samedi 5 novembre 2022

DE LA PEINTURE DE PAYSAGE DANS L’ALLEMAGNE ROMANTIQUE – C.G. CARUS – C.D. FRIECRICH

DE LA PEINTURE DE PAYSAGE DANS L’ALLEMAGNE ROMANTIQUE – C.G. CARUS – C.D. FRIECRICH

 

Introduction par Marcel Brion

 

« Tout nous indique, est-il dit dans sa Psyché, que dans tout être doué de vie, il faut reconnaître pour l’unité, pour la condition de la vie, pour le fondement de réalité de cet être, un principe divin. Nous l’appelons l’Idée de son existence, ou encore dès que la moindre conscience s’est éveillée dans cette idée, l'âme de cet être ».

La constante puissance de l’Idée dans les manifestations de la vie de la nature a été réaffirmée par Carus avec force dans Nature et Idée paru en 1861, dans lequel se résume l’essentiel de sa pensée, trop souple et trop mouvante pour qu’on puisse dire son système. « Toute philosophie postule Dieu et n’est possible qu’à partir de ce postulat. La nature entière n’est pas animée du dehors, mais du dedans, par la source de toute vie, éternel devenir, qui crée l’univers dans sa totalité selon des lois éternelles et en des métamorphoses ininterrompues ». Sa conclusion est qu’« Il se manifeste aussi bien dans les transformations du cosmos que dans la plus ténue des croissances organiques ».

 

Neuf lettres sur la peinture de paysage – Carl Gustav Carus

 

I

La neige se dissout le long de la fenêtre, il règne autour de moi un calme profond, une bonne chaleur emplit la pièce, et la lampe, tôt allumée dans les longues et mornes soirées qui précèdent l’hiver, m’enveloppe de son halo gracieux. Rien n’est plus agréable, en ces heures, que de s’abandonner, l’esprit en paix, à des pensées qui, tournées vers les choses de l’art, nous mènent insensiblement dans les contrées du beau, au point de nous faire oublier la grisaille des jours et d’effacer en nous toute trace de mélancolie.

 

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Je ne voudrais pas qu’a l'instar de plus d’un novateur, tu te conformes à l’opinion selon laquelle une discussion ou une recherche écrite sur l’art et sur la beauté pourrait être tenue pour un sacrilège, voire une profanation ; selon laquelle le sentiment et la sensation seraient seuls ici de mise et pourraient seuls trancher ; selon laquelle, enfin, profondeur et clarté seraient ici tout à fait incompatibles. — L’homme pourtant ne fait qu’un, lorsqu’il se sent en harmonie avec lui-même, et il n’est capable de grandeur et de beauté que s’il apparaît dans son intégrité. Comment / pourrait-on être troublé ou même déconcerté, si l’esprit faisait aussi le jour sur ce qui échauffe la sensibilité, et comment la beauté, qui n’est finalement que le tout et l’achevé, pourrait-elle être reconnue dans toute sa profondeur et perçue dans son intériorité, si on ne l’embrassait de toute son âme?

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Je ressens qu’un état d’âme vraiment /poétique est bien une exaltation de l’homme tout entier, requérant toutes les puissan­ces de l’âme, et je vois également l’illusion de ceux qui, par un redoublement de la réflexion, condamnent la réflexion dans le domaine de l’art. De même je ne crains plus d’embrasser la beauté par toutes les ramifications de mon âme. Je n’éprouve bien plutôt une pleine et authentique jouissance poétique qu’au moment où, devant une œuvre d’art, la réaction vivante de ma sensibilité se joint, en toute clarté, à l’achèvement intérieur et à la vision d’une volonté pure chez l’artiste, une jouissance qui, étant fondée sur la beauté, la vérité et le bien, ne diminue pas non plus d’intensité quand je contemple de nouveau cette œuvre, et qui lui confère son empreinte de classicisme. Laissons donc en cédant tout à fait au plaisir intérieur, nos pensées vagabonder dans les plaines de la beauté. Le plaisir de contempler à partir d’un sommet montagneux l’entrelacement des vallées que nous venons de parcourir n’est pas atténué, mais nous sentons bien plutôt intensifiée l’impression d’ensemble, parce que s’y répète et y revient / en quelque sorte la jouissance que nous avons éprouvée en certains endroits : une suite de pensées errant à travers ces objets ne doit pas non plus nous ôter le goût de la jouissance heureuse et vivante que nous octroient le miracle et le mystère de l’art. Toute véritable étude de la nature ne peut que conduire l’homme jusqu’au seuil de mystères supérieurs et l’emplir d’une horreur d’autant plus sacrée : c’est le résultat que nous attendons aussi d’une libre réflexion sur l’art ; encore que l’on puisse difficilement en vouloir aux artistes s’ils répugnent aux bruits de grelots et à tout le verbiage esthétique produits dans les livres et proférés du haut des chaires.

 

II

Passons à présent, mon cher ami ! à la discussion plus précise de la fin et de la signification de la peinture de paysage en particulier ; un art qui caractérise vraiment les temps modernes, qui est plus loin qu’on ne le croit de toucher à sa fin et ne verra peut-être son apogée qu’au moment où la plupart des autres arts ressembleront davantage aux visages de Janus en opposition, ou reposeront même, en signe de jours meilleurs, sur les sépultures du passé. Tout art imitatif produit nécessairement sur nous un double effet, une fois par la nature de l’objet reproduit, dont le caractère propre nous affectera dans le tableau comme il nous affectait dans la nature, une autre fois dans la mesure où l’œuvre d’art est une création de l’esprit humain qui, par une apparition véritable de ses pensées (un peu comme, / dans un sens supérieur, le monde peut être nommé une apparition des pensées divines), élève l’esprit qui est en affinité avec lui au-dessus de toute banalité.

Considérons pour le moment à part ces deux effets que produit le paysage artistique, afin de ménager ainsi un résultat partiel commun et fécond. Nous nous demanderons tout d’abord quel effet les objets d’un paysage produisent sur nous en pleine nature, et cela nous permettra de mieux juger de l’effet qu’ils produisent dans le tableau : — la terre ferme avec toute la diversité de ses figures, rochers et montagnes, plaines et vallées, airs et nuages, eaux stagnantes et courantes avec leurs phénomènes variés, telles sont à peu près les formes sous lesquelles se manifeste la vie de la terre ; une vie si incommensurable pourtant, eu égard à notre petitesse, qu’à peine les hommes veulent-ils la reconnaître ou l’accepter comme vie. Au degré supérieur en revanche, et plus proche de nous, se trouve la vie des plantes qui constituent, en liaison avec les premiers phénomènes mentionnés, les objets proprement dits du paysage artistique. — Ces phénomènes / ne provoquent certes sur nous, dans la nature, pas d’émotion passionnée ou violente : ils sont pour cela trop éloignés de nous, s’il s’agit de l’effet esthétique qu’ils sont censé produire. Il va de soi que la beauté du ressac ne peut intéresser le naufragé, ni la beauté des flammes intéresser l’homme victime d’un incendie. Seul ce qui nous touche de près, ce qui est en liaison étroite avec nous, peut par ses altérations, nous émouvoir aussi très vivement, nous remplir d’avidité ou de haine.

 

III

 

Essayons donc tout d’abord de nous mettre d’accord sur ces objets, car nous / sentons depuis longtemps qu’il ne peut y avoir qu’une vérité, et que la diversité des opinions ne tient qu’à l’obnubilation de notre faculté de connaître, le voile devant nécessairement tomber, tôt ou tard.

 

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C’est ce qui permet / une double orientation dans la vie spirituelle supérieure, soit que nous tendions à ramener la multiplicité et l’infinité de la nature et de la raison à l’unité divine originelle; soit que le moi, en devenant productif, se représente l’unité intérieure par la multiplicité extérieure. Ce qui apparaît dans le premier cas c’est le connaître, dans le second cas le pouvoir. Du connaître procède le savoir, la science ; du pouvoir procède l'art. L’homme a dans la science le sentiment d’être en Dieu, il a dans l’art le sentiment de posséder Dieu en lui. — On ne peut donc placer l’art au-dessus de la science, d’autant que la science, orientation qui introduit l’homme dans l’unité suprême, reste manifestement et à proprement parler ce qu’il y a de plus sublime ; cela explique en même temps que la science, qui s’oppose directement à l’art selon son orientation, supprime l’existence individuelle, qu’elle tue le corps pour faire vivre l’esprit, et cela justifie ce que j’ai déjà dit plus haut au sujet de la science.

 

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Il nous sera plus facile, je crois, de tomber d’accord sur le second point de tes remarques, car si je dis que l’homme prend conscience de sa propre petitesse en contemplant la nature dans toute sa spendeur, et que renonçant en quelque sorte pleinement à son existence individuelle, il intègre lui-même cet infini, parce qu’il a le sentiment immédiat que tout est en Dieu, je n’ai fait qu’exprimer, / selon moi, ce que tu as également dans l’esprit. Une telle immersion n’est en effet pas une perte, mais un gain, et s’il est vrai que notre œil sensible peut ici atteindre ce que l’œil de l’esprit est seul capable d’apercevoir autrement, s’il peut se convaincre de l’unité dans l’infinité de l’univers, notre point de vue proprement dit et notre relation avec la nature seront conçus en même temps avec une pureté toujours plus grande.

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Quelle est ton / émotion lorsque tu découvres dans un tableau réussi l’exacte et fidèle reproduction du lointain le plus vaste et le plus pur, du miroir clair ou trouble de l’eau, du jeu des feuilles délicates dans les bosquets et dans les arbres, ou de tout autre forme de paysage dans l’opulente et inépuisable nature ? — Certainement te sens-tu, dans la mesure où tu as acquis la connaissance de la nature et l’imagination, c’est-à-dire l’organe qui permet d’interpréter les traits colorés du pinceau (à propos duquel il ne saurait être question de vérité naturelle que jusqu’à un certain point), certainement te sens-tu, dans la contemplation, transporté plus au fond de cette contrée, tu crois respirer l’air pur et serein, tu rêves que tu te promènes sous ces arbres, il te semble percevoir le murmure du ruisseau, et ainsi attiré dans le cercle sacré de la vie mystérieuse de la nature, ton esprit se dilate, tu sens la vie éternellement agissante de la création. Et tandis que s’estompent toute individualité et toute misère, cette plongée dans un cycle supérieur t’affermit et t’élève, à l’instar d’un Achille rendu invulnérable par / sa plongée dans le Styx.

 

CORRESPONDANCE ENTRE ETATS D’AME ET ETATS DE LA NATURE

L’une ou l’autre peut toutefois prédominer, les représentations pouvant déterminer la sensation, et les sensations parfois la série des représentations. Lorsque nous contemplons la nature ou l’œuvre d'art, nous appréhendons les objets comme représentations en les rapportant à notre conscience ; ainsi notre moi accède- t-il à une nouvelle sphère du monde extérieur (c’est-à-dire que même son état intérieur est modifié), ce qui provoquera une sensation homogène à la « tonalité d’ensemble », celle-ci se révélant dans la nature elle-même à travers les différents phénomènes donnés, ou bien correspondant au sentiment dont procèdent, comme d’une unité intérieure, / la représentation puis la figuration réelle de l’œuvre d’art.

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Cela nous permet de distinguer quatre stades dans toute forme de vie individuelle : développement et représentation achevée, détérioration et destruction complète. Ces quatre stades originels peuvent, par leur jeu, composer de multiples états, selon que le développement lui-même est freiné par la maladie, que la force achevée se trouve en lutte contre la destruction envahissante, ou qu’un nouveau développement / surgit de la destruction. On peut, à ce sujet, avancer une foule d’exemples empruntés à la vie de la nature, en tant qu’elle peut être objet de représentation de paysages. Les tout premiers nous sont offerts par l’alternance constante des saisons, du jour et de la nuit, où le matin, midi, le soir et la nuit, le printemps, l’été, l’automne et l’hiver, nous montrent très nettement ces stades, et où les combinaisons mentionnées ne font pas non plus défaut, puisque l’on a ici l’obscurcissement d’un matin, du givre sur les arbres en fleurs, un dessèchement des plantes sous l’effet d’un soleil ardent, un orage à midi, un lever de lune dans la nuit, des bourgeons ressortant sur un tronc mort, et une multitude d’autres phénomènes.

Et dans le cœur1 lui-même, quelle série d’états aurons-nous donc ? — De même que l’on a dans la vie éternelle de la nature une apparition et une disparition de certaines formes de vie, on n’aura bien sûr, dans la vie éternelle de l’âme, qu’une apparition et une disparition de certaines manifestations de la vie du cœur.

Le sentiment d'essor, de stimulation, de développement, le sentiment de vraie clarté / et de vrai repos intérieurs, le sentiment de la détérioration, de mélancolie, et l'absence de tout sentiment, l'apathie, sont ici aussi les quatre stades auxquels peut être ramenée, comme aux sons fondamentaux et primitifs, la vie du cœur avec toute sa multiplicité infinie. Et l’on retrouve même ici les toute premières combinaisons de ces états primitifs, avérées dans la vie de la nature : le sentiment de ne pouvoir atteindre ses fins peut, dans l’essor, produire la mélancolie ; un combat intérieur peut être déclenché par la projection de certains éléments destructeurs externes contre le sentiment de force achevée, la stimulation peut se dégager de l’apathie, etc.

 

REPRESENTATION DE l’IDEE DE BEAUTE DANS LES PAYSAGES NATURELS

 

Avant de tenter une recherche plus précise sur la manière dont la représentation de la vie du cœur exprime l’idée de beauté dans la vie de la nature, il faut évoquer une question insoluble, de l’avis de certains, mais qui pourrait être en fin de compte plus facile à résoudre que beaucoup d’autres, la question : qu’est-ce que la beauté ? — Si nous nous demandons tout d’abord pourquoi les nombreuses tentatives de réponse à cette question n’ont ouvert qu’autant de fausses voies, la raison semble en être tout simplement que l’on ne s’est pas donné la peine de saisir l’idée de beauté dans son essence illimitée, mais que l’on n’a cessé d’accumuler les limitations et que l’on a voulu faire de l’esprit un vain mot, sans pouvoir s’élever jusqu’à la vision de l’éternel et du divin. On a eu presque le même cas dans les / déterminations du concept de vie, chaque fois que l’on a tenté de présenter la vie comme purement réelle, comme isolée, comme subsistant à part et distincte des autres êtres naturels, sans se douter qu’elle doit, être saisie comme première source de tous les phénomènes de la nature, si l’on ne veut étreindre les nuages au lieu de Junon.

Voici donc ma réponse à cette question : la beauté n’est rien d’autre que ce qui provoque la sensation de l’essence divine2 dans la nature, c’est-à-dire dans le monde des phénomènes sensibles, et ce de la même façon qu’on peut nommer vérité la reconnaissance de l’essence divine, et vertu la vie de l’essence divine en ce monde ; tandis que l’abandon immédiat de la nature au Très Haut et à l’Absolu qui est sa première source, est caractérisé comme religion (fraternisation, accord). — Rien ne peut donc être beau que l’interpénétration parfaite de la raison et de la nature ; comme le Très Haut et l’Unique ne se révèle que sous tes formes de la nature et de la raison, l’idée de l’essence divine nous apparaîtra en même temps que la nature, / qui est pénétrée et formée par la raison : le moi entrera alors en relation avec cette infinité apparaissante, et la sensation, le sentiment (fondé sur l’orientation vers l’infini, comme nous l’avons vu plus haut), sera déterminé comme senti­ment de beauté, dans lequel tout ce côté de l’homme atteint alors son point focal, sa fin (satisfaction esthétique). Le beau est donc le triple accord de Dieu, de la nature et de l’homme, et la contemplation de son essence ne fait que procéder, en vertu d’une ferme et intime conviction, de la conscience proprement dite (sous-jacente à tout savoir et à toute sensation) vers un Très Haut et un Absolu. On peut donc affirmer tout aussi catégoriquement que, sans une relation vivante de l’homme avec Dieu, il ne peut y avoir de senti­ment de la beauté, non plus que de la vérité et du bien ; et si cette trinité sainte vit aussi chez tout homme, plus ou moins enfoncée dans le secret et dans la nuit de son cœur, c’est bien parce que cette relation ne saurait faire défaut.

 

IV

 

Par style j'entend donc la manière de représenter l’idée qui a été saisie, le sens de l’œuvre d’art, dans la vérité ou bien réellement (real). Du style de l’œuvre d’art je distingue son caractère, qui désigne le genre de l’idée exprimée, ainsi que le traitement qui désigne uniquement la représentation artistique, la technique ; on pourrait dire que, si le caractère peut être rapproché de l’esprit et le traitement du corps, le style / est ce en quoi se concilient l’esprit et le corps, ce en quoi surgit la vie.

 

V

L’homme est en effet plasticien à partir du moment où le développement des sens commence chez l’être organique avec celui du sentiment, du toucher, et où les sens plus subtils de l’ouïe et de la vue émergent dans l’organisation parfaite ; les formes qu’il crée doivent lui être saisissables, constituer une masse et occuper un espace devant lui : c’est pourquoi la peinture, ainsi que la musique plus élaborée prennent une importance grandissante dans les époques tardives. Si la scupture apparaît comme le premier art nécessaire, ce n’est pas seulement à partir de ce point de vue, mais aussi pour autant qu’elle est l’art proprement dit de l’époque héroïque.

 

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Prends par exemple le paysage que Tieck décrit dans Les voyages de Franz Stembald3 / où l’on voit un pèlerin gravir le flanc d’une vallée encaissée, et où la clarté de la lune fait briller la croix d’une église. Nous voyons exprimée ici une idée chrétienne morale, à laquelle nous ne pouvons pas ne pas acquiescer pleinement ; mais si nous devons trouver le tableau vraiment digne d’éloges, cette disposition d’esprit ne suffit pas, il ne suffit pas de présenter et d’agencer le tout proprement et avec adresse : il faudrait aussi l’appréhender avec tant d’innocence, de pureté et de naturel, qu’en dehors même de cette idée nous puissions prendre plaisir à la fidélité rendue par la scène de cette vie de la nature, et qu’un homme qui serait tout à fait étranger à de telles idées chrétiennes devrait éprouver avec joie la fraîcheur de la vallée, la lumière secrète et claire de la lune, et la vérité du chemin qui gagne peu à peu les hauteurs.

 

VII

 

S’il faut donner des exemples, je choisirai ici certaines descriptions poétiques de paysages naturels, car si la poésie est bien antérieure à toute peinture de paysage et si elle surpasse toute peinture en spiritualité, elle donne ici également / les modèles les plus nobles. — Les modèles du genre nous seront fournis notamment par un poète en qui apparaît résolue la tâche des temps modernes : être conduit par l’art au savoir, et, à partir du savoir, laisser se développer à nouveau de plus hautes réalisations artistiques.

 

VIII

L’artiste doit donc apprendre à parler la langue de la nature , et le seul amphithéâtre où il puisse recevoir un tel enseignement est la nature elle-même : la forêt et les champs et la mer, la montagne et le fleuve et la vallée, dont il doit sans relâche et à vie, étudier les formes et les couleurs, où l’étude et l’exercice ne sauraient avoir de fin, et où comme dans le Divan nous pouvons dire : /

 

Que tu ne saches pas finir,

C’est ce qui te fait grand

 

Quand l’âme sera imprégnée du sens intérieur de ces différentes formes, quand se sera clarifié l’obscur sentiment de la vie divine mystérieuse de la nature, quand la main aura bien maîtrisé ses dons de représentation et que le regard se sera affiné et aiguisé, l’âme de l’artiste sera enfin, vraiment et absolument, un vase béni, prêt à accueillir le rayon lumineux d’en haut. Alors surgiront des tableaux de la vie de la terre d’un genre nouveau et supérieur, qui élèveront le contemplateur lui-même vers une vision supérieure de la nature, des tableaux que l’on pourra en ce sens appeler mystiques et orphiques ; alors l’art de la représentation de la vie de la terre aura atteint son apogée. —

 

 

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