samedi 2 avril 2022

L'art de la joie - Goliarda Sapienza

L'art de la joie - Goliarda Sapienza

 

Ma mère, les yeux dilatés par le silence, coud dans un coin.

 

Maman le disait toujours : « C'est un malheur de naître femme, tu te mets à saigner et adieu paix et santé ! les hommes ne cherchent que leur plaisir, ils te démolissent de fond en comble et ne sont jamais rassasiés»

 

Mais les promesses de liberté que les vagues et le vent s'en allaient répétant, se brisaient le long des murs des édifices fleuris de roses et de pampres de lave coupante. 

 

J'appris à lire les livres d'une autre façon. Au fur et à mesure que je rencontrais certains mots, certains adjectifs, je les sortais de leur contexte et les analysais pour voir s'ils pouvaient être employés dans "mon" contexte. Dans cette première tentative d'identifier les mensonges cachés derrière des mots qui avaient, y compris sur moi, un pouvoir de suggestion, je m'aperçus de combien d'entre eux et donc de combien de fausses idées j'avais été victime. Et ma haine grandit jour après jour : la haine de se découvrir trompé?

 

Les socialistes sont tombés dans le piège psychologique de la pensée libérale. Ils croient eux aussi à la bonté fondamentale des institutions démocratiques. Alors que nous savons, après le succès de la révolution russe, que retoucher les lois ça et là, les corriger timidement, est parfaitement inutile si l'on ne change pas tout à partir des fondements. Il fat abolir la propriété privée, abolir les classes, impliquer tous les hommes dans la gestion du pouvoir.

 

Pourquoi Marx a-t-il choisi ce vilain mot de spectre ?

 

Quiconque a connu l'aventure de doubler le cap des trente ans, sait combien il a été fatiguant, âpre et excitant d'escalader la montagne qui des pentes de l'enfance monte jusqu'à la cime de la jeunesse, et combien a été rapide, comme une chute d'eau, un vol géométrique d'ailes dans la lumière, quelques instants et... hier j'avais les joues fraiches des vingt ans, aujourd'hui - en une nuit? - les trois doigts du temps m'ont effleurée, préavis du petit espace qui reste et de la perspective finale qui attend inexorablement... Première, mensongère terreur des trente ans. 

Qu'avais-je fait? Avais-je gaspillé mes jours? Insuffisamment joui du soleil et de la mer? Ce n'est que par la suite, à l'age d'or des cinquante ans, temps plein de force calomnié par les poètes et par l'état civil, ce n'est que par la suite que l'on sait combien de richesse il y a dans les oasis sereines où l'on se retrouve avec soi-même, seul. Mais cela vient plus tard.
Alors, l'anxiété de perdre l'hier et le demain me prit avec force: que faisais-je dans ce bureau ? Quelle signification avaient cette recherche de mots et tous ces écrits, poèmes, notes, brefs récits? Étais-je, sans le savoir, sur le point de tomber dans la condamnation mystique de devenir un poète, un artiste? 

 

Freud a découvert que l'âme n'est pas une étoile fixe éternelle et immuable à l'intérieur de nous. Mais une lumière qui tourne en suivant les pulsations des veines et des nerfs, qui s'obscurcit et s'éclaire, et - comme le cœur, la vue, le foie - est passible de maladie guérissable ou mortelles.

 

Une révolution,cela signifie une légitime défense contre ceux qui vous agresse avec l'arme de la faim et de l'ignorance.

 

  

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