Fragments - Novalis
(trad : Maeterlinck) 
I
Philosophie et physique.
 
Le désir de savoir est étrangement mêlé ou 
composé de mystère et de science.
---
 Le véritable acte philosophique est le suicide. 
C’est le réel commencement de toute philosophie. 
C’est à lui qu’aboutissent tous les désirs du 
disciple, et cet acte seul répond à toutes les conditions 
et à tous les signes de l’action transcendantale. 
 ---
 Le commencement du moi purement idéal. 
S’il avait commencé, il aurait dû commencer 
ainsi. Le commencement est déjà un concept 
postérieur ; le commencement est postérieur au 
moi ; c’est pourquoi le moi ne peut pas avoir 
commencé. Nous voyons par là que nous sommes 
ici dans le domaine de l’art ; mais cette supposition 
artificielle est la base d’une science qui naît 
toujours de faits artificiels. 
---
 (...) Maintenant, nous voyons les liens véritables 
qui attachent le sujet à l’objet, nous voyons qu’il 
y a en nous aussi un monde extérieur, qui se 
trouve, avec notre intimité, en des relations 
analogues à celles où se trouve le monde extérieur 
hors de nous avec notre extérieur ; et que 
celui-ci et celui-là sont unis de la même façon 
que notre intérieur et notre extérieur ; de sorte 
que nous ne pouvons saisir que par la pensée, 
l’intérieur et l’âme de la nature, comme nous ne 
pouvons saisir que par la sensation l’extérieur 
et le corps de la nature. 
---
 La distinction entre l’erreur et la vérité se 
trouve dans la différence de leurs fonctions 
vitales. L’erreur vit de la vérité. La vérité vit sa 
vie en elle-même. On anéantit l’erreur comme 
on anéantit les maladies : et ainsi l’erreur n’est 
autre chose qu’une inflammation ou une extinction 
logique, rêverie ou philistinerie. L’une laisse 
généralement après elle un manque apparent 
de force pensante, à quoi rien ne peut remédier 
qu’une suite décroissante d’excitations, de mesures 
coercitives. L’autre dégénère souvent en 
une vivacité trompeuse dont les dangereux symptômes ne peuvent être écartés que par une 
série progressive de moyens violents. Les deux 
dispositions ne peuvent être changées que par 
des cures chroniques et strictement suivies. 
---
 Il y a en nous certaines pensées qui paraissent 
avoir un caractère entièrement différent des autres ; 
car elles sont accompagnées d’une sensation 
de fatalité ; et cependant il n’y a pas de raison 
extérieure pour qu’elles naissent. Il semble 
que l’on prenne part à un dialogue, et que quelque 
être inconnu et spirituel nous donne d’une 
manière étrange l’occasion de développer les 
pensées les plus évidentes. Cet être doit être un 
être supérieur, puisqu’il entre en rapport avec 
nous d’une manière qu’il est impossible aux êtres 
liés aux apparences. Il faut que cet être nous soit 
homogène, puisqu’il nous traite comme des êtres 
spirituels et ne nous appelle que fort rarement 
à l’activité personnelle. Ce moi supérieur est à 
l’homme ce que l’homme est à la nature ou le 
sage à l’enfant. L’homme s’efforce à lui devenir 
semblable, comme lui s’efforce de devenir semblable 
au non-moi. Il n’est pas possible d’établir 
ce fait ; il faut que chacun de nous l’éprouve en 
soi. C’est un fait d’ordre supérieur, que l’homme 
supérieur saisira seul ; mais les autres  s’efforceront de le faire naître en eux. La philosophie est 
une auto-logie d’essence supérieure, une auto-manifestation,
l’excitation du moi réel par le moi 
idéal. La philosophie est le fond de toutes les 
autres manifestations et la résolution de philosopher 
est l’invitation faite au moi réel qu’il ait 
à prendre conscience, à s’éveiller et à devenir 
esprit. Sans philosophie, pas de moralité véritable 
et sans moralité pas de philosophie. 
---
 Comment l’homme peut-il avoir l’idée d’une 
chose s’il n’en porte pas le germe en soi ? Ce que 
je vais comprendre doit se développer en moi 
organiquement ; et ce que j’ai l’air d’apprendre 
n’est que nourriture, excitation de l’organisme. 
---
 Rentrer en soi, signifie chez nous s’abstraire du 
monde extérieur. Chez les esprits, la vie terrestre 
s’appelle analogiquement, une contemplation 
intérieure, une introversion, une activité immanente. 
La vie terrestre naît ainsi d’une réflexion 
originelle, d’une introversion primitive, d’un rassemblement 
en soi-même qui est aussi libre que 
notre réflexion. Inversement, la vie spirituelle en 
ce monde naît d’une évasion de cette réflexion 
primitive. L’esprit se déploie de nouveau, ressort 
de lui-même, soulève de nouveau, en 
partie, cette réflexion et dans ce moment dit moi 
pour la première fois. On voit ici combien sont 
relatives l’introversion et l’extroversion. Ce que 
nous appelons rentrer est proprement sortir, une 
réadoption de la forme primitive. 
---
 De la même manière que nous transformons 
en paroles les mouvements de l’organe de la 
pensée, que nous les exprimons par des gestes, 
que nous les imprimons en nos actes, de la même 
manière que nous nous mouvons et que nous 
nous arrêtons à volonté, que nous unissons et 
séparons nos mouvements ; de la même manière 
il faut que nous apprenions aussi à arrêter, à 
réunir et à séparer les organes intérieurs de 
notre corps. Tout notre corps peut absolument 
être mis en mouvement par l’esprit. Les effets 
de la crainte, de la terreur, de la tristesse, de 
l’envie, de la colère, de la honte, de la joie, de la 
fantaisie, etc., sont des indications suffisantes. 
En outre, on a suffisamment d’exemples d’hommes 
qui ont acquis un pouvoir arbitraire sur certaines 
parties de leur corps habituellement soustraites 
à la volonté. Alors, tout homme sera son propre médecin, et pourra acquérir le sentiment exact 
de son corps, alors l’homme, pour la première 
fois, vraiment indépendant de la nature, sera 
peut-être en état de faire renaître un membre 
perdu, de se tuer par sa simple volonté, et d’obtenir 
ainsi des éclaircissements authentiques sur 
les corps, les âmes, l’univers, la vie, la mort et 
le monde des esprits. Alors, il dépendra probablement 
de lui d’animer la matière, il obligera ses 
sens à produire la forme qu’il désire, pour pouvoir 
vivre véritablement dans son monde. Alors, 
il aura la faculté de se séparer de son corps 
quand il lui plaira ; il verra, entendra, sentira ce 
qu’il veut, comme il veut, et sous quelque rapport 
qu’il le désire… 
---
 Notre vie n’est pas un songe, mais peut-être 
en deviendra-t-elle un. 
---
 Toute conviction est indépendante de la vérité 
naturelle ; elle se rapporte à la vérité magique 
ou miraculeuse. On ne peut être convaincu de 
la vérité naturelle qu’autant qu’elle devienne 
vérité miraculeuse. Toute preuve repose sur la 
conviction, et n’est par conséquent qu’un expédient 
employé là où manque une vérité miraculeuse 
plus générale. Toutes les vérités naturelles 
reposent donc aussi sur des vérités miraculeuses. 
---
 L’enfant est un amour devenu visible. Nous 
mêmes sommes un germe devenu visible de 
l’amour entre la nature et l’esprit ou l’art. 
---
 Le siège de l’âme est là où le monde intérieur 
et extérieur se touchent. Là où ils se pénètrent, 
il se trouve en chaque point de la pénétration. 
---
 
II
Esthétique et littérature.
 Tout mot n’est pas un mot complet. Les mots 
sont tantôt voyelles, tantôt consonnes, mots qui 
valent par eux mêmes et mots qui ne valent que 
par accompagnement. 
---
 Il faut que le véritable lecteur soit l’auteur 
élargi ; il est le juge supérieur qui reprend le travail 
préparé par les juges de première instance. 
L’instinct, grâce auquel l’auteur a séparé les 
matériaux de son écrit, sépare à son tour, chez 
le lecteur, ce qui est grossier de ce qui est précieux 
dans le livre, et si le lecteur retravaillait le 
livre selon son idée propre, un deuxième lecteur 
l’épurerait encore, et ainsi il arrive que la masse élaborée entre sans cesse en des vases d’une 
activité nouvelle, et qu’elle devient enfin partie 
essentielle, membre de l’esprit actif… En relisant 
impartialement son œuvre, l’auteur peut l’épurer 
lui-même. Chez ceux qui lisent, il arrive d’ordinaire 
que l’essentiel se perd en même temps,
tant est rare le don de pénétrer complètement 
l’idée d’autrui. Il en va de même pour l’auteur. 
Critiquer justement n’est pas un signe de culture 
ou de puissance supérieure ; l’acuité plus grande 
de l’esprit s’explique naturellement par la nouveauté 
de l’impression produite. 
---
 Chaque degré de culture commence par l’enfance. 
C’est pourquoi les plus savants d’entre 
les hommes sont si semblables à l’enfant… 
---
 L’acte de se dépasser soi-même est partout 
l’acte suprême, l’origine, la genèse de la vie. La 
flamme n’est pas autre chose qu’un tel acte. Ainsi, 
toute philosophie commence là où le philosophant 
se philosophie lui-même, c’est-à-dire se 
consume et se renouvelle en même temps. L’histoire 
de ce phénomène est la philosophie. Ainsi, 
toute moralité commence là où j’agis par vertu 
contre la vertu. Là commence la vie de la vertu, 
par laquelle la capacité s’accroît probablement à l’infini, sans jamais perdre une limite, c’est-à-dire 
la condition de la possibilité de sa vie. Toute 
vie est un surabondant phénomène de renouvellement 
qui n’a que d’un côté l’apparence d’une 
destruction. Le précipité de la vie est une chose 
vivante, susceptible de vie. Ce que la chaleur est 
à la flamme, l’esprit l’est à la vie. 
---
On cherche, par la poésie, qui n’est en quelque 
sorte que l’instrument mécanique, à produire 
des sentiments intérieurs, des tableaux, des contemplations, 
peut-être aussi des danses spirituelles, 
etc. La poésie est l’art d’exciter l’âme. 
---
 
 La poésie est la représentation de l’âme, du 
monde intérieur dans son ensemble ; ses intermédiaires, 
les mots, l’indiquent déjà, car ils sont 
la manifestation de ce monde de puissances intérieures ; 
exactement ce qu’est la plastique au 
monde des formes extérieures et la musique aux 
sons. L’effet est ici strictement inverse, en tant 
qu’il est plastique, mais il y a une poésie musicale, 
qui met l’âme en un jeu multiple de mouvements. 
---
 Le poète emploie les mots et les choses comme 
des touches et toute la poésie repose sur une 
active association d’idées, sur une production 
du hasard personnellement active, préméditée 
et idéale. 
---
 
III
Considérations morales.
 
 La vie est le commencement de la mort. La 
vie n’existe que pour la mort. La mort est à la 
fois dénouement et commencement, séparation 
et réunion à soi-même tout ensemble. Par la 
mort la réduction s’accomplit. 
---
 Bien des hommes vivent mieux avec le passé 
et l’avenir qu’avec le présent. 
---
 Une certaine solitude semble nécessaire au développement 
des sens supérieurs ; et c’est pourquoi 
il est inévitable que le commerce si étendu 
des hommes étouffe bien des germes sacrés ; et 
que les dieux s’effarouchent, car ils fuient le 
tumulte des réunions distraites et la discussion 
des choses insignifiantes. 
La Société des Jésuites demeurera éternellement 
le modèle des sociétés qui éprouvent un désir organique d’expansion infinie et de durée 
éternelle ; mais c’est une preuve aussi que le 
temps, sur lequel on n’avait pas compté, suffit à 
rendre vaines les plus sages entreprises, et que 
le développement de la race entière étouffe constamment 
le développement artificiel de l’une de 
ses parties. Toute partie en soi, a sa propre 
mesure de capacité ; seule, la capacité de la race 
est illimitée. Tous les plans doivent faillir, qui ne 
tiennent pas complètement compte de toutes les 
aptitudes de la race. 
---
 
IV
Fragments recueillis par Ludwig Tieck et Ed. von Bülow.
 L’art d’écrire des livres n’est pas encore trouvé,
mais il est sur le point de l’être. Des fragments 
de ce genre sont des semences littéraires. Il se 
peut qu’il y ait bien des graines mortes parmi 
elles. Qu’importe, pourvu qu’une seule de ces 
graines lève. 
 ---
 
 Une narration ne contient souvent qu’un événement 
vulgaire ; mais elle amuse. Elle maintient 
l’imagination dans un état flottant ou alternatif, 
lui communique une fébrilité artificielle, et 
lui laisse, lorsqu’elle est parfaite, un sentiment 
renouvelé de bien-être. — Toute poésie interrompt 
l’état habituel, la vie ordinaire, comme le 
sommeil, pour nous renouveler et pour maintenir 
en nous, toujours plus actif, le sentiment de 
la vie. Les maladies, les événements étranges, 
les voyages, certaines réunions, opèrent jusqu’à 
un certain point, d’une manière identique. Il est 
déplorable que jusqu’ici toute la vie de l’humanité 
n’ait été que l’action d’une poésie incomplète 
et sans règles. — Ce que nous nommons foi en une réconciliation ou expiation n’est autre 
chose que la confiance d’une sagesse parfaite et 
poétique dans les destinées de notre vie. — En 
apprenant à manier l’accordoir de nos organes 
supérieurs, nous nous transformerons nous-mêmes 
en notre fatum poétique, et nous pourrons, 
à volonté, poétiser ou laisser poétiser notre 
vie. 
---
 Faire un poème, c’est engendrer. Tout poème 
doit être un individu vivant.
---
 Le roman traite de la vie ; représente la vie. 
Le romancier ne serait qu’un mime par rapport 
au poète. Souvent il contient les événements 
d’une mascarade ; un événement masqué entre 
personnes masquées. Le roman comme tel ne 
contient pas de résultat déterminé ; il n’est pas 
l’image et le factum d’une proposition. Il est 
l’exécution, la réalisation visible d’une idée. Mais 
une idée ne peut pas être enclose dans une proposition. 
Une idée est une série infinie de propositions ; 
une irrationnellement grande, indéterminable, 
incommensurable série. — Est-ce que toute chose irrationnelle ne serait pas relative ? 
Mais la loi de sa progression peut s’établir, et 
c’est d’après elle qu’un roman doit être critiqué. 
---
 Nous comprendrons le monde quand nous
nous comprendrons, puisque lui et nous sommes
des moitiés intégrantes. Nous sommes des enfants
de Dieu, des germes divins. Un jour nous
serons ce qu’est notre Père. 
---
 Le beau est le visible Katexochin. 
---
 
 Le monde doit être romantisé. C’est ainsi qu’on 
retrouvera le sens originel. La romantisation 
n’est autre chose qu’une élévation aux puissances 
qualificatives. Le moi inférieur est identifié 
dans cette opération, avec un moi meilleur. Nous 
sommes nous-mêmes une telle série de puissances 
qualificatives. Cette opération est encore 
entièrement inconnue. Si je donne à l’ordinaire 
un sens supérieur, à l’habituel un aspect mystérieux, 
au connu la dignité de l’inconnu, au fini 
l’aspect de l’infini, je le romantise. L’opération 
est renversée pour le sublime, l’inconnu, le mystique, 
l’infini. — Ceux-ci sont rendus logarithmiques 
par ce lien. — Ils deviennent une expression 
courante. 
---
 Il y a bien des manières de se libérer du 
monde des sens. D’abord par l’émoussement des 
sens, — habitude, épuisement, endurcissement, etc. 
Deuxièmement, par application à un but déterminé, 
modération et transformation de l’excitation 
sensuelle — art de guérir. — Troisièmement 
par maximes a) de mépris et b) d’hostilité envers 
toutes sensations. La maxime du mépris de 
toute sensation extérieure était propre aux stoïciens 
et est encore, en partie, propre aux sauvages 
de l’Amérique. Celle du mépris des sensations 
intérieures est propre aux soi-disant gens 
d’esprit du grand monde et d’ailleurs. La maxime 
de l’hostilité envers les sensations intérieures et 
extérieures, les anachorètes, fakirs, moines et 
pénitents de toutes les époques, l’ont proposée 
et aussi l’ont suivie en partie. Bien des criminels 
peuvent avoir été obscurément imbus de cette 
maxime. Cette dernière maxime et la précédente sont très voisines et se confondent aisément. — 
En quatrième lieu, par la suspension partielle de 
certains sens ou de certaines excitations, qui par 
l’exercice et les maximes acquièrent une influence 
constante et prépondérante. Ainsi on s’est libéré 
de l’âme par le corps, et inversement on s’est 
libéré par tel ou tel objet extérieur ou intérieur, 
de l’influence de tous les autres objets. À ceci 
appartiennent les passions de tous genres, la foi 
et la confiance en nous-mêmes, en d’autres personnes, 
en d’autres choses, esprits, etc. Les préjugés 
et les opinions favorisent également une 
telle liberté partielle. De la sorte peut naître aussi 
une certaine indépendance du monde sensible, 
soit que l’on s’habitue au monde figuré ou représenté, 
soit qu’on le tienne pour seul digne d’être 
aimé. C’est le cas chez les savants ; il est même 
très fréquent et cela vient, selon ce qui est dit plus 
haut, du plaisir indolent que prennent d’ordinaire 
les hommes à ce qui est arbitraire, à ce 
qu’ils ont fait et fixé eux-mêmes. D’un autre 
côté, il y a des gens qui ne veulent pas entendre 
parler du monde de la représentation et des 
signes ; ce sont les matérialistes ou les sensuels 
frustes, qui anéantissent toute indépendance de 
ce genre, et dont on a voulu naguère ériger 
en système le sentiment lourd, grossier et servile. 
— Rousseau, Helvétius, Locke, etc., système 
presque généralement à la mode aujourd’hui. 
---
 L’imagination est le sens étonnant qui peut 
nous tenir lieu de tous les autres, et qui déjà est 
si soumis à notre volonté. Tandis que les sens 
extérieurs semblent entièrement soumis à des 
lois mécaniques, l’imagination ne dépend pas 
visiblement du présent, ni d’une excitation extérieure. 
---
 Seul un artiste peut deviner le sens de la vie. 
---
 Celui qui regarde la vie comme autre chose 
qu’une illusion qui se détruit elle-même, est encore 
prisonnier de la vie. 
---
(...)
 L’artiste n’attache pas d’importance 
à la beauté, à l’équilibre de la forme. Il ne veut 
autre chose qu’une expression sûre de son intention ; 
et n’a d’autre but qu’une communication 
compréhensible. Plus l’état général des esprits 
est élémentaire, plus les esprits ont de peine à 
deviner, plus il faut que l’opération soit brève et 
simple ; moins il faut qu’on la voile, moins il faut 
que l’intention, la pensée, soit attachée à la matière. 
Il faut que l’âme de l’œuvre flotte aussi nue 
que possible à la surface. Il faut qu’elle se fasse 
importunément reconnaître dans les mouvements 
trop tendus et non naturels ; et dans les modifications 
de la matière caricaturisée.
---
 Le temps est l’espace intérieur, — l’espace est 
le temps extérieur. Tout corps a son temps ; tout 
temps a son corps. L’espace se résout dans le 
temps comme le corps se résout dans l’âme. 
---
 De toute façon, la vie ne peut s’expliquer que 
par la vie, l’émotion que par l’émotion. Si toute 
matière est à la force comme l’objet au sujet, 
toute matière et toute force sont d’une même 
origine, et unies dans le fond comme elles sont 
séparées dans la suite. La vie est-elle simplement 
émotion compliquée ou une combinaison 
plus haute ? L’émotion est-elle composée d’excitation 
et de sensation ? 
---
 Où il y a un être, il faut qu’il y ait aussi une 
connaissance. L’œuvre écrite est une  extériorisation de l’état intérieur, des transformations 
intérieures, l’apparition de l’objet intérieur. 
L’objet extérieur change de place, par le moi et 
dans le moi, avec le concept et produit la contemplation. 
L’objet intérieur change de place, par 
le moi et dans le moi, avec un corps approprié et 
le signe naît. Là est l’objet du corps ; ici est 
l’objet de l’esprit. La conscience ordinaire confond 
ce qui est né, la contemplation et le signe, 
avec le corps, parce qu’elle ne sait pas abstraire, 
qu’elle n’est pas personnellement active et qu’elle 
n’est que nécessairement passive, à demi seulement, 
non entièrement. 
---
 
 
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire