Chapitre premier
8. (p.41)
Le temps me manque pour vous dire
Mes autres sciences qu’il savait.
Mais ce qui montrait son génie,
Ce qu’il connaissait mieux que tout,
Ce qui, depuis sa tendre enfance
Avait fait sa peine et sa joie,
Ce qui occupait tout le jour
Sa paresse mélancolique, -
C’était la science des cœurs tendres
Qu’Ovide a si bien célébrée
Qu’il termina dans la souffrance
21. (p.48)
« Tous ces gens-là se font bien vieux ;
Je les ai longtemps supportés ;
Mais à présent l’ennui m’accable. »
44. (p.60)
Donc, rendu à l’oisiveté,
Souffrant du vide de son âme,
Il entreprit (tâche louable)
D’ingurgiter l’esprit d’autrui.
Pourvu d’un bataillon de livres,
Il lut, il lut, sans résultat ;
Ennui, mensonges ou délires ;
Tel est impie ; tel, incensé ;
Chacun a sa chaîne à trainer :
Les vieilles choses ont vieilli
Et le nouveau rêve du vieux.
Adieux aux livres comme aux femmes !
Sur la poussière des rayons
Il jeta un voile de deuil.
45. (p.60)
J’avais comme lui rejeté
Le poids des vanités mondaines ;
Et nous liâmes amitiés.
J’aimais en lui son fier visage,
Son inclination à rêver,
Son étonnante étrangeté
Et la rigueur de son esprit.
J’étais aigri ; il était sombre.
Nous connaissions tout des passions.
La vie nous avait épuisés.
Nos cœurs avaient perdu leur feu.
Nous allions tous deux être en butte
A la Fortune et aux humains
Dès le matin de notre vie.
46. (p.61)
Celui qui vit, celui qui pense
En vient à mépriser les hommes.
Celui dont le cœur a battu
Songe aux jours qui se sont enfuis.
L’enchantement n’est plus possible.
Le souvenir et le remords
Deviennent autant de morsures.
Tout cela prête bien souvent
De la couleur aux discussions.
Au début, les discours d’Eugène
M’inquiétaient ; mais je me fis vite
Au ton mordant de ses sarcasmes,
A son ironie enragée,
A ses épigrammes amères.
Chapitre troisième
2. (p.97)
- qu’as-tu à y redire ? – Rien,
Sauf l’ennui, mon bon, qui me tue.
- je hais votre monde à la mode ;
Chapitre quatrième
8. (p.125)
On se lasse de tout : menaces,
Petits billets de douze pages,
Mensonges, ruses, bagues, larmes,
Tantes, mères en sentinelles,
Pesante amitié des maris.
42. (p.74)
Garde ses beautés primitives :
Les sauts, les talons, les moustaches,
Tout est pareil. Malgré la mode.
Malgré ce tyran sans pitié,
Fléau des Russes d’aujourd’hui.
(p.202)
L’ivresse du monde est mortelle,
Et nous sommes pris vous et moi,
Chers amis, dans son tourbillon.
Chapitre septième
22. (p.215)
Eugène n’avait plus de goût,
Nous le savons, pour la lecture.
Il avait cependant exclu
De la disgrâce quelque œuvres,
Comme le Giaour, le Don Juan,
Tout ce qui vient de leurs auteurs,
Et certains romans qui reflètent
D’une manière assez fidèle
Le siècle et l’homme d’aujourd’hui
Avec son âme dépravée,
Sèche, égoïste, sans mesure
Abandonnée à la rêverie,
Et son esprit qui se dépense,
Aigri, en entreprises vaines.
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