dimanche 30 mars 2025

Notes sur la mélodie des choses Rilke

 

 Notes sur la mélodie des choses Rilke

Ils essaient de s’atteindre avec des mots, des gestes. C’est tout juste s’ils ne se démettent pas les bras, car les gestes sont bien trop courts. Ils font d’infinis efforts pour se lancer les syllabes et, en même temps, ce sont encore de franchement mauvais joueurs de ballon, qui ne savent pas rattraper. Si bien qu’ils passent leur temps à se pencher et à chercher – tout comme dans la vie.

Quand deux ou trois personnes s’assemblent, ce n’est pas pour autant qu’elles sont déjà ensemble. Elles sont comme des marionnettes dont les fils sont en différentes mains. Sitôt qu’ main les manipule tous, il leur survient une communauté qui les fait s’incliner ou se sauter dessus. Et les forces de l’être humain, elles aussi, sont là où vont finir ses fils dans une main souveraine qui les tient.

Si donc nous voulons être des initiés de la vie, nous devons considérer les choses sur deux plans :
D’abord la grande mélodie, à laquelle coopèrent choses et parfums, sensations et passés, crépuscules et nostalgies, –
et puis : les voix singulières, qui complètent et parachèvent la plénitude de ce chœur.
Et pour une œuvre d’art cela veut dire : pour créer une image de la vie profonde, de l’existence qui n’est pas seulement d’aujourd’hui, mais toujours possible en tous temps, il sera nécessaire de mettre dans un rapport juste et d’équilibrer les deux voix, celle d’une heure marquante et celle d’un groupe de gens qui s’y trouvent.

Toute discorde et toute erreur viennent de ce que les hommes cherchent leur élément commun en eux, au lieu de le chercher dans les choses derrière eux, dans la lumière, dans le paysage au début et dans la mort. Ce faisant, ils se perdent et n’y gagnent rien en échange. Ils se mélangent, faute de pouvoir s’unir.

Et nous sommes comme des fruits. Nous pendons haut à des branches étrangement tortueuses et nous endurons bien des vents. Ce qui est à nous, c’est notre maturité, notre douceur et notre beauté. Mais la force pour ça coule dans un seul tronc depuis une racine qui s’est propagée jusqu’à couvrir des mondes en nous tous. Et si nous voulons témoigner en faveur de cette force, nous devons l’utiliser chacun dans le sens de sa plus grande solitude. Plus il y a de solitaires, plus solennelle, émouvante et puissante est leur communauté.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire