lundi 29 septembre 2025

Oeuvres - Henri Suso

Oeuvres - Henri Suso

LIVRET DE L’ÉTERNELLE SAGESSE – Henri Suso

Le Serviteur : Seigneur, que veux-tu m’enseigner ?

Réponse de l’éternelle Sagesse :

I. Je veux t’apprendre à mourir ;

II. Je veux t’apprendre à vivre ;

III.      Je veux t’apprendre à me recevoir amoureusement ;

IV.      Et je veux t’apprendre à me louer intimement.

Vois, cela proprement te convient.

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Malheur à moi, Dieu du ciel, d'être jamais né en ce monde ! Ma vie a commencé par des cris et des pleurs, et maintenant ma sortie se fait aussi avec des cris amers et dans les larmes. Ah, les gémissements de la mort m'ont entouré, les douleurs de l'enfer m’ont étreint. Hélas, mort, hélas, terrible mort, que tu es un hôte pénible pour mon jeune cœur joyeux ! Comme je m’attendais encore peu à toi ! Or, fondant sur moi par derrière, tu m’as gagné de vitesse. Hélas, tu me mènes dans tes liens comme on conduit un condamné lié au lieu où on veut le tuer. Je frappe mes deux mains au-dessus de ma tête, je me les tords de douleur, car je voudrais bien lui2 échapper. Je regarde autour de moi en toute l’étendue de ce monde, (cherchant) qui pourrait me conseiller ou m'aider, et cela ne peut être. J’entends la mort qui dit en moi mortellement : « Ni ami, ni biens, ni art, ni astuce ne peuvent rien. Il faut que cela soit. » Hélas, faut-il que cela soit ? Ah, Dieu, faut-il donc que je parte d'ici ? S’agit-il maintenant de la séparation ? Malheur à moi d’être né un jour ! O mort, hélas, mort, que veux-tu perpétrer sur moi ?

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CHAPITRE XXII

Comment on doit vivre intérieurement

 

Le Serviteur : Seigneur, il est beaucoup d'exercices, plusieurs (règles de) vie : l’une ainsi, l’autre autrement ; les méthodes sont nombreuses et variées. Seigneur, l’Ecriture est sans fond et les doctrines sans nombre. Eternelle Sagesse, apprends-moi donc en peu de mots, de l’abîme de toutes ces choses, à quoi je dois par-dessus tout me tenir dans la voie d’une vraie vie.

Réponse de l'éternelle Sagesse : La plus vraie, la plus utile, la plus brève doctrine que tu puisses trouver dans la sainte Ecriture, celle qui t’instruit en peu de mots, en toute vérité et surabondamment jusqu’à la plus haute perfection d’une vie pure, la Voici :

I. Tiens-toi en séparation de tous les hommes.

II Garde-toi;pur de toutes images introduites.

III. Libère-toi. de tout ce qui peut t'apporter embarras, attache et préoccupations.

IV. Et fais monter en tout temps l’esprit de ton cœur (Gemüt) en une secrète contemplation divine où tu me portes en tout temps devant tes yeux, par une continuelle présence dont ton œil ne se détourne jamais.

 

CHAPITRE XXIII

Comment on doit recevoir Dieu amoureusement

 

Eternelle Sagesse, si mon âme pouvait maintenant pénétrer le secret écrin de ton divin mystère, je voudrais encore interroger davantage sur l’amour et voici ma question : « Seigneur, tu as déversé si complètement l’abîme de ton insondable amour dans ton aimable passion que je m’étonne si tu peux encore accomplir quelque autre signe d’amour. »

Réponse de l'éternelle Sagesse : Oui, comme les astres au ciel sont innombrables, les signes d’amour de mon inépuisable amour sont innombrés.

 

LIVRET DE LA VERITE – LIVRET DES LETTRES – Henri Suso

Et c’est pourquoi la nature humaine prise en elle- même n’a aucun droit — le Christ a assumé la nature et non la personne — à ce que chaque homme doive et puisse être Dieu et homme de la même manière (que le Christ). Il est le seul à qui appartiennent l’inaccessible dignité d’avoir assumé la nature en telle pureté qu’en lui rien n’a suivi du péché originel ni d’aucun autre péché, et c’est pourquoi il fut le seul à pouvoir racheter le genre humain endetté.

Il faut savoir, en second lieu, que les œuvres méritoires de tous les autres hommes, celles qu’ils font en droit abandon d’eux-mêmes, ordonnent proprement les hommes à la béatitude, qui est ainsi la récompense de la vertu. Et la béatitude consiste dans la divine jouissance pleine, lorsque tout obstacle et toute dualité sont écartés. Mais l'union de l’incarnation du Verbe dans le Christ, étant dans un être personnel1, dépasse et domine l’union d’esprit des bienheureux en Dieu.

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Le Disciple : Seigneur, qu'est-ce que le droit abandon ?

 

La Vérité : Saisis avec précision et distinction le sens de ces deux mots  qui veulent dire : se laisser.

Si tu peux les peser exactement et pénétrer à fond leur signification dernière et la considérer avec droit discernement, alors tu peux être vite instruit dans la vérité.

Prends d’abord le premier mot, qui est se on moi, et vois ce que c’est. Il faut savoir que tout tomme a cinq différents toi. L’un lui est commun avec la pierre, et c’est l’être (substantiel) ; un second (lui est commun) avec la plante, et c’est croître ; le troisième (lui est commun) avec tous les animaux, et c’est sentir ; le quatrième (lui est commun) avec tous les hommes, à savoir qu’il a la nature humaine commune, en laquelle tous les autres hommes sont un ; la cinquième, qui lui appartient en propre, c’est son homme (soi) personnel, à la fois selon la noblesse et selon l’accident.

Qu’est-ce maintenant qui égare l’homme et lui dérobe la béatitude ? C’est uniquement le dernier soi, lorsque l’homme se détourne de Dieu vers soi-même, au lieu de se retourner vers lui, et se fait à soi-même selon l’accident un propre soi, c’est-à-dire s’approprie aveuglément ce qui est à Dieu et vise là, et s'écoule avec le temps en faiblesses.

Mais qui voudrait quitter ce soi d’une manière ordonnée, devrait |§aire trois regards : en premier lieu, se tourner, d’un regard qui s’abîme, vers le néant de son propre soi, considérant que, ce soi et le soi de toutes choses, délaissés et exclus de l’être (divin) qui est  l’unique force agissante, sont un néant. Le second Regard à faire est de ne pas méconnaître que, même dans le dernier se laisser, le propre soi garde cependant toujours sa propre essence active, après la sortie et qu'il n'est pas là totalement anéanti. Le troisième regard advient par un anéantissement et libre abandon de soi-même en tout ce en quoi il s’était 'jamais possédé en sa propre condition de créature, en multiplicité non affranchie contre la divine vérité, un abandon en joie ou en souffrance, en action oui omission ; au point de se perdre sans mode avec riche pouvoir, et de s’anéantir irrévocablement, et de devenir un avec le Christ dans l’unité jusqu’à opérer en tout temps de par lui en retour, et de Recevoir toutes choses et de contempler toutes choses dans cette simplicité.

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Une question : Sur ce point, instruis-moi davantage.

 

Réponse : Les maîtres disent que la béatitude de l'âme consiste en premier lieu en ceci : lorsqu'elle contemple Dieu nu, elle prend tout son être et toute sa vie, et puise tout ce qu'elle est en tant qu'elle est bienheureuse, du fond de ce Néant et, à parler selon ce regard, ne sait rien, ni de la science, ni de l’amour, ni de quoi que ce soit. Elle repose toute et seule dans le Néant et ne sait rien de l'être que Dieu ou le Néant est. Mais lorsqu’elle sait et connaît qu’elle sait, contemple et connaît le Néant, c’est là une sortie et un retour  hors de ce premier vers soi, selon l’ordre naturel. Et comme cette absorption  est tirée de la même veine, par là tu peux comprendre comment cela se présente au fond.

 

 

L'HORLOGE DE LA SAGESSE

J’appelle faux prophètes tous ceux dont les actes contredisent les paroles, tels ceux qui enseignent qu’il faut fuir l’avarice et qui, de tout leur être, ont soif d’argent ; qui crient qu’il faut mépriser la gloire du monde et qui, de tous leurs efforts, cherchent vains honneurs et promotions ; qui proclament qu’il faut rejeter les objets précieux et rechercher les simples, mais eux-mêmes à l’excès sont à l’affût des objets de luxe.

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La Sagesse. Il y a trois sortes d’hommes qui me reçoivent sacramentellement. Certains, sont tout à fait mal disposés : tels ceux qui sont enlisés dans les péchés mortels. D’autres sont bien disposés, tels les parfaits. Certains sont entre deux, tels les indévots. Les premiers méritent la mort et la malédiction temporelle. Les seconds , la vie éternelle et la bénédiction spirituelle. Les troisièmes mangent un pain sec, une nourriture sans saveur, ne perçoivent pas sa douceur.

 

LA VIE – Henri Suso

46 Demeure constamment en toi-même jusqu’à ce que, sans toi-même (par un autre que toi), tu sois tiré de toi-même.

47 Observe si l’intimité des gens de bien procède de faveur [naturelle] ou de simplicité. Le premier est de trop.

48 Ne t'offre trop à personne. Où l'offre est la plus grande, on plaît parfois le moins. (Ce qui) te convient, (c’est) une humble vie intérieure. Qui agit contre son essence, cela ne lui va jamais bien.

49 Heureux l’homme qui ne mène pas beaucoup d’actions ni de paroles ; plus il y a d'actions et de paroles, plus il y a d’accidents.

50 Tiens-toi au dedans et montre-toi semblable au Néant : sinon tu auras à souffrir.

51 Quelques hommes agissent par impression dans le bien ou dans le mal ; mais on ne doit pas s’y rechercher.

52 Dans la défaite (du moi), toutes choses sont accomplies. Quand le Christ eut dit : In tnanus tuas, aussitôt ce fut : Consummatum .

54 L’homme qui voudrait tout le temps avoir repos, qu’il s’y garde lui-même aussi bien qu'en d’autres choses.

55 L’intériorité jusque dans l’extériorité est intériorité plus intérieure que l’intériorité dans la seule intériorité.

 

 

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