Vauvenargues - Maximes et
réflexions
67. Il est difficile d’estimer
quelqu’un comme il veut l’être
103. Les méchants sont toujours
surpris de trouver de l’habileté dans les bons
106. Nous découvrons en
nous-mêmes ce que les autres nous cachent, et nous reconnaissons dans les
autres ce que nous nous cachons à nous-mêmes
114. On ne s’amuse pas longtemps
de l’esprit d’autrui.
143. La pensée de la mort nous
trompe, car elle nous fait oublier de vivre
145. La plus fausse de toutes les
philosophies est celle qui, sous prétexte d’affranchir les hommes des embarras
des passions, leur conseille l’oisiveté, l’abandon et l’oubli d’eux-mêmes
160. Le prétexte ordinaire de
ceux qui font le malheur des autres, est qu’ils veulent leur bien.
192. Les faibles veulent
quelquefois qu’on les croie méchants ; mais les méchants veulent passer
pour bons
203. Quand on a beaucoup de
lumières, on admire peu ; lorsque l’on en manque, de même. L’admiration
marque le terme de nos connaissances, et prouve moins, souvent, la perfection
des choses, que l’imperfection de notre esprit
215. Savoir bien rapprocher les
choses, voilà l’esprit juste ; le don de rapprocher beaucoup de choses et
de grandes choses, fait les esprits vastes. Ainsi, la justesse paraît être le
premier degré, et une condition très-nécessaire de la véritable étendue
d’esprit.
219. Il y a peut-être autant de
vérités parmi les hommes que d’erreurs, autant de bonnes qualités que de
mauvaises, autant de plaisirs que de peines ; mais nous aimons à contrôler
la nature humaine, pour essayer de nous élever au-dessus de notre espèce, et
pour nous enrichir de la considération dont nous tâchons de la dépouiller. Nous
sommes si présomptueux, que nous croyons pouvoir séparer notre intérêt
personnel de celui de l’humanité, et médire du genre humain, sans nous
compromettre. Cette vanité ridicule a rempli les livres des philosophes
d’invectives contre la nature. L’homme est maintenant en disgrâce chez tous
ceux qui pensent, et c’est à qui le chargera de plus de vices ; mais
peut-être est-il sur le point de se relever, et de se faire restituer toutes
ses vertus ; car rien n’est stable, et la philosophie a ses modes comme
les habits, la musique, l’architecture, etc.
220. Sitôt qu’une opinion devient
commune, il ne faut point d’autre raison pour engager les hommes à
l’abandonner, et à embrasser l’opinion contraire, jusqu’à ce que celle-ci
vieillisse à son tour, et qu’ils aient besoin de se distinguer par d’autres
choses. Ainsi, s’ils atteignent le but dans quelque art ou dans quelque
science, on doit s’attendre qu’ils le passeront bientôt pour acquérir une
nouvelle gloire ; et c’est ce qui fait, en partie, que les plus beaux
siècles dégénèrent si promptement, et qu’à peine sortis de la barbarie, ils s’y
replongent.
243. Nous nous consolons rarement
des grandes humiliations ; nous les oublions.
277. Un menteur est un homme qui
ne sait pas tromper ; un flatteur, celui que ne trompe ordinairement que
les sots : celui qui sait se servir avec adresse de la vérité, et qui en
connaît l’éloquence, peut seul se piquer d’être habile
284. L’envie ne saurait se
cacher : elle accuse et juge sans preuves ; elle grossit les
défauts ; elle a des qualifications énormes pour les moindres
fautes ; son langage est rempli de fiel, d’exagération et d’injure. Elle
s’acharne avec opiniâtreté et avec fureur conte le mérite éclatant ; elle
est aveugle, emportée, insensible, brutale.
310. Le commerce est l’école de
la tromperie.
320. Comme il est naturel de
croire beaucoup de choses sans démonstration, il ne l’est pas moins de douter
de quelques autres, malgré leurs preuves.
329. L’art de plaire est l’art de
tromper
330. Nous sommes trop
inattentifs, ou trop occupés de nous-mêmes, pour nous approfondir les uns les
autres : quiconque a vu des masques, dans un bal, danser amicalement
ensemble, et se tenir par la main sans se connaître, pour se quitter le moment
d’après, et ne plus se voir ni se regretter, peut se faire une idée du monde
Maximes Posthumes
386. Mes passions et mes
pensées meurent, mais pour renaître ; je meurs moi-même sur un lit, toutes
les nuits, mais pour reprendre de nouvelles forces et une nouvelle fraicheur.
Cette expérience que j’ai de la mort, me rassure contre la décadence et la
dissolution du corps : quand je vois que la force active de mon âme
rappelle à la vie ses pensées éteintes, je comprends que celui qui a fait mon
corps peut, à plus forte raison, lui rendre l’être. Je dis dans mon cœur
étonné : Qu’as-tu fait des objets volages qui occupaient tantôt ta
pensée ? retournez sur vos propres traces, objets fugitifs. Je parle, et
mon âme s’éveille ; ces images mortelles m’entendent, et les figures des
choses passées m’obéissent et m’apparaissent. O âme éternelle du monde, ainsi
votre voix secourable revendiquera ses ouvrages, et la terre, saisie de
crainte, restituera ses larcins !
423. Les bonnes maximes sont
sujettes à devenir triviales.
424. Les hommes aiment les
petites peintures, parce qu’elles les vengent des petits défauts dont la
société est infectée ; ils aiment encore plus le ridicule qu’on jette avec
art sur les qualités éminentes qui les blessent. Mais les honnêtes gens
méprisent le peintre qui flatte si bassement la jalousie du peuple, ou la
sienne propre, et qui fait métier d’avilir tout ce qu’il faudrait respecter
446. La solitude est à
l’esprit ce que la diète est au corps, mortelle lorsqu’elle est trop longue,
quoique nécessaire.
521. Tous les hommes
naissent sincères, et meurent trompeurs.
522. Les hommes semblent
être nés pour faire des dupes, et l’être d’eux-mêmes.
555. [On parle et l’on écrit
rarement comme l’on pense.]
612. [Nous ne pensons pas si
bien que nous agissons.]
617. [L’esprit n’est
aujourd’hui à si bas prix, que parce qu’il y en a beaucoup.]
700. [Oh ! qu’il est
difficile de se résoudre à mourir!]
Maximes supprimées
804. Un peu de bon sens
ferait évanouir beaucoup d’esprit.
823. On n’est pas toujours
si injuste envers ses ennemis qu’envers ses proches
824. La haine des faibles
n’est pas si dangereuse que leur amitié
829. Au défaut des choses
extraordinaires, nous aimons qu’on nous propose à croire celles qui en ont
l’air.
844. L’esprit est borné
jusque dans l’erreur, qu’on dit son domaine
845. L’intérêt d’une seule
passion, souvent malheureuse, tient quelquefois toutes les autres en
captivité ; et la raison porte ses chaines sans pouvoir les rompre
884. Nous n’avons pas assez
d’amour-propre pour dédaigner le mépris d’autrui
896. Rien n’est plus facile
aux hommes en place que de s’approprier le savoir d’autrui.
924. Nous nous persuadons
quelquefois nos propres mensonges pour n’en avoir pas le démenti, et nous nous
trompons nous-mêmes pour tromper les autres
943. Ceux qui méprisent
l’homme se croient de grands hommes.
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