mercredi 28 avril 2021

Je m’oralise – Ghérasim Luca

 

Je m’oralise – Ghérasim Luca

 

Il m’est difficile de m’exprimer

 

en langage visuel

 

il pourrait y avoir dans l’idée même de création

quelque chose qui échappe à la description passive

 

telle quelle découle nécessairement d’un langage conceptuel

 

dans ce langage qui sert à désigner des objets

 

le mot n’a qu’un sens ou deux

et il garde la sonorité prisonnière

 

Qu’on brise la forme où il s’est englué

et de nouvelles relations apparaissent

 

La sonorité s’exalte

 

les secrets endormis au fond des mots surgissent

 

Celui qui les écoute est introduit dans un monde de vibrations

qui suppose une participation physique simultanée à l’adhésion mentale

 

Libérez le souffle, et chaque mot devient un signal

 

Je me rattache vraisemblablement

à une tradition poétique

 

tradition vague

et de toute façon illégitime

 

Mais le terme même de poésie me semble faussé

je préfère ontophonie

 

Celui qui ouvre le mot ouvre la matière

 

et le mot n’est que le support matériel d’une quête

qui a la transmutation du réel pour fin

 

Plus que de me situer par rapport à une tradition ou à une révolution

je m’applique à dévoiler ma résonance d’être

 

La poésie est un silensophone

 

Le poème, un lieu d’opération

 

Le mot y est soumis à une série de mutations sonores

 

chacune de ses facettes libère la multiplicité de sens

dont elles sont chargées

 

Je parcours aujourd’hui une étendue

où le vacarme et le silence s’entrechoquent

 

où le poème prend la forme de l’ombre

qu’il a mise en marche

 

Mieux,

le poème s’éclipse

devant ses conséquences

 

En d’autres termes

 

JE M’ORALISE

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