mercredi 28 avril 2021

Une semaine de péché – Folke Fridell

Une semaine de péché – Folke Fridell

 

Je ne veux pas grimper l’échelle sociale — qu’est-ce que j’ai à fiche de la pauvre vie que mènent les riches? Je ne me plairais pas là-haut, au milieu de tous leurs rites stupides et de leurs inventions sans intérêt. Je suis, malgré toute mon affliction, un membre loyal des classes inférieures qui se plaît là où il est. J’entends d’ici les gens cultivés ricaner et crier au primitivisme. Et ils ont sans doute raison, je souffre peut-être d’une forme de carence : je n’ai pas dans le sang le même goût qu’eux pour la vie compliquée des gros bonnets qui ont tout le temps une armée de domestiques à leurs trousses.

Ça prend peut-être du temps, de se débarrasser d’un sentiment de honte devant toutes ces courbettes. Mais moi, je suis heureux de l’avoir encore, même si ça n’est pas toujours très agréable.

Le patron se décide enfin, non sans tourner autour du pot :

— C’est bien ennuyeux, cette histoire. Parce que, en temps normal, vous êtes l’un de mes collaborateurs les plus dignes de confiance.

Tous ces trucs qui commencent en « co » c’est une nouveauté dans le vocabulaire capitaliste. Je ne sais pas trop à quoi le patron veut faire allusion. Si c’est à la mort de mon père ou à ma semaine de création.

 

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Et pourquoi pas aller boire un coup... ?

Il y a un bistrot dans le pays maintenant, parce qu’on est modernes ou on ne l’est pas et la munici­palité s’est dit que, puisqu’on ne pouvait pas empêcher les gens de boire, autant que l’argent reste dans le pays.

... Prendre une bonne cuite et débiter des insanités à tout le monde. Dans ces cas-là, il y a un toit même pour un pauvre diable de sans-abri, parce qu’on a un violon aussi. Un bistrot sans violon pour aller avec, ça serait à peu près aussi utile qu’une jument qui serait aveugle.

De toute façon, je suis déjà tellement couvert de honte que peu importe ce que je peux encore faire et puis les fenêtres du bistrot ont l’air bien accueillantes, dans l’obscurité du soir, avec leurs lumières qui bril­lent. L’alcool, ça vous transforme un homme : ça vous fait un héros d’un lâche et un orateur d’un type qui ne sait pas parler. L’ivresse, ça apporte la force aux faibles et la joie à ceux qui sont tristes.

Ça serait quelque chose pour Konrad Johnson, en ce moment. Si quelqu’un a besoin de noyer son chagrin, c’est bien moi, et j’aurais bien besoin des nobles pen­sées que peut vous inspirer le vin, sapristi ; moi qui ne sais que ruminer une chique plutôt écœurante, en fait de pensées.

 

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