

De vent et de sable, sont mes pas

Et mon univers est mon corps et ce que possèdent

mes mains

Je suis le voyageur et le chemin

Des dieux m’apparaissent et s’en vont, et nous n’en

dirons pas plus sur ce qui adviendra

Nul autre lendemain en ce désert que ce que nous

avons vu hier

A moi de brandir ma mu‘allaqa, que se brisent les

temps cycliques

Et viennent les beaux jours

Tout ce passé qui s’en vient demain

J’ai laissé mon être à lui-même. Plein de son présent

Et le départ m’a désempli des temples

Le ciel a ses peuples et ses guerres

Quant à moi, j’ai la gazelle pour épouse,et j'ai les

palmiers

Poèmes suspendus dans le livre de sable Du passé, ce que je vois

L’homme possède le royaume de la poussière et une couronne

A ma langue de l’emporter sur le siècle adverse Sur ma lignée

Sur moi, sur mon père et sur une fin qui ne finit pas 

Voici ma langue et mon miracle. La baguette de ma féerie

Les jardins de ma Babylone. mon obélisque ma pre

mière identité 

Mon métal poli, et 

Le sacré de l’Arabe au désert 

Qui adore ce qui coule 

Des rimes, étoiles sur sa cape 

Et adore ce qu’il dit

Il faudra donc une prose

Une prose divine pour que triomphe le Prophète

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