lundi 28 septembre 2015

Rapport sur moi - Grégoire Bouillier



Rapport sur moi - Grégoire Bouillier 


Les analyses révélèrent enfin que j'avais contracté des staphylocoques dorés. Nouvellement commercialisées la pénicilline eut vite raison de mon mal. J’y perdis cependant l'odorat, ce dont personne ne se rendit compte. Moi-même le dissimulai longtemps, sous couvert de stratégies que je développais. J’affirmais par exemple avec enthousiasme que la salade sentait bon après avoir surpris un pépin dans la vinaigrette. Si jamais je suis intelligent, c’est en trompant mon monde que je le suis devenu : que ne devais-je étudier les apparences pour leur donner un sens que j’avais perdu. C’est ainsi que je sus très tôt que le vraisemblable ne se confond pas avec la vérité, ni le réel avec sa représentation, ce qui m'éloigna rapidement de mon époque. Je devins d’ailleurs très tôt solitaire puisque non seulement il me fallait garder secrète mon anosmie, mais cela au milieu de gens qui ne me faisaient guère envie si je pouvais les abuser si facilement.

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