Les reconnaissances – William Gaddis
— Oui, mais, quand je l’ai vu, ç’a été un de ces moments
de réalité, de presque-reconnaissance de la réalité. J’avais été... Je venais
de me crever sur ce travail, et quand j’ai eu fini, j’étais libre, brusquement
libre dans le monde. Dans la rue, tout me paraissait inconnu. Tout ce que je
voyais, les choses, les gens, était irréel, j’ai cru que j’allais perdre
l’équilibre, j’avais la sensation d’un nœud à l’intérieur de moi, et je suis
entré là juste pour une minute. Et alors, j’ai vu cette chose. Quand je l’ai
vue, d’un seul coup tout est devenu libre, s’est vraiment libéré dans une
réalité que nous ne voyons jamais, on ne la voit jamais. On ne la voit pas dans
les tableaux, parce que le plus souvent on ne peut pas voir par-delà un
tableau. La plupart des toiles, dès l’instant qu’on les voit elles deviennent
familières, et alors c’est trop tard. Écoute, tu vois ce crue je veux dire?
Je veux dire, bon Dieu, tout se détériore, tu comprends ?
Les gens s’usent, les amis s’usent, les voitures s’usent, des fois c’est plus
facile de les démolir quand elles sont encore neuves, on ne les voit pas s’abîmer.
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