Oscar Wilde - L’âme de l’homme sous le socialisme
La majorité des gens gâchent leur vie par un altruisme
malsain et excessif, et à vrai dire sont contraints de la gâcher ainsi.
Chez l’homme, les émotions se déclenchent plus vite que la réflexion ;
et comme je l’ai indiqué il y a quelques temps dans un article consacré à la
fonction de la critique, il est bien plus facile d’entrer en sympathie avec la
souffrance que d’entrer en sympathie avec la pensée.
L’objectif correct consiste à essayer de reconstruire la
société sur une base telle que la pauvreté soit impossible. Et l’altruisme
vertueux a bel et bien empêché d’atteindre cet objectif.
[critique faite à l’amélioration des conditions de vie des
ouvrier et la révolution qui sont incompatibles] Note de moi-même
En changeant la propriété privée en richesse publique et en substituant
à la concurrence la coopération, le socialisme, le communisme – quelle que soit
l’appellation qu’on retienne – rendre à la société sa conditions normale, celle
d’un organisme fondamentalement sain, et assurera le bien-être de chacun des
membres de la collectivité.
Ce qu’il faut, c’est l’individualisme.
Leur force collective apporte beaucoup à l’Humanité en
termes de propriété matérielle ? mais d’eux elle ne tire que ce bénéfice
matériel, et l’homme qui est pauvre n’a en lui-même aucune importance. Il est
simplement un atome infinitésimal au sein d’une force qui, loi de tenir compte
de lui, l’écrase ; qui, en vérité, préfère le voir écrasé car il est alors
bien plus obéissant.
Il est donc clair que nul socialisme autoritaire ne fera
l’affaire. Car si dans le régime actuel un très grand nombre de gens peuvent
mener une vie caractérisée par un certain degré de liberté, de possibilité
d’expression et de bonheur, dans un régime de socialisme de caserne ou de
tyrannie économique, absolument personne ne pourrait jouir de ce type de liberté.
La propriété privée à détruit l’individualisme véritable, et
mis en place un faux individualisme
Les riches, en tant que catégorie, sont meilleurs que les pauvres,
plus moraux, plus proches des choses de l’esprit, et ils se conduisent mieux.
Il n’y a qu’une catégorie sociale qui songe plus à l’argent que les riches,
c’est celle des pauvres. Les pauvres
sont incapables de songer à rien d’autre
Même si les gens emploient la violence physique, il ne faut
pas qu’ils soient violents à leur tour. Ce serait tomber au même niveau de
bassesse qu’eux.
Il fut un temps où la démocratie suscitait de grands
espoirs ; mais la démocratie signifie simplement le matraquage du peuple
par le peuple et pour le peuple.
Le progrès, c’est la réalisation des utopies.
Quiconque est contraint de fabriquer des objets que d’autres
utiliseront et qui répondront aux besoins et aux souhaits de ceux-ci, travaille
sans intérêt, et se trouve donc dans l’incapacité de mettre dans son travail ce
qu’il y a de meilleur chez lui. D’un autre coté, chaque dois qu’une
collectivité, ou un gouvernement quel qu’il soit, tente de dicter à l’artiste
ce qu’il soit faire, soit l’Art disparait complètement, soit il devient stéréotypé,
soit encore il dégénère en une forme d’artisanat médiocre et sans noblesse. Une
œuvre d’art est le résultat unique d’un tempérament unique. Sa beauté vient de
ce que son créateur est ce qu’il est. Elle n’a rien à voir avec le fait que
d’autres personnes veulent ce qu’elles veulent. Mieux même : dès l’instant
qu’un artiste prend en compte ce que les autres veulent et essaie de répondre à
leur demande, il cesse d’être un artiste,
et devient un artisan, terne ou amusant, il devient un marchand, honnête
ou malhonnête. Il n’a plus aucun titre à
être considéré comme un artiste. L’Art est la forme d’individualisme le
plus intense que monde ait jamais
connue. Je suis tenté de penser que
c’est la seule vraie forme d’individualisme que le monde ait jamais connue.
Et il faut noter que c’est parce que l’Art est cette forme
d’individualisme intense que le public essai d’exercer sur lui une autorité qui
est aussi immorale que ridicule, aussi corruptrice et méprisable.
L’Art ne doit jamais essayer d’être populaire.
Le public déteste la nouveauté parce qu’il en a peur. Elle
représente pour lui une forme d’individualisme ; l’affirmation par
l’artiste qu’il choisit lui-même son sujet et le traite comme il veut.
L’attitude du public est tout à fait justifiée. L’art est individualisme, et
l’individualisme est une force qui dérange et qui désintègre.
Vulgarité et stupidité sont deux traits biens réels de la
moderne. Bien sûr on les déplore. Mais ils existent.
Le public a ajouté deux autres épithètes à son lexique, extrêmement
limité, d’insultes à l’usage des artistes. L’une est le mot
« malsain », l’autre est le mot « exotique » ?
En bref, une œuvre d’art est saine quand elle a à la fois
perfection et personnalité. Bien entendu dans une œuvre d’art forme et
substance ne peuvent être dissociées ; elles constituent toujours un tout.
Mais pour les besoins de l’analyse, et en laissant de côté pour l’instant le
caractère global de l’impression esthétique, nous pouvons le dissocier
mentalement. Une œuvre d’art malsaine, en revanche, est une œuvre dont le style
est évident, désuet et banal, et dont le sujet a été choisi délibérément, non
parce qu’il pense d’un plaisir que l’artiste y prendrait, mais parce qu’il
pense que le public l’en récompensera. En fait, le roman populaire que le
public déclare sain est toujours un produit
foncièrement malsain ; et ce que le public appelle un roman malsain
est toujours une œuvre d’art belle et saine.
Ce que l’on peut dire en faveur du despote, c’est qu’il est
un individu, et que, comme tel, il a peut –être une certaine culture, tandis
que la foule, qui est un monstre, n’en a aucune. Quelqu’un qui est empereur et
roi se baissera peut-être pour ramasser le pinceau d’un peintre ; mais quand la démocratie se baisse, c’est
simplement pour jeter de la boue.
Il y a trois genres de despote. Il y a le despote qui
tyrannise le corps. Il y a le despote
qui tyrannise l’âme. Il y a le despote qui tyrannise aussi bien l’âme que le
corps. On donne au premier le nom de Prince. On donne au deuxième le nom de
Pape. On donne au troisième le nom de Peuple.
Le présent est sans importance. C’est de l’avenir qu’il faut
s’occuper. Car le passé, c’est ce que l’homme n’aurait pas dû être. Le présent,
c’est ce que l’homme ne devrait pas être. L’avenir, c’est ce que sont les
artistes.
La seule chose que l’on sache vraiment sur la nature
humaine, c’est qu’elle change. Le changement est le seul prédicat qu’on puisse
lui affecter.
Tous les résultats qu’on doit aux erreurs des gouvernements
sont splendides.
L’individualisme sera également dénué d’égoïsme et
d’affectation.
Dans ce domaine, l’affectation consiste à s’habiller selon
les conceptions de son prochain, qui, puisque ce sont celles de la majorité,
sont probablement extrêmement sottes. Ou bien on dit d’un homme qu’il est
probablement égoïste s’il vit de la manière qui lui parait convenir le mieux au
plein épanouissement de sa personnalité ; si en fait, son but principal
est la réalisation de soi. Mais c’est bien ainsi que chacun de nous devrait
vivre. L’égoïsme ne consiste pas à vivre comme on en a envie, mais à demander
aux autres de vivre comme on a soi-même envie de vivre. Et l’altruisme consiste
à laisser les autres vivre leur vie, sans soi-même s’en mêler. L’égoïsme vise
toujours à s’entourer d’un uniformité absolue. L’altruisme voir dans l’infinie
diversité une chose excellente, l’accepte, l’approuve, s’en réjouit. Il n’est
pas égoïste de penser par soi-même. Un homme qui ne pense pas par lui-même ne
pense pas du tout. C’est faire preuve d’un égoïsme grossier que de demander à
son prochain de penser comme soi et d’avoir les mêmes opinions que soi.
Car est égocentrique celui qui exige quelque chose des
autres, et l’individualiste n’aura nul désir de ce genre. Il n’en tirerait
aucun plaisir. Lorsque l’homme réalisera l’individualisme, il réalisera
également la sympathie et la manifestera librement et spontanément. Jusqu’à
présent l’homme n’a guère cultivé la sympathie. Il se contente de sympathiser
avec la souffrance, et sympathiser avec la souffrance ne représente pas la
forme de sympathie la plus haute.
Il faut aussi sympathiser avec l’intégralité de la vie, non seulement
avec les plaies et les maladies de la vie mais aussi avec la joie, la beauté,
l’énergie, la santé, la liberté de la vie. Celle sympathie plus vaste est
évidemment la plus difficile. Elle exige plus d’altruisme. N’importe qui peut
sympathiser avec les souffrances d’un ami, mais il faut une nature très noble –
il faut, à dire vrai, une nature d’individualiste véritable – pour sympathiser
avec la réussite d’un ami.
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