Fernando Pessoa - L’heure du diable
Mais comment peut-on affirmer une chose tout en la
niant ?
C’est la loi de la vie, madame. Le corps vit parce qu’il se
désintègre sans trop se désintégrer.
Vous ne savez peut être pas pourquoi je vous ai amenée ici,
dans ce voyage sans but réel, sans objectif utile. Ce n’était, comme vous
paraissiez le croire, ni pour vous violer ne pour vous séduire. Ces choses-là
arrivent sur terre, chez les animaux y compris les hommes, et il semble que
cela donne de plaisir, je crois, même aux victimes, d’après ce que l’on me
rapporte de là-bas.
D’ailleurs, je ne le pourrais pas. Ces choses arrivent sur
terre parce que les hommes sont des animaux. Avec ma postions sociale dans
l’univers elles sont impossibles – non pas que la morale soi meilleure, mais
parce que nous, les anges, n’avons pas de sexe
Je corromps, c’est vrai, parce que je fais imaginer. Mais
Dieu est pire – du moins dans un sens, parce qu’il créa le corps corruptible,
ce qui est beaucoup moins esthétique. Les rêves, du moins, ne pourrissent pas.
Ils passent.
L’homme est un animal qui s’éveille sans savoir ni où ni
pourquoi.
Quand il adore les Dieux, il les adore comme des fétiches.
Sa religion est une sorcellerie. Il en a toujours été ainsi. Les religions ce
n’est que ce qui déborde des mystères pour devenir profane et n’est point
compris par le profane car, par nature, il ne peut l’être.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire