jeudi 7 septembre 2023

Les principes d’an-archie pure et appliquée – Paul Valery

Les principes d’an-archie pure et appliquée – Paul Valery

Les rois de France ont fait la « France ». Elle est leur création artificielle.

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Le pouvoir n’eut plus qu’une tête, qui se tranche d’un coup.

La « démocratie » est leur œuvre.

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DES PUISSANCES

La puissance publique repose sur les plus basses parties de chaque personne :

les parties les plus sensibles :

La crédulité

L’inertie

L’irréflexion

La crainte

L’imitation

Les impressions.

Elle est menacée par les puissances contrai­res — Puissances Privées.

                  Critique — Réflexion — Courage, origi­nalité.

                  L’expérience et la raison montrent qu’il faut un peu de tout.

Toute « politique » se réduit à ceci : celui qui a la force, ou qui est censé l’avoir, peut taire ce qu’il veut.

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La tâche capitale de l’esprit libre est d’exter­miner les causes imaginaires des maux réels. La difficulté est de ne pas exterminer les biens réels que produisent aussi des causes imaginai­res.

Les opinions sont les agents de ces maux ; les idéaux particuliers (c’est-à-dire qui ne peuvent être ceux de chacun) ; les conventions incul­quées qu’on n’inventerait plus ; les déforma­tions résiduelles.

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GENS DE LOI

Leur art.

La discorde organisée et nourricière.

Des lois.

Les lois donnent force actuelle à ce qui n’existe pas. J’ai contracté. Je devrai faire. J’ai payé, donc je possède. Le passé et l’avenir pren­nent force par l’écrit. Chaque instant est plus que ce qu’il est. Un griffonnage est un monstre sans sommeil. Un gryphon ! Monde fantastique du Droit.

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Toutes les fonctions de l’« État » sont contre nature.

Ce qui n’est pas une critique de l’État.

L’activité de l’esprit est ennemie de l’État. Mais sa profondeur peut se concilier avec lui, car le péril ne commence qu’avec la diffusion, et les choses profondes et difficiles ne diffusent pas.

L’existence d’une production de l’esprit des­tinée à l’esprit n’est pas possible dans un systè­me socialiste achevé. Si ce système veut cepen­dant tolérer (et comme il arrive, protéger cette production) elle est le grain de sable qui détra­que la machine.

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ENSEIGNEMENT

Demande aux jeunes gens d’exprimer ce qu’ils ne pensent pas ni ne sentent — des cho­ses hors de leur expérience et de leur curiosité — ne les met pas en état de sentir la difficulté de s’exprimer mais celle de conformer.

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LE VRAI MYROIR DE LA BETISE DES HOMMES

Bêtise sera ici de faire ou de subir ce qui gêne ou gênera sans récompense, soit par imitation, soit par stupidité de l’esprit ou du corps, soit par...

Ce n’est point la peine de vivre — c’est-à- dire de pouvoir penser. S’il faut, étant libre de fai­re autrement, enfermer ses sentiments dans un parti ou dans une nation — suivre.

 

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LE CHAPITRE DES TYRANS

Ainsi nommera-t-on tout empêchement à la liberté et souveraineté de l’esprit.

En vérité, il n’y a que deux tyrans l’un, la douleur ; l’autre, la crainte... || Non — l’obliga­tion de servir son corps — et la force de l’idée de la mort sont les tyrans naturels.

C’est pourquoi se conduire comme si on était qui ne mange et qui ne meurt est d’un fou et d’un héros. ||

Leurs moyens se combinent, et parfois bien subtilement.

Ainsi la notion de souffrir, ou de chercher, ou de produire un mal pour en fuir un autre, ou l’éviter, fonde religion et société, obéissance, croyance — aux dieux, au peuple, au roi, à la médecine, à l’économie, à la sagesse, etc. et une foule de sacrifices de l’actuel au futur, du sensi­ble au probable, du probable à l’excitant...

Les maux, comme la guerre, dépendent de ce fait que ceux qui ont pouvoir de donner des ordres n’en portent pas les conséquences.

L’An-archie consisterait à n’admettre aucun commandement qui ne soit subi par qui le don­ne comme les autres le subissent.

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LE TEMPLE DE LA PEUR

La Peur enfante tout. Chacun les siennes : l'un, d’être un sot ; l’autre, d’être cocu, pauvre, esclave, damné, sifflé, moqué, malade, berné, lâché, reconnu ; presque tous, d’être morts.

Point de société sans ces peurs ; point de Dieu ; point de biens sans les maux qui mena­cent les biens.

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AUTORITE

L autorité est le pouvoir d’être obéi sur la seule injonction || sur parole || obéi physique­ment, ou intimement, c’est-à-dire cru. Ni force, ni preuves à exhiber — telle est sa condition || dès que la force même est en jeu, l’autorité ces­se, comme le poids cesse dès que le corps tom­be. ||

D’autant plus grande que l’injonction est moins prononcée et l’obéissance plus profonde et plus prompte, « Instinctive ».

L’autorité de ce type n’existe plus que i° dans l’Église — jusqu’à un certain point- ici, on n’obéit pas tant au chef qu’au mythe qui fait le chef

2° dans les fidèles de divers partis,

3° dans certaines circonstances ou moments, des individus ou des nombres d’individus.

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DU NOMBRE

Le nombre soit un moyen, et ne soit qu’un moyen.

Le nombre suppose l’addition des unités, qui suppose une identification des éléments, qui suppose une conviction : A =1 ; B = 1 ; A = B.

A + B = 1 + 1 = 2etil n’y a plus de A ni de B.

Dire 2 hommes, c’est détruire un individu et un autre.

Il n’y a pas plus d’un moi.

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« Classes moyennes » les gens qui craignent et détestent de deux côtés — vers le haut — et vers le bas. Ils ont deux fronts à tenir.

— C’est la classe qui a un supra et un infra, et qui finit par envier à la fois la masse des uns la chance des autres dont elle n'a ni l’avenir ni l'actuel.

Aujourd’hui personne n’est sûr de rien. Ni de sa situation, ni de ses connaissances ; ni la science, ni la société, de leurs « lois ».

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SOCIALISME

L envie utilisée pour conduire au « bon­heur ».

Destruction du pouvoir total — sans effort.

Destruction du luxe.

D’où diminution des perspectives et des hommes-idoles en tous genres (attaqués d’autre part, par avilissement et diffusion avec consommation intense de renommées artificiel­les).

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NATION

Sont des personnalisations — ce qui conduit à l’absurde.

— Vengeance — Rancune etc. Orgueil tou­tes choses qui mènent à se faire glorifier quand elles s’attribuent à des groupes.

La notion vague de Nation a été attaquée par deux autres. La classeMarx, et la RaceHitler.

Également contr’elle — mais nécessairement faible celle d’« intelligence ».

Donc : Ensemble de mêmes conditions d’existence

Ensemble de même langue et coutu­me ?

Ensemble de même condition intel­lectuelle

À côté l’ensemble historico-fasciste

Ces nouveautés accusent la nature convention­nelle du type nation. et contractuelle

Car nation = traités.

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L’ère de barbarie s’est prononcée par la do­mination par la moyenne.

L’âge du nombre, grands tirages — journaux.

 

PRESSE

La liberté d’opinions (de publier) ne peut être prise que sur les faits aux dépens des , et en conséquence, la non-démonstration, la falsi­fication, omission, diminution ou exagération des faits — la confusion volontaire du vrai, du probable, etc sont la liberté d’énoncer les opi­nions.

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La connaissance la plus importante à l’hom­me de la politique est celle de la crédulité, de l’ignorance, de l’extrême simplicité de la masse, et de la vanité ou de la cupidité naïves, ou de la timidité et bêtise des autres — etc.

L’ignorance chez les très instruits, et leur crédulité en ce qu’ils savent n’est pas non plus négligeable.

Cette connaissance doit être presque instinc­tive. Elle ne sert bien que si l’on n’est pas obli­gé de faire effort pour traiter les bêtes en bêtes et les non-bêtes en faibles ou en canailles.

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Histoire des changements de l’idée de l’homme (moyenne idée) depuis 2 siècles.

Par Idée de l'homme, j’entends l’idée-réaction. L’idée avouable et de valeur publique — celle qu’il faut afficher (et qui n’est pas même une idée) — D’où Justice, Vérité, Humanité, etc. etc. Bon sens, et « du Pain ».

La Révolution coïncide avec un change­ment de l’idée H. Et deux facteurs (contradic­toires) se prononcent : l’Homo égal, libre etc. et l’Homo de masse — « travail » —

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Toute société exige une diminution ou un non-développement, ou même une répression de l’exercice libre, entier de la faculté mentale. Formation des combinaisons, confrontation des expressions aux observations. Valeurs d’ac­tion — Et enfin : Expression extérieure.

Une Société est un fonctionnement à base mythique — et réflexe acquis.

Le type Armée est une forme limite. C’est une société simplifiée et unifiée au maximum.

Le type famille.

Etc.

Dans tous ces cas, les valeurs de présence de choses absentes et les effets réels de causes ima­ginaires sont requis.

La bêtise guette la tyrannie, parce que le tyran, homme ou formules, ou caste, ou assemblée, excite inévitablement contre lui tout ce qu’il y a de plus « intelligent » dans l’Autre ; et cette irritation des intellects parvient toujours à changer en bêtise ce qui les gêne ou qui les contraint à la comédie.

Plus d’un régime succomba aux apartés, aux secrètes pensées, à la critique résorbée.

C’est pourquoi, à l’âge de la foi sincère, la confession était un bon moyen de consolida­tion du système régnant.

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La liberté est un sentiment c’est-à-dire sensation.

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Tout l’enseignement français est dominé par l’idée cachée qu’à tel âge, et tel résultat scolaire obtenu, le sujet n’a plus rien à désirer quant à la connaissance. Il n’a plus à apprendre — que par luxe. C’est le diplôme qui inculque ceci. Carrière et avancement de l’esprit — curiosité finie.

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ARISTO-NOMIE

Je ne suis pour la « démocratie ». Elle mène à la banalité du discours, l’exige, etc.

Pas pour les dictatures {mot illisible] qui vont à la folie.

Je suis pour l’aristarchie — car elle ressort de la nature des choses dès qu’il y a trois hommes en présence et une cir­constance — la hiérarchie des valeurs de l’ins­tant éclate.

 

 

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