mardi 7 avril 2020

L'insurrection qui vient - Comité invisible


L'insurrection qui vient - Comité invisible

Premier cercle « I AM WHAT I AM »

  « JE SUIS CE QUE JE SUIS. » Mon corps m’appartient. Je suis moi, toi t’es toi, et ça va mal. Personnalisation de masse. Individualisation de toutes les conditions de vie, de travail, de mal- heur. Schizophrénie diffuse. Dépression rampante. Atomisation en fines particules paranoïaques. Hystérisation du contact. Plus je veux être Moi, plus j’ai le sentiment d’un vide. Plus je m’exprime, plus je me taris. Plus je me cours après, plus je suis fatiguée. Je tiens, tu tiens, nous tenons notre Moi comme un guichet fastidieux. Nous sommes devenus les représentants de nous-mêmes cet étrange commerce, les garants d’une personnalisation qui a tout l’air, à la fin, d’une amputation.



Tous les « ça va ? » qui s’échangent en une journée font songer à autant de prises de température que s’administrent les uns aux autres une société de patients.



Tout ce qui m’attache au monde, tous les liens qui me constituent, toutes les forces qui me peuplent ne tissent pas une identité, comme on m’incite à la brandir, mais une existence, singulière, commune, vivante, et d’où émerge par endroits, par moments, cet être qui dit « je ».



L’Occident avance partout, comme son cheval de Troie favori, cette tuante antinomie entre le Moi et le monde, l’individu et le groupe, entre attachement et liberté. La liberté n’est pas le geste de se défaire de nos attachements, mais la capacité pratique à opérer sur eux, à s’y mouvoir, à les établir ou à les trancher.



« I AM WHAT I AM », donc, non un simple mensonge, une simple campagne de publicité, mais une campagne militaire, un cri de guerre dirigé contre tout ce qu’il y a entre les êtres, contre tout ce qui circule indistinctement, tout ce qui les lie invisiblement, tout ce qui fait obstacle à la parfaite désolation, contre tout ce qui fait que nous existons et que le monde n’a pas partout l’aspect d’une auto- route, d’un parc d’attraction ou d’une ville nouvelle : ennui pur, sans passion et bien ordonné, espace vide, glacé, ne transitent plus que des corps immatriculés, des molécules automobiles et des marchandises idéales.



On veut faire de nous des Moi bien délimités, bien séparés, classables et recensables par qualités, bref : contrôlables, quand nous sommes créatures parmi les créatures, singularités parmi nos semblables, chair vivante tissant la chair du monde. Contrairement à ce que l’on nous répète depuis l’enfance, l’intelligence, ce n’est pas de savoir s’adapter ou si c’est une intelligence, c’est celle des esclaves.

Deuxième cercle « Le divertissement est un besoin vital »

il n’y a pas de « question de l’immigration ». Qui grandit encore là où il est né ? Qui habite il a grandi? Qui travaille il habite? Qui vit vivaient ses ancêtres ? Et de qui sont- ils, les enfants de cette époque, de la télé ou de leurs parents ? La vérité, c’est que nous avons été arrachés en masse à toute appartenance, que nous ne sommes plus de nulle part, et qu’il résulte de cela, en même temps qu’une inédite disposition au tourisme, une indéniable souffrance. Notre histoire est celle des colonisations, des migrations, des guerres, des exils, de la destruction de tous les enracinements.



Nous en sommes arrivés à ce point de privation la seule façon de se sentir Français est de pester contre les immigrés, contre ceux qui sont plus visiblement des étrangers comme moi. Les immigrés tiennent dans ce pays une curieuse position de souveraineté : s’ils n’étaient pas là, les Français n’existeraient peut-être plus.


Ils préfèrent maintenant la métaphore du réseau pour décrire la façon dont se connectent les solitudes cybernétiques, dont se nouent les interactions faibles connues sous les noms de « collègue », « contact », « pote », « relation » ou d’« aventure ». Il arrive tout de même que ces réseaux se condensent en un milieu, l’on ne partage rien sinon des codes et où rien ne se joue sinon l’incessante recomposition d’une identité.



Mais passé l’étourdissement amoureux, l’« intimité » tombe sa défroque : elle est elle- même une invention sociale, elle parle le langage des journaux féminins et de la psychologie, elle est comme le reste blindée de stratégies jusqu’à l’écœurement.

Troisième cercle « La vie, la santé, l’amour sont précaires, pourquoi le travail échapperait-il à cette loi ? »

On déteste les patrons, mais on veut à tout prix être employé. Avoir un travail est un honneur, et travailler une marque de servilité. Bref : le parfait tableau clinique de l’hystérie.



Nous ne sommes pas cyniques, nous sommes juste réticents à nous faire abuser. Les dis- cours sur la motivation, la qualité, l’investissement personnel glissent sur nous pour le plus grand désarroi de tous les gestionnaires en ressources humaines. On dit que nous sommes déçus de l’entreprise, que celle-ci n’a pas honoré la loyauté de nos parents, les a licenciés trop lestement. On ment.



La confusion des sentiments qui entoure la question du travail peut s’expliquer ainsi : la notion de travail a toujours recouvert deux dimensions contradictoires : une dimension d’exploitation et une dimension de participation. Exploitation de la force de travail individuelle et collective par l’appropriation privée ou sociale de la plus-value ; participation à une œuvre commune par les liens qui se tissent entre ceux qui coopèrent au sein de l’uni- vers de la production. Ces deux dimensions sont vicieusement confondues dans la notion de travail, ce qui explique l’indifférence des travailleurs, en fin de compte, à la rhétorique marxiste, qui dénie la dimension de participation, comme à la rhétorique managériale, qui dénie la dimension d’exploitation.



Les gains de productivité, la délocalisation, la mécanisation, l’automatisation et la numérisation de la production ont tellement progressé qu’elles ont réduit à presque rien la quantité de travail vivant nécessaire à la confection de chaque marchandise. Nous vivons le paradoxe d’une société de travailleurs sans travail, la dis- traction, la consommation, les loisirs ne font qu’accuser encore le manque de ce dont ils devraient nous distraire.



L’ensemble des tâches qui n’ont pu être déléguées à l’automation forment une nébuleuse de postes qui, pour n’être pas occupables par des machines, sont occupables par n’importe quels humains – manutentionnaires, magasiniers, travailleurs à la chaîne, saisonniers, etc. Cette main- d’œuvre flexible, indifférenciée, qui passe d’une tâche à une autre et ne reste jamais longtemps dans une entreprise, ne peut plus s’agréger en une force, n’étant jamais au centre du processus de production mais comme pulvérisée dans une multitude d’interstices, occupée à boucher les trous de ce qui n’a pas été mécanisé. L’intérimaire est la figure de cet ouvrier qui n’en est plus un, qui n’a plus de métier mais des compétences qu’il vend au fil de ses missions, et dont la disponibilité est encore un travail.



Cette population flottante doit être occupée, ou tenue. Or on n’a pas trouvé à ce jour de meilleure méthode disciplinaire que le salariat.



Se produire soi-même est en passe de devenir l’occupation dominante d’une société la production est devenue sans objet : comme un menuisier que l’on aurait dépossédé de son atelier et qui se mettrait, en désespoir de cause, à se raboter lui-même.



Si le chômeur qui s’enlève ses piercings, va chez le coiffeur et fait des « projets » travaille bel et bien « à son employabilité », comme on dit, c’est qu’il témoigne par de sa mobilisation. La mobilisation, c’est ce léger décollement par rapport à soi, ce minime arrachement à ce qui nous constitue, cette condition d’étrangeté à partir de quoi le Moi peut-être pris comme objet de travail, à partir de quoi il devient possible de se vendre soi et non sa force de travail, de se faire rémunérer non pour ce que l’on fait, mais pour ce que l’on est, pour notre exquise maîtrise des codes sociaux, nos talents relationnels, notre sourire ou notre façon de présenter. C’est la nouvelle norme de socialisation.



D’un côté, on fait vivre les spectres, de l’autre on laisse mourir les vivants. Telle est la fonction proprement politique de l’appareil de production présent.

Quatrième cercle « Plus simple, plus fun, plus mobile, plus sûr ! »

Ils y sont dévolus au tourisme et à la consommation ostentatoire.



La décence qui oblige les urbanistes à ne plus parler de « la ville », qu’ils ont détruite, mais de « l’urbain », devrait aussi les inciter à ne plus parler de « la campagne », qui n’existe plus. Ce qu’il y a, en lieu et place, c’est un paysage que l’on exhibe aux foules stressées et déracinées, un passé que l’on peut bien mettre en scène maintenant que les paysans ont été réduits à si peu. C’est un marketing que l’on déploie sur un « territoire » tout doit être valorisé ou constitué en patrimoine. C’est toujours le même vide glaçant qui gagne jusqu’aux plus reculés des clochers.
La métropole est cette mort simultanée de la ville et de la campagne, au carrefour convergent toutes les classes moyennes, dans ce milieu de la classe du milieu, qui, d’exode rural en « périurbanisation », s’étire indéfiniment. À la vitrification du territoire mondial sied le cynisme de l’architecture contemporaine. Un lycée, un hôpital, une médiathèque sont autant de variantes sur un même thème : transparence, neutralité, uniformité.



La multiplication des moyens de déplacement et de communication nous arrache sans discontinuer à l’ici et au maintenant, par la tentation de toujours être ailleurs. Prendre un TGV, un RER, un téléphone, pour être déjà là-bas.



Les centres-villes s’y offrent non comme des lieux identiques, mais bien comme des offres originales d’ambiances, parmi lesquelles nous évoluons, choisissant l’une, laissant l’autre, au gré d’une sorte de shopping existentiel entre les styles de bars, de gens, de designs, ou parmi les playlists d’un ipod. « Avec mon lecteur mp3, je suis maître de mon monde. »

Cinquième cercle « Moins de biens, plus de liens ! »

Trente ans de chômage de masse, de « crise », de croissance en berne, et l’on voudrait encore nous faire croire en l’économie.



À force, on a compris ceci : ce n’est pas l’économie qui est en crise, c’est l’économie qui est la crise ; ce n’est pas le travail qui manque, c’est le travail qui est en trop ; tout bien pesé, ce n’est pas la crise, mais la croissance qui nous déprime.

Sixième cercle « L’environnement est un défi industriel »


L’écologie, c’est la découverte de l’année. Depuis trente ans, qu’on laissait ça aux Verts, qu’on en riait grassement le dimanche, pour prendre l’air concerné le lundi.


Il n’y a pas de « catastrophe environnementale ». Il y a cette catastrophe qu’est l’environnement. L’environnement, c’est ce qu’il reste à l’homme quand il a tout perdu. Ceux qui habitent un quartier, une rue, un vallon, une guerre, un atelier, n’ont pas d’« environnement », ils évoluent dans un monde peuplé de présences, de dangers, d’amis, d’ennemis, de points de vie et de points de mort, de toutes sortes d’êtres. Ce monde a sa consistance, qui varie avec l’intensité et la qualité des liens qui nous attachent à tous ces êtres, à tous ces lieux. Il n’y a que nous, enfants de la dépossession finale, exilés de la dernière heure qui viennent au monde dans des cubes de béton, cueillent des fruits dans les supermarchés et guettent l’écho du monde à la télé pour avoir un environnement. Il n’y a que nous pour assister à notre propre anéantissement comme s’il s’agissait d’un simple changement d’atmosphère. Pour s’indigner des dernières avancées du désastre, et en dresser patiemment l’encyclopédie.



Un problème global, c’est-à-dire un problème dont seuls ceux qui sont organisés globalement peuvent détenir la solution. Et ceux-là, on les connaît. Ce sont les groupes qui depuis près d’un siècle sont à l’avant-garde du désastre et comptent bien le rester, au prix minime d’un changement de logo. Qu’EDF ait l’impudence de nous resservir son programme nucléaire comme nouvelle solution à la crise énergétique mondiale dit assez combien les nouvelles solutions ressemblent aux anciens problèmes.



« C’est à chacun que revient de changer ses com- portements », disent-ils, si l’on veut sauver notre beau modèle civilisationnel. Il faut consommer peu pour pouvoir encore consommer. Produire bio pour pouvoir encore produire. Il faut s’autocontraindre pour pouvoir encore contraindre. Voilà comment la logique d’un monde entend se survivre en se don- nant des airs de rupture historique. Voilà comment on voudrait nous convaincre de participer aux grands défis industriels du siècle en marche.



L’écologie n’est pas seulement la logique de l’économie totale, c’est aussi la nouvelle morale du Capital. L’état de crise interne du système et la rigueur de la sélection en cours sont tels qu’il faut à nouveau un critère au nom duquel opérer de pareils tris. L’idée de vertu n’a jamais été, d’époque en époque, qu’une invention du vice. On ne pour- rait, sans l’écologie, justifier l’existence dès aujourd’hui de deux filières d’alimentation, l’une « saine et  biologique» pour les riches et leurs petits, l’autre notoirement toxique pour la plèbe et ses rejetons promis à l’obésité. L’hyper-bourgeoisie planétaire ne saurait faire passer pour respectable son train de vie si ses derniers caprices n’étaient pas scrupuleusement « respectueux de l’environnement ». Sans l’écologie, rien n’aurait encore assez d’autorité pour faire taire toute objection aux progrès exorbitants du contrôle.



Le nouvel ascétisme bio est le contrôle de soi qui est requis de tous pour négocier l’opération de sauvetage à quoi le système s’est lui-même acculé. C’est au nom de l’écologie qu’il faudra désormais se ser- rer la ceinture, comme hier au nom de l’économie.

 

Septième cercle « Ici on construit un espace civilisé »


En un siècle, la liberté, la démocratie et la civilisation ont été ramenées à l’état d’hypothèses. Tout le travail des dirigeants consiste dorénavant à ménager les conditions matérielles et morales, symboliques et sociales où ces hypothèses sont à peu près validées, à configurer des espaces elles ont l’air de fonctionner. Tous les moyens sont bons à cette fin, y compris les moins démocratiques, les moins civilisés, les plus sécuritaires. C’est qu’en un siècle la démocratie a régulièrement présidé à la mise au monde des régimes fascistes, que la civilisation n’a cessé de rimer, sur des airs de Wagner ou d’Iron Maiden, avec extermination, et que la liberté prit un jour de 1929 le double visage d’un banquier qui se défenestre et d’une famille d’ouvriers qui meurt de faim. On a convenu depuis lors
disons : depuis 1945 que la manipulation des masses, l’activité des services secrets, la restriction des libertés publiques et l’entière souveraineté des différentes polices appartenaient aux moyens propres à assurer la démocratie, la liberté et la civilisation. Au dernier stade de cette évolution, on a le premier maire socialiste de Paris qui met une dernière main à la pacification urbaine, à l’aménagement policier d’un quartier populaire, et s’ex- plique en mots soigneusement calibrés : « Ici on construit un espace civilisé. » Il n’y a rien à y redire, tout à y détruire.



C’est une thèse défendue et défendable que la littérature moderne naît avec Baudelaire, Heine et Flaubert, comme contrecoup du massacre d’État de juin 1848. C’est dans le sang des insurgés pari- siens et contre le silence qui entoure la tuerie que naissent les formes littéraires modernes spleen, ambivalence, fétichisme de la forme et détache- ment morbide. L’affection névrotique que les Français vouent à leur République celle au nom de quoi toute bavure retrouve sa dignité, et n’importe quelle crapulerie ses lettres de noblesse prolonge à chaque instant le refoulement des sacrifices fondateurs. Les journées de juin 1848 mille cinq cents morts durant les combats, mais plusieurs milliers d’exécutions sommaires parmi les prisonniers, l’Assemblée qui accueille la reddition de la dernière barricade au cri de «Vive la République – et la Semaine sanglante sont des taches de naissance qu’aucune chirurgie n’a l’art d’effacer.




Il n’y a pas de « choc des civilisations ». Ce qu’il y a, c’est une civilisation en état de mort clinique, sur laquelle on déploie tout un appareillage de sur- vie artificielle, et qui répand dans l’atmosphère planétaire une pestilence caractéristique. À ce point, il n’y a pas une seule de ses « valeurs » à quoi elle arrive encore à croire en quelque façon, et toute affirmation lui fait l’effet d’un acte d’impudence, d’une provocation qu’il convient de dépecer, de déconstruire, et de ramener à l’état de doute. L’impérialisme occidental, aujourd’hui, c’est celui du relativisme, du c’est ton « point de vue », c’est le petit regard en coin ou la protestation blessée contre tout ce qui est assez bête, assez primitif ou assez suffisant pour croire encore à quelque chose, pour affirmer quoi que ce soit.

EN ROUTE !


Il n’y a pas à s’engager dans tel ou tel collectif citoyen, dans telle ou telle impasse d’extrême gauche, dans la dernière imposture associative. Toutes les organisations qui prétendent contes- ter l’ordre présent ont elles-mêmes, en plus fantoche, la forme, les mœurs et le langage d’États miniatures. Toutes les velléités de « faire de la politique autrement » n’ont jamais contribué, à ce jour, qu’à l’extension indéfinie des pseudopodes étatiques.

Il n’y a plus à réagir aux nouvelles du jour, mais à comprendre chaque information comme une opération dans un champ hostile de stratégies à déchiffrer, opération visant justement à susciter chez tel ou tel, tel ou tel type de réaction ; et à tenir cette opération pour la véritable information conte- nue dans l’information apparente.

Il n’y a plus à attendre une éclaircie, la révolution, l’apocalypse nucléaire ou un mouvement social. Attendre encore est une folie. La catastrophe n’est pas ce qui vient, mais ce qui est là. Nous nous situons d’ores et déjà dans le mouvement d’effondrement d’une civilisation. C’est qu’il faut prendre parti.

Ne plus attendre, c’est d’une manière ou d’une autre entrer dans la logique insurrectionnelle. C’est entendre à nouveau, dans la voix de nos gouvernants, le léger tremblement de terreur qui ne les quitte jamais. Car gouverner n’a jamais été autre chose que repousser par mille subterfuges le moment la foule vous pendra, et tout acte de gouvernement rien qu’une façon de ne pas perdre le contrôle de la population.

SE TROUVER


Ne pas reculer devant ce que toute amitié amène de politique

On nous a fait à une idée neutre de l’amitié, comme pure affection sans conséquence. Mais toute affinité est affinité dans une commune vérité.

Ne rien attendre des organisations. Se défier de tous les milieux existants, et d’abord d’en devenir un


Bien plus redoutables sont les milieux, avec leur texture souple, leurs ragots et leurs hiérarchies informelles. Tous les milieux sont à fuir. Chacun d’entre eux est comme préposé à la neutralisation d’une vérité. Les milieux littéraires sont là pour étouffer l’évidence des écrits. Les milieux libertaires celle de l’action directe. Les milieux scientifiques pour retenir ce que leurs recherches impliquent dès aujourd’hui pour le plus grand nombre. Les milieux sportifs pour contenir dans leurs gymnases les différentes formes de vie que devraient engendrer les différentes formes de sport. Sont tout particulièrement à fuir les milieux culturels et les milieux militants. Ils sont les deux mouroirs viennent traditionnellement s’échouer tous les désirs de révolution. La tâche des milieux culturels est de repérer les intensités naissantes et de vous soustraire, en l’exposant, le sens de ce que vous faites ; la tâche des milieux militants, de vous ôter l’énergie de le faire.

INSURRECTION


Saboter toute instance de représentation. Généraliser la palabre.
Abolir les assemblées générales

Nous subissons le mauvais exemple des parlements bourgeois. L’assemblée n’est pas faite pour la décision mais pour la palabre, pour la parole libre s’exerçant sans but.
Le besoin de se rassembler est aussi constant, chez les humains, qu’est rare la nécessité de décider. Se rassembler répond à la joie d’éprouver une puissance commune. Décider n’est vital que dans les situations d’urgence, l’exercice de la démocratie est de toute façon compromis. Pour le reste du temps, le problème n’est celui du « caractère démocratique du processus de prise de décision » que pour les fanatiques de la procédure. Il n’y a pas à critiquer les assemblées ou à les déserter, mais à y libérer la parole, les gestes et les jeux entre les êtres. Il suffit de voir que chacun n’y vient pas seulement avec un point de vue, une motion, mais avec des désirs, des attachements, des capacités, des forces, des tristesses et une certaine disponibilité. Si l’on parvient ainsi à déchirer ce fantasme de l’Assemblée Générale au profit d’une telle assemblée des présences, si l’on parvient à déjouer la toujours renaissante tentation de l’hégémonie, si l’on cesse de se fixer la décision comme finalité, il y a quelques chances que se produise une de ces prises en masse, l’un de ces phénomènes de cristallisation collective une décision prend les êtres, dans leur totalité ou seulement pour partie.
Il en va de même pour décider d’actions. Partir du principe que « l’action doit ordonner le déroulement d’une assemblée », c’est rendre impossible tant le bouillonnement du débat que l’action efficace. Une assemblée nombreuse de gens étrangers les uns aux autres se condamne à commettre des spécialistes de l’action, c’est-à-dire à délaisser l’action pour son contrôle. D’un côté, les mandatés sont par définition entravés dans leur action, de l’autre, rien ne les empêche de berner tout le monde.

Bloquer l’économie, mais mesurer notre puissance de blocage à notre niveau d’auto-organisation

Tout bloquer, voilà désormais le premier réflexe de tout ce qui se dresse contre l’ordre présent. Dans une économie délocalisée, les entreprises fonctionnent à flux tendu, la valeur dérive de la connexion au réseau, les autoroutes sont des maillons de la chaîne de production dématérialisée qui va de sous-traitant en sous-traitant et de à l’usine de montage, bloquer la production, c’est aussi bien bloquer la circulation.

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