mardi 16 février 2016

Tango de Satan - Laszlo Krasznahorkai



Tango de Satan - Laszlo Krasznahorkai

Futaki était persuadé que les échecs, réitérés jour après jour, mois après mois, les projets de plus en plus confus, aussitôt avortés, cette douloureuse soif de liberté ne représentaient pas de réel danger ; c’était même cela qui les maintenait en vie, car entre la malchance et l’anéantissement la route était longue, mais ici, au bout du chemin, on ne pouvait plus trébucher. Comme si la menace était une force souterraine dont la source restait incertaine ; on trouve tout à coup le silence inquiétant, on ne bouge plus, on se recroqueville dans un coin où l’on espère trouver une protection, mastiquer devient une torture, saliver, une souffrance, et l’on ne s’aperçoit plus que le temps ralentit, que l’espace se resserre tout autour de soi et c’est dans ce repli que le plus terrible arrive : l’inertie.

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« Mais quand même, crie pas si fort ! On a assez de problèmes comme ça, non ? – Dieu ne se manifeste  pas pat des mots, tête de chou-fleur. Il ne se manifeste par rien. Il ne se montre pas. Il n’existe même pas. – Moi, je suis croyant, intervint violemment Petrina.  Tu pourrais au moins me respecter moi, espèce de mécréant ! – Je m’étais trompé. Je viens de comprendre qu’entre moi et un insecte, entre un insecte et une rivière, une rivière et  un cri qui la traverse, il n’y a  aucune différence.  Tout fonctionne sans raison, sans finalité, sous la contrainte d’une interdépendance et d’un flottement sauvage, intemporel, et seule notre imagination – et non nos sens, condamnées à l’échec perpétuel – nous soumet à la tentation en nous faisant croire que nous pouvons nous libérer des griffes de la misère. Il n’y a pas de salut,  tête de chou-fleur. – Tu choisis bien ton moment pour dire ça ! Juste maintenant ! Après ce qu’on  vient de voir. »

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