Audre Lorde - New York
Contrechant, Anthologie de poésie, editions les prouesses, 2023
I
Comment écrire le changement
comme des dessous publicitaires usés
avec une conserve vidée des significations d’hier
avec les noms d’hier ?
À quoi joue l’oiseau-nous qui a perdu ses je?
Il ne reste rien de beau dans les rues de cette ville.
j’en suis venue à croire à la mort et au renouveau par le feu.
Au-delà des interrogations sur les obligations du sang
sur ce qui fait que ce devrait être mon époque ou celle de mes enfants
qui verra trembler cette ville triste pour renaître peut-être
noircie à nouveau mais déterminée cette fois;
lassée de cet éternel temps du passé des affirmations
et des répétitions des trips narcissiques dans un soi incomplet
là où il y a deux ans être fière sonnait comme une promesse maintenant
c’est l’heure des fruits et toutes les souffrances sont stériles
seuls les enfants poussent;
(...)
II
Je me cache derrière les immeubles et les métros
dans des ruelles fluorescentes et regarde tandis que les flammes
arpentent l’autel de cet empire
font rage dans les veines de ce pot puant sacrificiel
étalé sur la côte est d’un continent fou
conçu dans le crépuscule psychique
de meurtriers et de pèlerins qui puent l’argent
et les cauchemars et trop de gens inutiles
qui ne veulent ni se pousser ni mourir
qui ne peuvent pas plier même devant les vents
de leur propre préservation même sous le poids
de leurs propres haines
Qui ne peuvent ni corriger ni concevoir
ni même apprendre à partager leurs propres visions
qui posent des bombes dans des églises et réduisent les enfants en mortier
transforment des abats de plastique et du métal et la chair
de leurs ennemis
en temples de métro aux heures de pointe
où des prêtres obscènes
se doigtent et s’adorent en secret.
Ils croient prier quand ils s'accroupissent
pour chier des galets de fric moulés comme le cerveau de leurs
parents -
eux qui existent pour devenir poussière pour exister à nouveau
plus bruts et plus enflés
et sans jamais céder ni espace
ni souffle ni énergie de leur magot privé,
Je n'ai pas besoin de faire la guerre ou la paix
avec ces diacres prétentieux et meurtriers
qui refusent de reconnaître leur rôle
dans cette alliance qui régit nos vies
et en sont venus à craindre et mépriser
jusqu’à leurs propres enfants ;
mais je nous condamne moi
et mes amours passées et présentes
et les enthousiasmes heureux de tous mes enfants
à cette ville sans raison ni futur
sans espoir pour qu’on nous éprouve
comme on éprouve l’acier neuf
avant de nous confier à l’abattoir.
J'arpente les membres faiblissants
de New York ma dernière maison délaissée
et il ne reste plus rien à sauver dans cette ville
que des voix lointaines et ténues comme des échos
d’enfants autrefois beaux.
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