dimanche 6 décembre 2020

Les années de voyage de Wilhelm Meister - Goethe

 Les années de voyage de Wilhelm Meister - Goethe

 

LIVRE PREMIER

Chapitre VI

On chercha des exemples, et, cette fois, notre ami se trouva sur son terrain ; on se piqua d’émulation, on enchérit les uns sur les autres, pour reconnaître la vérité de ces mots laconiques. Pourquoi, disait-on, le prince est-il honoré, sinon parce qu’il peut provoquer, encourager, favoriser l’activité de chacun, et lui faire part, en quelque façon, de sa puissance absolue ? Pourquoi tous les yeux se tournent-ils vers le riche, sinon parce qu’il a le plus de besoins, et qu’il cherche partout des gens avec lesquels il puisse partager son superflu ? Pourquoi tous les hommes envient-ils le poète ? Parce que sa nature l’oblige à se communiquer, que cette communication est sa nature même. Le .musicien est plus heureux que le peintre : il dispense en personne, et directement, des dons agréables . tandis que le peintre ne donne qu’après s’être séparé de l’objet.

On en vint ensuite à des considérations générales : quelle que soit sa propriété, l’homme doit la. maintenir ; il doit se faire le centre duquel peut dériver le bien commun ; il doit être égoïste pour ne pas le devenir, recueillir afin d’être en état de répandre. La belle avance de donner son bien aux pauvres ! Il est plus louable de se conduire comme leur intendant. Tel est le sens de ces mots : Propriété Et Communauté De Biens ! Nul ne doit toucher au capital ; les intérêts, jetés dans la circulation, appartiendront à chacun. 

LIVRE II

Chapitre I

Wilhelm réfléchit un moment et fit un signe négatif.

Avec une modeste retenue, les chefs lui dirent : « Le respect. »

Wilhelm fit un geste d’étonnement.

Le respect, répétèrent-ils : il manque à tout le monde, et peut-être à vous-même. Vous avez vu trois sortes de gestes, et nous enseignons trois sortes de respect, qui doivent être réunies et former un ensemble, pour atteindre à leur force et à leur effet suprême. La première est le respect de ce qui est au-dessus de nous. Ce geste, que vous avez vu, les bras croisés sur la poitrine, un joyeux regard dirigé vers le ciel, est l’attitude que nous prescrivons aux jeunes enfants, et par là nous leur demandons en même temps de témoigner qu’il est là-haut un Dieu, qui se reflète et se manifeste dans les parents, les instituteurs et les supérieurs. La deuxième espèce est le respect de ce qui est placé au-dessous de nous. Les mains jointes et comme liées derrière le dos, les yeux baissés et souriants, disent que l’on doit jeter sur la terre un regard serein. La terre fournit la nourriture ; elle procure des jouissances infinies, mais aussi d’immenses douleurs. Qu’un homme se fasse, par sa faute ou innocemment, quelque mal corporel ; que d’autres hommes le blessent, à dessein ou par hasard ; qu’une chose enfin dépourvue de volonté lui cause quelque souffrance, il doit y prendre garde, car les mêmes dangers l’accompagnent toute sa vie. Mais nous délivrons, le plus tôt possible, notre élève de cette position, dès que nous sommes persuadés que cette deuxième leçon a exercé sur lui une action suffisante ; nous l’exhortons alors à prendre du courage, à se tourner vers ses camarades et à s’unir avec eux. Alors il se tient debout, ferme et hardi, non pas en s’isolant avec égoïsme : c’est seulement en société avec ses égaux qu’il fait face au monde. Nous ne saurions ajouter rien à ces explications.

 LIVRE III

Samedi, 20

Plongé dans des pensées au milieu desquelles une âme affectueuse ne refusera point de s’égarer avec moi, j’allais et je venais, au point du jour, sur la rive du lac : la maîtresse de la maison (je me sentais heureux de n’être pas obligé de voir en elle une veuve) se montra d’abord à la fenêtre, puis sur le seuil de la porte. Elle m’apprit que son père avait passé une bonne nuit, qu’il s’était réveillé joyeux, et avait exprimé, en termes distincts, son désir de rester au lit et de me voir, non pas aujourd’hui, mais demain, après l’office ; que sans doute il se sentirait alors fortifié. Là-dessus, elle me dit qu’elle me laisserait souvent seul ce jour-là, qui était pour elle un jour très-occupé : elle descendit et m’en fit le détail.

 

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