dimanche 6 décembre 2020

Into the wild - Jon Krakauer

Into the wild - Jon Krakauer

Gallien lui demanda s’il avait un permis de chasse. « Bien sûr que non. La façon dont je me nourris ne regarde pas le gouvernement, je me fous de leurs règlements absurdes. »

 

— Si tu ne les prends pas, je vais les jeter, repartit Alex sur un ton jovial. Je ne veux pas savoir l’heure qu’il est, ni quel jour nous sommes, ni à quel endroit je me trouve. Tout cela n’a aucune importance. »

 

Les policiers se livrèrent à un examen rapide du véhicule et de ses environs à la recherche d’indices, puis ils s’en allèrent en emportant les affaires de McCandless : un appareil photo et cinq bobines de pellicule utilisées, la note-S.O.S. et un journal – rédigé sur les deux dernières pages d’un guide des plantes comestibles – qui enregistrait les dernières semaines du jeune homme en 113 notations concises, énigmatiques.

 

Je désirais le mouvement et non une existence au cours paisible. Je voulais l’excitation et le danger, et le risque de me sacrifier pour mon amour. Je sentais en moi une énergie surabondante qui ne trouvait aucun exutoire dans notre vie tranquille. Léon Tolstoï, Le Bonheur conjugal. 

Passage souligné dans l’un des livres trouvés parmi les affaires de Chris McCandless.

On ne devrait pas nier que la liberté de mouvement nous a toujours exaltés. Dans notre esprit, nous l’associons à la fuite devant l’histoire, l’oppression, la loi et les obligations irritantes, nous l’associons à la liberté absolue, et pour trouver celle-ci nous avons toujours pris le chemin de l’Ouest. Wallace Stenger, L’Ouest américain comme espace vital.

 

On peut vraiment dire qu’Alex était intelligent, continue Westerberg songeur en absorbant son troisième verre. Il lisait beaucoup, se servait de beaucoup de grands mots. Je pense que, peut-être, une partie de ses ennuis est venue de ce qu’il pensait trop. Parfois, il essayait trop de donner un sens au monde, de comprendre pourquoi les gens se font si souvent du mal. Une ou deux fois, j’ai essayé de lui dire que c’était une erreur d’essayer d’approfondir ce genre de truc, mais Alex n’en démordait pas. Il fallait toujours qu’il trouve la réponse avant de passer à autre chose. »

 

 

Il va falloir que je sois très prudent, que je n’accepte aucun cadeau de leur part à l’avenir, parce que alors ils penseront qu’ils ont acheté mon respect. 

 

Les prophètes et les ermites vont dans le désert. Les exilés et les pèlerins le traversent. C’est ici que les fondateurs des grandes religions ont cherché les vertus spirituelles et thérapeutiques de la retraite, non pour fuir mais pour trouver le réel. Paul Shepard, L’Homme dans le paysage, un aperçu historique de l’esthétique de la nature. 

 

 

Une réponse sincère à toutes ces questions ne serait probablement pas du goût des autorités. McCandless pouvait essayer d’expliquer qu’il obéissait à des impératifs d’un ordre plus élevé, qu’en adepte récent des idées de Henry David Thoreau, il prenait pour parole d’évangile son essai, La Désobéissance civile, et considérait par conséquent qu’il devait ignorer les lois de l’État. Il était néanmoins peu probable que des représentants du gouvernement fédéral partagent son point de vue. Il y aurait des liasses de papiers à signer et des amendes à payer. Sans aucun doute, ses parents seraient avertis. Mais il y avait un moyen d’éviter ces ennuis : il pouvait tout simplement abandonner la Datsun et reprendre son odyssée à pied. Et c’est cela qu’il décida de faire.

 

 

Dire la vérité était un principe qu’il prenait au sérieux.

 

Il est exact que beaucoup de créateurs ne parviennent pas à établir avec les autres des relations personnelles adultes, et certains d’entre eux sont extrêmement isolés. Il est également vrai que, dans certains cas, un traumatisme, qui a pu prendre la forme d’une séparation ou d’une perte, a orienté la personne potentiellement créatrice dans le sens du développement des aspects de sa personnalité qui peuvent trouver leur accomplissement dans un isolement relatif. Mais cela ne veut pas dire que la création solitaire est elle-même pathologique. Anthony Storr, La Solitude : un retour vers le soi.

 

Tout avait changé soudainement. Le ton, le climat moral ; on ne savait que penser, ni qui croire. C’était comme si on nous avait conduits par la main – tels de petits enfants – toute notre vie et que soudain nous nous retrouvions seuls ; il fallait apprendre à marcher par soi-même. Il n’y avait personne auprès de nous, ni parents ni quiconque dont nous respections le jugement. Dans une telle époque, on ressentait le besoin de se consacrer à un idéal – la vie, la vérité ou la beauté –, de lui obéir, au lieu de suivre les règles humaines qui avaient été mises au rebut. Nous devions nous soumettre à un but ultime plus pleinement, avec moins de réserve que nous ne l’avions fait dans les jours paisibles et familiers de la vie passée, qui était maintenant abolie et avait disparu pour de bon. Boris Pasternak, Le Docteur Jivago.

Passage souligné dans l’un des livres trouvés avec les affaires de Chris McCandless. On peut lire, écrit de sa main, dans la marge au-dessus du passage : « Besoin d’un but. »

 

 

Plutôt que l’amour, l’argent, la gloire, donne-moi la vérité. Je me suis assis à une table où il y avait de riches mets et des vins en abondance servis par des domestiques obséquieux, mais où la sincérité et la vérité étaient absentes ; et j’ai quitté cette table si peu accueillante la faim au ventre. Leur hospitalité était froide comme de la glace. Henry David Thoreau, Walden ou la vie dans les bois.

 Passage souligné dans l’un des livres trouvés parmi les affaires de Chris McCandless. En haut de la page, le mot vérité est écrit de sa main en majuscules.

 

Ce qu’il y avait de plus lourd dans son sac à dos à demi plein, c’était sa bibliothèque : 9 ou 10 livres de poche dont la plupart lui avaient été donnés par Jan Burres à Niland. Il y avait là des œuvres de Thoreau, Tolstoï, Gogol, mais McCandless n’était pas un snob littéraire, il emportait ce qu’il avait envie de lire, y compris les ouvrages grand public de Michael Crichton, Robert Pirsig et Louis L’Amour. Ayant négligé d’emporter du papier, il commença un journal laconique sur quelques pages blanches à la fin de La Botanique des Tanaina.

 

 

Le 2 juillet, il termina Le Bonheur conjugal de Tolstoï. Il avait coché plusieurs passages :

Il avait raison de dire que vivre pour les autres est le seul bonheur assuré dans la vie…

J’ai beaucoup vécu, et maintenant je pense avoir trouvé ce qui est nécessaire au bonheur. Une vie tranquille et retirée, avec la possibilité d’être utile à ceux qu’il est facile d’aider et qui ne sont pas habitués à ce qu’on le fasse. Et puis travailler, ce qui, espère-t-on, peut servir à quelque chose. Ensuite rechercher le repos, la nature, les livres, la musique, l’amour de son prochain – telle est mon idée du bonheur. Et, au-dessus de tout cela, toi comme compagne, et des enfants, peut-être – que peut désirer de plus le cœur d’un homme ?

 

de McCandless n’était pas de réfléchir à la nature ou au monde dans son ensemble, mais plutôt d’explorer le domaine intérieur de son âme. Néanmoins, il découvrit bientôt ce que Muir et Thoreau savaient déjà, qu’un séjour prolongé dans la nature oriente inéluctablement notre attention vers l’extérieur autant que vers l’intérieur et qu’il est impossible de vivre dans une région sans en acquérir une subtile compréhension et sans que des liens affectifs puissants s’établissent avec elle et avec tout ce qui est en elle.

 

 

Qu’est-ce que l’histoire ? C’est l’exploration systématique de l’énigme de la mort au cours des siècles, avec la perspective de son triomphe. C’est pour cette raison qu’on découvre un infini mathématique et des ondes électromagnétiques, c’est pour cette raison qu’on écrit une symphonie. On ne peut s’engager dans cette voie sans une certaine foi. On ne peut faire de telles découvertes sans une armature spirituelle. Et la base de cette armature, ce sont les Évangiles. Que disent-ils ? Tout d’abord, d’aimer son prochain, ce qui est la forme suprême de l’énergie vitale. Quand elle remplit le cœur d’un homme, elle déborde et se répand d’elle-même. Ensuite, on trouve en eux les deux idéaux fondamentaux de l’homme moderne – sans lesquels on ne peut le concevoir –, l’idée de personnalité libre et l’idée que la vie est un sacrifice. Boris Pasternak, Le Docteur Jivago.

Passage souligné dans l’un des livres trouvés parmi les affaires de Chris McCandless.

 

« NATURE/PURETÉ », écrit-il en majuscules en haut de la page.

Oh ! comme on souhaite parfois échapper à l’absurde monotonie de l’éloquence humaine, à toutes ces périodes sublimes, pour se réfugier dans la nature, si muette en apparence, ou dans un long et épuisant labeur sans paroles, dans un sommeil profond, dans une musique véritable, ou encore dans une compréhension humaine rendue silencieuse par l’émotion !

McCandless cocha et mit ce paragraphe entre crochets. Il entoura à l’encre noire « se réfugier dans la nature ».

 Juste après : « Et ainsi, il apparut que seule une vie semblable à la vie de ceux qui nous entourent, unie à elle sans un accroc, est la vie véritable, et que le bonheur non partagé n’est pas le bonheur… et c’était cela qui était le plus contrariant…», il a écrit : « Le bonheur n’est vrai que quand il est partagé. »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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