Poésie – Houellebecq
Les moments immobiles que l'on vit presque en fraude
Et les petites morts, petits autodafés ;
C'était sur les deux heures et la ville était chaude,
Les bustiers fourmillaient aux terrasses des cafés
Et tout s'organisait pour la reproduction :
Comportements humains, jeux de dents, rires forcés L'impossibilité permanente de l'action
Morceaux de vie qu'on rêve, bientôt désamorcés.
Les humains s'agitaient dans les murs de la ville :
Flots sur le boulevard, téléphones portatifs ;
Inquiétude sur la ligne, jeux de regards hostiles :
Tout fonctionne, tout tourne, et j'ai les nerfs à vif.
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On gémit de souffrance ou de plaisir,
Le cri est également une synthèse.
L'essentiel est finalement de ne pas dormir ;
Parfois on s'étripe, parfois on se baise.
En réalité, je l'ai toujours su, j'étais moins résistant que toi ; les événements récents en administrent une preuve parfaite. Finalement, le plus vulgaire en toi, c'est encore ton rire. C'est le dernier trait qui manquait à l'abjection de ton personnage, pauvre conne.
Naturellement, nous ne savons pas aimer
Comme l'écrivait ta sœur à sa fille
Après son troisième avortement.
C'est quelque chose comme une espèce de secret
Perdu. Pourtant, le soleil brille
Et les évêques perdent leurs dents.
Il est depuis quelques semaines évident pour moi que les expériences n'enrichissent pas l'être humain, mais qu’elles l'amoindrissent ; plus exactement, elles le détruisent. Les gens réfléchissent, ils font la moyenne ; naturellement ça se rapproche de zéro, et même assez vite. Finalement, le plus grand succès de mon parcours terrestre aura été de ne rien pouvoir apprendre, en aucun cas, de la vie.
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Au milieu des fours micro-ondes,
Le destin des consommateurs
S'établit à chaque seconde ;
Il n’y a pas de risque d'erreur.
Sur mon agenda de demain,
J'avais inscrit : « Liquide vaisselle » ;
Je suis pourtant un être humain : Promotion sur les sacs-poubelle !
A tout instant ma vie bascule Dans l'hypermarché Continent Je m'élance et puis je recule,
Séduit par les conditionnements.
Le boucher avait des moustaches Et un sourire de carnassier,
Son visage se couvrait de taches...
Je me suis jeté à ses pieds !
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