mardi 6 août 2024

L’obsolescence de l’homme II – Gunther Anders

L’obsolescence de l’homme II – Gunther Anders

 

Introduction

Les trois révolutions industrielles 1979

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Ce qui peut être fait doit être fait

Mais les besoins que doit satisfaire la production des besoins humains, ce ne sont pas seulement ceux des produits (des besoins qu’on satisfait en achetant ces derniers), mais aussi ceux de la technique de pro­duction, puisque celle-ci exige sans cesse que tout ce qu’elle est capable de faire soit fait. J’emploie le verbe « exiger » parce que, désormais — c’est l’idée fixe de la troisième révolution industrielle —, on considère ce qui est possible comme absolument obligatoire, ce qui peut être fait comme devant absolument être fait. C’est de la technique que viennent les impéra­tifs moraux d’aujourd’hui ; et ceux-ci ridiculisent les postulats moraux de nos aïeux, pas seulement ceux de l’éthique individuelle, mais aussi ceux de l’éthique sociale. Ces nouveaux impératifs sont effectivement suivis à la lettre: IV avortement » de produits (de ceux qu’on peut, d’un point de vue technologique, considérer comme « en cours » de fabri­cation) est unanimement réprouvé — ce qui a pour conséquence que, maintenant, des milliers de choses voient le jour, des milliers d’« Odra- dek » (c’est ainsi, on le sait, que Kafka avait appelé un objet sans finalité qu’il avait inventé)4 qui ne correspondent à aucun besoin humain, à aucun des prétendus besoins naturels de l’homme (qui ne constituent en fait qu’une minuscule fraction du système en perpétuelle croissance et métamorphose des besoins humains) et à aucune de ses demandes les plus artificielles5.

 

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Les révolutions internes. Homo creator et homo materia

Je pense par exemple aux éléments de numéros atomiques 93 et 94 — l'élément de numéro atomique 94 est le plutonium, inexistant naguère, et qui a taie son appa­rition dans le cercle des étants, dans celui de la nature, grâce à l'inter­vention d’hommes véritablement « égaux à Dieu ». qui l'ont fabriqué à partir de l’uranium 238. C’est le plus effrayant poison que contient aujourd’hui la nature.

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Le monde est surassisté

La quatrième « révolution » contenue à l’intérieur de la troisième révolution —«c’est d’elle que je vais traiter maintenant — est la tendance à rendre l’homme superflu, aussi absurde que cette formule puisse sembler. Elle cherche à remplacer le travail de l’homme par l’automatisme d’ins­truments ; à réaliser un état dans lequel on ne peut pas dire que personne n’est requis, mais seulement le moins de travailleurs possible, car il s’agit bien entendu d’un processus asymptotique. Je parle ici à dessein d’une « tendance » et non d’un « penchant », car on ne peut, bien entendu, accuser personne, aucun entrepreneur aussi fanatique de rationalisation soit-il, de poursuivre l’objectif de priver les hommes de travail. Ce que les entrepreneurs cherchent à faire aujourd’hui — et pas seulement dans le monde capitaliste —, ce n’est pas à priver les travailleurs de travail, mais à priver leur propre entreprise de travailleurs. Le groupe Kawasaki se vante déjà aujourd’hui dans le Spiegel (du 17 avril 1978) de posséder une unmanned flactory, une usine sans assistance.

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En langage universitaire: l'identification classique à laquelle ma génération a encore cru il y a cinquante ans, celle du temps libre et de la liberté, qui n’a presque plus de valeur aujourd’hui, sera alors devenue complètement fausse. Le temps libre, c’est-à-dire le non-travail, sera a: contraire ressenti comme une malédiction. Et à la place de la célèbre sentence biblique (Genèse 3, 17), il faudra alors dire : « Tu devras caler ton derrière dans ton fauteuil et rester bouche bée devant la télévision toute ta vie !

 

L’obsolescence des apparences

Ils ont fait en réalité quelque chose d’analogue à ce que faisaient ces peintres auxquels Platon, moqueur, reprochait dans La République d’« imiter des apparences ». Si les machines elles-mêmes, aussi bruyam­ment quelles travaillent (sachant quelles tendent à être toujours moins bruyantes: les satellites et les ordinateurs ne vrombissent plus comme les machines de l’industrie du xixe siècle), restent « muettes », les représen­tations de choses muettes doivent, elles aussi, rester muettes3.

 

L’obsolescence du matérialisme 1978

Ce n’est pas à l’époque du matérialisme que nous vivons, comme s’en plaignent les esprits bornés, mais à celle du second platonisme. Pour la première fois aujourd’hui, à l’époque de l’industrie de masse, l’ob­jet particulier a effectivement un degré d’être inférieur à son « Idée », à son blue print. Que vaut l’ampoule de la marque Untel qui porte le numéro de série 784653930, à côté de son modèle non-physique ? Elle n’est qu’une simple copie de l’Idée et ce faisant un mè on, un non-étant. Ce n’est pas parce que nous avons réussi à fabriquer trois bombes ato­miques que nous sommes entrés dans l’ère atomique, mais parce que nous possédons depuis lors la recette pour en fabriquer de nombreuses autres. L’Union soviétique n’était alors pas menacée par l’existence de quelques objets physiques mais par leur « Idée ». Si un vol avait effec­tivement dû avoir lieu à l’époque, ce ne sont pas quelques objets qui auraient été dérobés mais les plans qui en étaient les modèles.

Breveter une invention signifie, comme tout le monde le sait, protéger une idée afin d’éviter qu’elle soit copiée et utilisée. Platon n’avait pas imaginé qu’il y aurait un jour une propriété des « Idées » et qu’on chercherait à protéger juridiquement cette propriété.

Comparé aux quelques Idées du ciel platonicien, le nombre de nos «Idées» actuelles est infini et croît indéfiniment: il croît chaque jour vers l’infini en raison de l’inflation des inventions (que Platon ne définit nulle part comme des « élaborations d’idées »). Si tôt ou tard nous périssons (ce sera vraisemblablement bientôt), nous serons alors victimes du second platonisme.

 

L’obsolescence des produits 1958*

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Sur la fin d’une vertu

Pourquoi les publicités sont-elles des versions camouflées d’impératifs?

Parce que chaque réclame, outre le fait quelle est sans pitié (à savoir qu’elle interrompt toujours le cours de notre vie, qu’elle s’« impose • toujours dans le cours de nos pensées), nous invite à être nous-mêmes sans pitié. Elle nous invite à être sans pitié parce que nous possédons toujours déjà 95 % des éléments qu’elle nous commande d'acheter (même si nous en possédons peut-être un modèle un peu different). Pendant que j’écris ceci me vient à l’esprit l’exemple d’un texte imprimé sur mon sous-main qui me recommande avec insis­tance, qui m’ordonne donc, d’acquérir, à la place du stylo à bille qui me convient parfaitement, un autre stylo à bille dont on me promet qu'il « fonctionne aussi sous l’eau » : même si je ne ressens pas le moin­dre besoin d’écrire sous l’eau, je dois donc sacrifier mon stylo habituel au nouveau stylo. Ce que se permet de faire le texte qui figure sur mon sous-main, toute publicité se permet de le faire. Toute publicité nous invite implicitement à renoncer aux objets que nous possédons déjà, à les mettre définitivement de côté, c’est-à-dire à être sans pitié. Toute publicité est un appel à la destruction.

 

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Le pays de cocagne de la production

D’une façon très différente de ce qu’entendait par là Walter Benjamin, nous conférons nous aussi après coup une aura aux produits de série. Même si, à l’instant de leur acquisition, ils ne disposaient pas d’une aura, nous les « auratisons », nous les imprégnons de l’atmosphère dans laquelle nous vivons : notre cœur ne s’attache pas moins à un pantalon acheté en prêt- à-porter qu’à un pantalon fait sur mesure, le sentimentalisme imprè­gne notre relation aux marchandises de masse aussi profondément que notre relation à des marchandises uniques. Nous traitons aussi le produit qui sort de l’usine comme « cette pièce », comme « notre pièce », comme une « pièce irremplaçable », au lieu de le traiter (comme il convient de le faire dans la situation actuelle) comme « telle ou telle » pièce, comme une pièce n’appartenant en propre à personne, comme une pièce remplaça- ble. S’il nous arrive de casser des pièces, nous sommes souvent incapa­bles de faire preuve de cette indifférence ou même de cette satisfaction désormais exigées, à l’époque où l’absence de pitié est devenue une vertu. Qui sait s’il n’y aura pas bientôt des psychothérapeutes dont la tâche consistera à traiter les tabous qui pèsent sur notre rapport au monde des choses et à nous réapprendre à faire violence aux produits avec bonne conscience et plaisir. Ceux qui suivront ces séances devront se munir du matériel suivant : de la porcelaine délicate et un bon marteau.

 

Révision de 1979

Ces analyses couchées par écrit il y a plus de vingt ans semblent être devenues invalides avec l’invention de l'« enregistrement» et du « magnétoscope », qui permettent aux consommateurs de consom­mer à nouveau, n’importe où et n’importe quand, le produit qu ils ont déjà consommé une première fois sous forme « liquide ». En fait, il est maintenant exact — on n’a encore jamais décrit ce paradoxe - que les consommateurs (oui, les consommateurs!) peuvent reproduire ce qui n’a lieu qu’une fois et « réifier » ce qui est « liquide » (il s’agit d’un tout nouveau type de « réification »), mais cela ne réfute pas ma thèse selon laquelle il est du plus haut intérêt pour la production de pro­duire des produits « liquides » destinés à être utilisés immédiatement et une seule fois (« instant consumption »).

 

L’obsolescence de la masse 1961

Résumons : alors que ce distinguait le deuxième stade est que le monde extérieur, tranformé en image, était transporté à la maison afin d’y être consommé en solo, le critère du troisième stade consiste, lui, dans un « transport à rebours », c’est-à-dire dans le fait qu’on ne peut désormais tranquillement relâcher les solistes dans le monde extérieur.

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Cas parallèle : le « chez soi » qu’on emmène dans le monde. Notre « schizotopie ».

 

La thèse qui, parmi les «trouvailles» du premier tome de L’obsolescence de l'homme, va le plus loin est la suivante: si le monde extérieur est amené dans les maisons pat les médias, inversement c'est l’homme qui emmène avec lui la mentalité du « chez soi » dans le monde extérieur, Le fréquent constat que, depuis quelques décennies, la différence entre « privé » et « public » s'est estompée, a son fondement dans ce « double mouvement»

Sous ce rapport, la possibilité de préserver notre schizotopie, cette propriété qui. chez nous, nous est déjà évidente, joue un rôle qu il ne faut pas sous-estimer. Que veux-je dire en forgeant ce néologisme? Réponse: je veux parler d'une double existence spatiale.

 

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Le premier paragraphe nous a montré qu’un caractère de masse était produit dans le but de mettre un terme à la formation d’une masse réelle, en diffusant à des milliers ou des millions d’exemplai­res des copies d’images et de sentiments destinées à être consommées en .solo ; que le substrat « masse » était remplacé par l’attribut « de masse ». Nous avons ainsi fait connaissance avec le mensonge spécifi­que des médias actuels, voire de l'ensemble de notre époque.

 

Obsolescence du travail

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Réparation par le sport

Le sport est bien vu, voire encouragé, lorsqu’il est une satisfaction de substitution qui remplace la soif de solidarité. En tant que footballeurs, les ouvriers sont solidaires de leur club de football, en tant que cyclistes, ils le sont de leur amicale. Ils le sont même lorsqu’ils ne jouent pas ou ne pédalent pas eux-mêmes, mais se contentent de regarder en tant que membre de la famille ou ami, ou de prendre parti devant l’écran de la télévision.

 

Obsolescence de l’individu

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Le monde mis à l’étalage

Bien sûr, la sexualisation du monde actuel des marchandises - qui a déjà atteint son summum dans les pays possédant une tradition puritaine — n’est rien d’autre qu’une confirmation de cette équation qui a cours aujourd’hui: « être — être racolant. » Ce qui se déroule ici, c’est un processus de production des plus normaux: la qualité « charme sexuel » qui, de matière première naturelle et gratuite, a été trans­formée en charme mercantile, est utilisée sous cette dernière forme. Des poitrines racolent maintenant pour de l’acier, des jambes pour du whisky. La véritable propriétaire du corps féminin, du moins de ses images séduisantes, c’est maintenant l’industrie publicitaire. Dans un certain sens, le fait que les femmes possèdent aussi un corps (pour ne rien dire du fait que, dans les pays qu’on a rendus voyeurs, elle sont désormais dans une rela­tion de concurrence extrêmement forte avec ces images séduisantes) n’est plus que contingent et n’a plus qu’une importance secondaire. Au moment où la transformation de la matière première « charme sexuel» en un charme mercantile semble devoir triompher, ce charme perd tout caractère tabou : l’actuelle absence de préjugés dans les choses sexuelles, surtout aux USA, est un enfant de la liberté publicitaire, l’effondrement de la pruderie — un événement qu’on trouve, avec fierté, « progressiste » - est un événement exclusivement commercial. Que le mot « Werbung » qui signifie « publicité » ait eu à l’origine un sens strictement érotique, puisqu’il signifiait d’abord | racolage », on en a complètement perdu conscience depuis que le monde s’est entièrement érotisé20.

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Fausse livraison. Contrefaçon d’activité et mécanisme de déplacement

Ce n’est pas à l’aide d’une « superstructure » qui nous serait livrée séparément qu’on nous ment, mais à l’aide de quelque chose qui est déjà « intégré » à la structure du réel. Le mensonge actuel se trouve toujours déjà « alibi », c’est-à-dire ailleurs, toujours déjà dissimulé à l’intérieur de la pratique elle-même. Et cet alibi est la plus grande des chances pour le mensonge. La mystification ayant renoncé à toute existence spéciale et ne se présentant plus comme une proposition mensongère identifiable et réfutable ou comme une doctrine répandue et sûre d’elle-même, elle est désormais capable d’agir exactement comme son maître classique, Ulysse, qui a guetté Polyphème dans l’obscurité de sa caverne et lui a menti en lui disant, faussement modeste, qu’il n’était « personne ». C’est en prétendant n’être personne et ne pas exister que la mystification peut aveugler ses adversaires et triompher d’eux.

 

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L’esclavage post-contractuel : nous sommes des agents secrets

En tant que travailleurs, avoir dans la poche notre contrat de travail et pouvoir nous présenter comme des contractants selon le droit du travail, cela nous remplit aujourd’hui à juste titre de fierté. En  comparaison avec la situation de nos ancêtres réduits en esclavage,  la nôtre semble en fait être identique à la liberté. Mais ce que nous ignorons c’est que notre « liberté » actuelle n’existe que parce qu’un « asservissement post-contractuel » a pris la place de  « esclavage pré-contractuel »; un esclavage qui est total lorsque nous ne travaillons pas; un esclavage qui est total parce que nous ne sommes pas encore assez libres pour le sentir - et cet esclavage post-contractuel devrait à vrai dire nous rendre terriblement sceptiques quant à la fierté que nous procure notre liberté. En fait, la situation dans laquelle on nous place  est l’inverse complet de celle à laquelle nous avons été habitués jusqu’à aujourd’hui. Nous ne vivons pas aujourd’hui sous la « malédiction du tra­vail », mais sous celle des loisirs.

 

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Digression sur le « tueur par envie » synthétique

La division du travail entre plusieurs individus divise toujours les individus qui travaillent ainsi. La division du travail transforme les individus en « dividus».

Les « dividus », ce sont ceux dont les affects n’ont plus rien avoir avec leur finalité, qui ne doivent plus sentir ce qu’ils font, et à qui l’on prête pour cette raison des affects et des émotions de substitution com­plètement étrangers à leurs actes (dans le cas évoqué ci-dessus: l’envie de musique). Karl Kraus a décrit certaines exécutions de la Première Guerre mondiale au cours desquelles des hommes maladroitement pendus ont été chatouillés d’une façon si épouvantable que, mis hors d’eux par ces sensations, ils ont oublié qu’ils étaient en train de mourir et se sont balan­cés au bout de leur corde jusqu’à ce que le nœud coulant les étrangle, jusqu’à ce qu’ils meurent donc littéralement de rire. Au cours du demi- siècle qui s’est écoulé depuis, on a fait des progrès décisifs dans ce sens. Car, dans l’industrie de l’anéantissement, la musique signifie que, main­tenant, les bourreaux aussi sont « chatouillés » afin que, mis hors d’eux par ces sensations et rendus aveugles à ce qu’ils font, ils tuent « en riant ».

Quoi que la psychopathologie et la psychiatrie puissent dire de la schizophrénie actuelle, nous ne pouvons la comprendre d’un point de vue étiologique que si nous la regardons comme une conséquence de cette division du travail qui sépare des opérations qui, au sens pro­pre, s’entr’appartiennent et cela signifie: si nous la regardons comme l’état normal de l’homme qui travaille aujourd’hui. L’horreur que nous ressentons face à ces employés des camps d’extermination qui avaient l’habitude de travailler sans affect aucun et s’adonnaient, après le tra­vail, à des affects et des émotions qui n’avaient rien à voir avec leur travail (les bourreaux lisaient même Holderlin), cette horreur, nous ne pouvons nous permettre de la ressentir face aux braves hommes qui travaillent à l’ère de la technique que si nous nous comptons parmi les objets de notre horreur.

Celui qui s’est rendu compte que, parmi les buts du comportement humain actuel, il n’y en a aucun dont la poursuite est aussi systématique et dont la réalisation est aussi lourde de conséquences que la production de notre schizophrénie, et que nous sommes déjà allés assez loin dans ce sens pour nous méprendre sur la nature de notre participation à la préparation du meurtre de masse et la considérer comme un plaisir « innocent », celui-là ne tiendra plus pour irréaliste l’idée qu’un jour le Jugement dernier pourrait advenir « sous une forme délicieuse », c'est-à-dire sur fond de chansons sentimentales ou (ce qui n'est pas mieux) de musique classique.

 

L’obsolescence de la sphère privée 1958

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Les appareils d’écoute totalitaires

Donc : chaque instrument est déjà son utilisation.

J’ai essayé, dans le premier tome de L’Obsolescence de l’homme (« Le monde comme fantôme et comme matrice ») de démontrer cette dièse désagréable à propos de l’exemple de la télévision. Voici ce qu’il en est issu.

Peu importe ce qui atteint l’homme à travers la télévision — il peut bien s’agir de l’explosion d’une bombe, du couronnement d’une reine ou d’un concours de beauté — et peu importe qui est assis devant l’écran de télévision — un paysan employé par un kolkhoze sibérien, un tailleur londonien ou le propriétaire d’une station d’essence du Colo­rado — le fait que les événements arrivent dans un état dé-réalisé, à l’état de fantômes, et que la consommation de fantômes prenne la place de la véritable expérience du monde, demeure dans tous les cas iden­tique. C’est cette consommation et elle seule qui décide ; c’est elle qui imprime la conscience de l’homme et la fausse ; c’est elle qui préjuge de son rapport au monde et du rapport du monde à lui.

Telle était la thèse de mon essai sur les effets de la livraison à domicile de fantômes. Il ne s’agit pas d’examiner pourquoi cette thèse devrait valoir seulement pour les instruments dont on traite dans cet essai, c’est-à-dire pour les « instruments de livraison à domicile ». Si on la suppose universellement valide, cela signifie qu’elle l’est également pour les « instruments de livraison au monde ».

 

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