jeudi 18 juillet 2024

Le parti pris des choses / Proêmes - Francis Ponge

 Le parti pris des choses / Proêmes - Francis Ponge


Le monologue de l'employé

Ainsi je gagne ma vie qui s'écoule avec assez de lenteur et d'aisance, et que je goûte beaucoup, à sa valeur. »

« Cependant le soir, libre de mon temps, je prends conscience d'être un homme pensant : je lis et je réfléchis, réservant une demi-heure à cet effet avant de dormir.

Dans ce moment, une amertume coutumière m'envahit et je me prends à songer que vraiment je suis un être humain supérieur à sa fonction sociale. Mais je dis alors une sorte de prière où je remercie la Providence de m'avoir fait petit et irresponsable dans un si mauvais ordre de choses.

Si la colère m'anime je me calme aussitôt, songeant à cette fortune d'être placé, par mes intérêts comme par mes sentiments, dans la classe qui possède la servitude et l'innocence.

Esclave, je me sens plus libre qu'un maître chargé de soins et de mauvaise conscience.

Je rêve quelquefois au monde meilleur que mon enthousiasme refroidi me représente plus rarement depuis quelques années. Mais bientôt je sens que je vais dormir.

Et je tourne encore mon esprit vers mon enfant qui me lie à l'ordre social, et dont l'existence aggrave ma condition de serf. Je pense aussi à cette femme... Alors ma respiration
devient tout à fait régulière car la tranquillité m'apparaît comme le seul bien souhaitable, dans un monde trop méchant encore pour être capable de se libérer, d'après ce que disent les journaux. »


Pluie

  La pluie, dans la cour où je la regarde tomber, descend à des allures très diverses. Au centre c'est un fin rideau (ou réseau) discontinu, une chute implacable mais relativement lente de gouttes probablement assez légères, une précipitation sempiternelle sans vigueur, une fraction intense du météore pur. A peu de distance des murs de droite et de gauche tombent avec plus de bruit des gouttes plus lourdes, individuées. Ici elles semblent de la grosseur d'un grain de blé, là d'un pois, ailleurs presque d'une bille. Sur des tringles, sur les accoudoirs de la fenêtre la pluie court horizontalement tandis que sur la face inférieure des mêmes obstacles elle se suspend en berlingots convexes. Selon la surface entière d'un petit toit de zinc que le regard surplombe elle ruisselle en nappe très mince, moirée à cause de courants très variés par les imperceptibles ondulations et bosses de la couverture. De la gouttière attenante où elle coule avec la contention d'un ruisseau creux sans grande pente, elle choit tout à coup en un filet parfaitement vertical, assez grossièrement tressé, jusqu'au sol où elle se brise et rejaillit en aiguillettes brillantes.

    Chacune de ses formes a une allure particulière : il y répond un bruit particulier. Le tout vit avec intensité comme un mécanisme compliqué, aussi précis que hasardeux, comme une horlogerie dont le ressort est la pesanteur d'une masse donnée de vapeur en précipitation.

    La sonnerie au sol des filets verticaux, le glou-glou des gouttières, les minuscules coups de gong se multiplient et résonnent à la fois en un concert sans monotonie, non sans délicatesse.

    Lorsque le ressort s'est détendu, certains rouages quelque temps continuent à fonctionner, de plus en plus ralentis, puis toute la machinerie s'arrête. Alors si le soleil reparaît tout s'efface bientôt, le brillant appareil s'évapore : il a plu.

 

Escargots

Ainsi tracent-ils aux hommes leur devoir. Les grandes pensées viennent du cour. Perfectionne-toi moralement et tu feras de beaux vers. La morale et la rhétorique se rejoignent dans l'ambition et le désir du sage.

Mais saints en quoi : en obéissant précisément à leur nature. Connais-toi donc d'abord toi-même. Et accepte-toi tel que tu es. En accord avec tes vices. En proportion avec ta mesure.

Mais quelle est la notion propre d« l'homme : la parole et la morale. L'humanisme.

 

Faune et flore

La beauté des fleurs qui fanent : les pétales se tordent comme sous l’action du feu : c’est bien cela d’ailleurs : une déshydratation. Se tordent pour laisser apercevoir les graines à qui ils décident de donner leur chance, le champ libre.

C’est alors que la nature se présente face à la fleur, la force à s’ouvrir, à s’écarter : elle se crispe, se tord, elle recule, et laisse triompher la graine qui sort d’elle qui l’avait préparée.

*

Parmi les êtres animés on peut distinguer ceux dans lesquels, outre le mouvement qui les fait grandir, agit une force par laquelle ils peuvent remuer tout ou partie de leur corps, et se déplacer à leur manière par le monde, – et ceux dans lesquels il n’y a pas d’autre mouvement que l’extension.

Une fois libérés de l’obligation de grandir, les premiers s’expriment de plusieurs façons, à propos de mille soucis de logement, de nourriture, de défense, de certains jeux enfin lorsqu’un certain repos leur est accordé.

Les seconds, qui ne connaissent pas ces besoins pressants, l’on ne peut affirmer qu’ils n’aient pas d’autres intentions ou volonté que de s’accroître mais en tout cas toute volonté d’expression de leur part est impuissante, sinon à développer leur corps, comme si chacun de nos désirs nous coûtait l’obligation de désormais de nourrir et de supporter un membre supplémentaire. Infernale multiplication de substance à l’occasion de chaque idée ! Chaque désir de fuite m’alourdit d’un nouveau chaînon !

 

Natare piscem doces

Le plus intelligent me paraît être de revoir sa biographie, et corriger en accusant certains traits et généralisant. En somme noter certaines associations d'idées (et cela ne se peut parfaitement que sur soi-même) puis corriger cela, très peu, en donnant le titre, en faussant légèrement l'ensemble : voilà l'art. Dont l'éternité ne résulte que de l'indifférence.

Et tout cela ne vaut pas seulement pour le roman, mais pour toutes les sortes possibles d'écrits, pour tous les genres.

*

Le poète ne doit jamais proposer une pensée mais un objet, c'est-à-dire que même à la pensée il doit faire prendre une pose d'objet.

Le poème est un objet de jouissance proposé à l'homme, fait et posé spécialement pour lui. Cette intention ne doit pas faillir au poète.

 

Notes d'un poème (sur Mallarmé)

Le langage ne se refuse qu'à une chose, c'est à faire aussi peu de bruit que le silence.

L'absence se manifeste encore par des loques (cf. Rimbaud). Tandis que n'importe quels signes, sauf peut-être ceux de l'absence, nous laissent absents.

Mallarmé n'est pas de ceux qui pensent mettre le silence aux paroles. Il a une haute idée du pouvoir du poète. Il trahit le bruit par le bruit.

II ne décourage personne de l'ordre, de la folie.

Il a coffré le trésor de la justice, de la logique, de tout l'adjectif. Les magistrats de ces arts repasseront plus tard.

Moments où les proverbes ne suffisent plus. Après une certaine maladie, une certaine émeute, peur, bouleversement.

A ceux qui ne veulent plus d'arguments, qui ne se contentent plus des proverbes en fonte, des armes d'en-ferrement mutuel, Mallarmé offre une massue cloutée d'expressions-fixes, pour servir au coup-par-supériorité.



Il a créé un outil antilogique. Pour vivre, pour lire et écrire. Contre le gouvernement, les philosophes, les poètes-penseurs. Avec la dureté de leur matière logique.

A brandir Mallarmé le premier qui se brise est un disciple soufflé de verre.

Chaque désir d'expression poussé à maximité.

Poésie n'est point caprice si le moindre désir y fait maxime.

Non à tout prix Vidée, non à tout prix la beauté, la forme reconnue, mais ce qui mérite à la fois les éloges de l'esprit de recherche et les éloges de l'esprit de découverte.

II y a autant de hasard d'appétition que de hasard d'imagination. Autant de hasard de « il faut vivre » que de hasard de « on ne peut vivre ».

Affranchissement non pas de l'imagination, du rêve, de la fuite des idées, mais affranchissement de l'appé-tition, du désir de vivre, de chaque caprice d'expression.

Nécessité purement cristalline, purement de formation.

N'importe quel hasard élevé au caractère de la fixité. Proverbes du gratuit. Folie, capable de victoire dans une discussion pratique.

Plus tard on en viendra à faire servir Mallarmé comme proverbes. En 1926 il n'a pas encore beaucoup servi. Sinon beaucoup aux poètes, pour se parler à eux-mêmes. Il s'est nommé et demeurera au littérateur pour socle d'attributs.

Malherbe, Corneille, Boileau voulaient plutôt dire « certainement ». La poésie de Mallarmé revient à dire simplement « Oui ». « Oui » à soi-même, à lui-même, chaque fois qu'il le désire.

Poète, non pour exprimer le silence.

Poète, pour couvrir les autres voix surprenantes du hasard.


Rhétorique

Je suppose qu'il s'agit de sauver quelques jeunes hommes du suicide et quelques autres de l'entrée aux flics ou aux pompiers. Je pense à ceux qui se suicident par dégoût,
parce qu'ils, trouvent que « les autres » ont trop de part en eux-mêmes.

On peut leur dire : donnez tout au moins la parole à la minorité de vous-mêmes. Soyez poètes. Ils répondront : mais c'est là surtout, c'est là encore que je
sens les autres en moi-même, lorsque je cherche à m'exprimer je n'y parviens pas. Les paroles sont toutes faites et s'expriment : elles ne m'expriment point. Là encore
j'étouffe.

C'est alors qu'enseigner l'art de résister aux paroles devient utile, l'art de ne dire que ce que l'on veut dire, l'art de les violenter et de les soumettre. Somme toute fonder une
rhétorique, ou plutôt apprendre à chacun l'art de fonder sa propre rhétorique, est une œuvre de salut public.

Cela sauve les seules, les rares personnes qu'il importe de sauver : celles qui ont la conscience et le souci et le dégoût des autres en eux-mêmes.

Celles qui peuvent faire avancer l'esprit, et à proprement parler changer la face des choses.

 

 Introduction au galet

La contemplation d'objets précis est aussi un repos, mais c'est un repos privilégié, comme ce repos perpétuel des plantes adultes, qui porte des fruits. Fruits
spéciaux, empruntés autant à l'air ou au milieu ambiant, au moins pour la forme à laquelle ils sont limités et les couleurs que par opposition ils en prennent,
qu'à la personne qui en fournit la substance; et c'est ainsi qu'ils se différencient des fruits d'un autre repos, le sommeil, qui sont nommés les rêves, uniquement
formés par la personne, et, par conséquence, indéfinis, informes, et sans utlité : c'est pourquoi ils ne sont pas véritablement des fruits.

 

Réflexions en lisant - essai sur l'absurde

Il ne recense pas parmi les « thèmes de l'absurde » l'un des plus importants (le plus important historiquement pour moi), celui de l'infidélité des moyens d'expression,
celui de l'impossibilité pour l'homme non seulement de s'exprimer mais d'exprimer n'importe quoi.

C'est le thème si bien mis en évidence par Jean Paulhan et c'est celui que fat vécu.

Il y est fait une allusion seulement au moment de la citation de Kierkegaard (que je ne connaissais pas!) : « Le plus sûr des mutismes n'est pas de se taire, mais de parler »,
vérité (?) que j'ai réinventée, sortie de mon propre fonds, lorsque j'ai écrit vers 1925 : « Quelconque de ma part la parole me garde mieux que le silence. Ma
tête de mort paraîtra dupe de son expression. Cela n'arrivait pas à Yorick quand il parlait. » Historiquement voici ce qui s'est passé dans mon esprit :

1° J'ai reconnu l'impossibilité de m'exprimer;

2° Je me suis rabattu sur la tentative de description des choses (mais aussitôt j'ai voulu les transcender!);

3° J'ai reconnu (récemment) l'impossibilité non seulement d'exprimer mais de décrire les choses.

Ma démarche en est à ce point. Je puis donc soit décider de me taire, mais cela ne me convient pas : l'on ne se résout pas à l'abrutissement.

Soit décider de publier des descriptions ou relations d'échecs de description.

En termes camusiens, lorsque le poème m'est pressant, c'est la nostalgie. Il faut la satisfaire, s'épancher (ou tenter de décrire).

Naturellement je m'aperçois vite que je ne parviens pas à mes fins.

A ce moment-là, je commence à me taire.

Quand j'ai pris mon parti de l'Absurde, il me reste à publier la relation de mon échec. Sous une forme plaisante, autant que possible. D'ailleurs l'échec n'est jamais
absolu.

 

*

Car il y a une notion qui n'intervient jamais dans l'essai de Camus, c'est celle de mesure (quand je dis jamais, c'est très faux. D'abord elle est dans l'épigraphe, où il est
question du « possible » — dans certains autres passages aussi, où il reconnaît une valeur relative à la raison). Toute la question est là. Dans une certaine
mesure, dans certaines mesures, la raison obtient des succès, des résultats. De même il y a des succès relatifs d'expression.

La sagesse est de se contenter de cela, de ne pas se rendre malade de nostalgie.

Transposant la parole de Littré : t D faut concevoir son œuvre comme si l'on était immortel et y travailler comme si l'on devait mourir demain », l'on pourrait dire :

Il faut concevoir son œuvre comme si l'on était capable d'expression, de communion, etc., c'est-à-dire comme si l'on était Dieu, et y travailler ou plutôt Yacftever, la
limiter, la circonscrire, la détacher de soi comme si l'on se moquait ensuite de sa nostalgie d'absolu : voilà comment être véritablement un homme. Lorsqu'à propos du
don-juanisme Camus écrit qu'il faut épuiser le champ du possible, il sait bien pourtant que l'on n'épuise jamais la plus petite parcelle du champ.

Lorsqu'il évoque la possibilité de cinquante maîtresses, il sait bien qu'on n'en possède jamais absolument une seule.

S'il s'agit du résultat qui consiste à obtenir l'abandon momentané d'une maîtresse, comparable à celui qu'on obtient de son voisin de table en prononçant les mots
: passez-moi du sel (et un tel résultat suffit bien — qu'on m'entende — à justifier le langage) alors nous sommes d'accord.

C'est bien un résultat, un très important résultat. Mais il ne faudrait pas, comme il semble le faire quand il critique l'interprétation de Don Juan comme un perpétuel
insatisfait, laisser croire que Don Juan satisfasse une besoin d'absolu. Il obtient un résultat pratique, voilà tout : 1° son propre orgasme; 2° l'exhibition de son orgasme; 3° l'orgasme de sa partenaire; 4° la contemplation de cet orgasme. C'est déjà grand-chose, nous sommes d'accord.

Mais en termes camusiens la nostalgie, c'est l'amour, la communion impossible (et permanente encore plus impossible) des deux êtres.

Or c'est cette nostalgie qui a poussé Don Juan vers telle ou telle femme.

— Mais non! mais non! cette nostalgie est la sublimation morbide, la bovarysation de l'instinct sexuel. Et justement Don Juan est sain de ne s'y pas laisser aller.

*

En un sens, rien de plus utile que cette critique de Kierkegaard, Chestov, Husserl :

« Le but du raisonnement que nous poursuivons ici est d'éclaircir la démarche de l'esprit lorsque, parti d'une philosophie de la non-signification du monde, il finit par lui
trouver un sens et une profondeur » (page43).>

J'aboutirais volontiers pour ma part, en termes camusiens, à une formule comme la suivante :

Sisyphe heureux, oui, non seulement parce qu'il dévisage sa destinée, mais parce que ses efforts aboutissent à des résultats relatifs très importants.

Certes, il n'arrivera pas à caler son rocher au haut de sa course, il n'atteindra pas l'absolu (inaccessible par définition) mais il parviendra dans les diverses sciences à des
résultats positifs, et en particulier dans la science politique (organisation du monde humain, de la société humaine, maîtrise de l'histoire humaine, et de l'antinomie
individu-société).

*

Il faut remettre les choses à leur place. Le langage en particulier à la sienne — (obtention de certains résultats pratiques : passez-moi du sel, etc.).

L'individu tel que le considère Camus, celui qui a la nostalgie de l'un, qui exige une explication claire, sous menace de se suicider, c'est l'individu du XIXe ou du XXe siècle dans
un monde socialement absurde.

C'est celui que vingt siècles de bourrage idéaliste et chrétien ont énervé.

*

L'homme nouveau n'aura cure (au sens du souci hei-deggerrien) du problème ontologique ou métaphysique, — qu'il le veuille ou non primordial encore chez Camus.

Il considérera comme définitivement admise l'absurdité du monde (ou plutôt du rapport homme-monde). Hamlet, oui ça va, on a compris. Il sera l'homme absurde de Camus,
toujours debout sur le tranchant du problème, mais sa vie (intellectuelle) ne se passera pas à maintenir son équilibre sur ce tranchant comme l'homme-danseur de corde du XXe
siècle. Il s'y maintiendra aisément et pourra s'occuper d'autre chose, sans déchoir.

*

Il n'aura pas d'espoir (Malraux), mais n'aura pas de souci (Heidegger). Pourquoi? Sans jeu de mots, parce qu'il aura trouvé son régime (régime d'un moteur) i celui où il ne
vibre plus.

 

V

Je ne pense pas qu’il faille chercher sa pensée, plus que forcer son talent.
Il me paraît qu’il y a là quelque chose d’indigne, plus encore que de pénible ou de ridicule.
Or qu’est-ce que penser, sinon chercher sa pensée ? À bas donc la pensée !
Rien n’est bon que ce qui vient tout seul. Il ne faut écrire qu’en dessous de sa puissance.
(Comme on voit je me porte aussitôt aux extrémités.)
 
Bien entendu le monde est absurde ! Bien entendu, la non-signification du monde !
Mais qu’y a-t-il là de tragique ?
J’ôterais volontiers à l’absurde son coefficient de tragique.
Par l’expression, la création de la Beauté Métaphysique (c’est-à-dire Métalogique).
Le suicide ontologique n’est le fait que de quelques jeunes bourgeois (d’ailleurs  sympathiques).
Y opposer la naissance (ou résurrection), la création métalogique (la poésie).
 
Si j’ai choisi de parler de la coccinelle c’est par dégoût des idées. Mais ce dégoût des idées ? C’est parce qu’elles ne me viennent pas à bonheur, mais à malheur. Allez à la malheure, allez, âmes tragiques ! C’est qu’elles me bousculent, m’injurient, me battent, me bafouent, comme une inondation torrentueuse.
Ce dégoût des idées ? – « Ils sont trop verts », dit-il. (Non que je ne les atteigne pas, mais je ne domine pas leur cours.)

Eh bien ! Par défi, écrirai-je donc un brouillon d’ouvrage de philosophie ? Comme Edgar Poe Euréka, dont le plaisir était de parler d’Annabel Lee ou d’autres jeunes filles ?
Non !
Si je préfère La Fontaine – la moindre fable – à Schopenhauer ou Hegel, je sais bien pourquoi.
Ça me paraît : 1o moins fatigant, plus plaisant ; 2o plus propre, moins dégoûtant ; 3o pas inférieur intellectuellement et supérieur esthétiquement.
Mais, à y bien voir, si je goûte Rameau ou La Fontaine, ne serait-ce pas par contraste avec Schopenhauer ou Hegel ? Ne fallait-il point que je connusse les seconds pour goûter pleinement les premiers ?
… Le chic serait donc de ne faire que de « petits écrits » ou « Sapates », mais tels qu’ils tiennent, satisfassent et en même temps reposent, lavent après lecture des grrrands métaphysicoliciens.
Il semblerait dans le même sens que je dusse préférer encore (à La Fontaine, Rameau, Chardin, etc.) un caillou, un brin d’herbe, etc.
Eh bien ! oui et non ! Et plutôt non ! Pourquoi ?
Par amour-propre humain. Par fierté humaine, prométhéenne.
J’aime mieux un objet, fait de l’homme (le poème, la création métalogique) qu’un objet sans mérite de la Nature.
Mais il faut qu’il soit seulement descriptif (je veux dire sans intrusion de la terminologie scientifique ou philosophique). Et descriptif si bien qu’il me reproduise l’objet par le compos des qualités extraites, etc.
 

Bourg, 1943

 

 

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