mercredi 17 mars 2021

A la ligne – Joseph Ponthus

 A la ligne – Joseph Ponthus

 

Je ne parle pas de gens derrière les machines mais du paradigme de machine fabriquant une autre machine

 

On dit que l’usine compte deux tiers d’intérimaires

pour un tiers d’embauchés

Pourquoi au vu des salaires respectifs

Les patrons doivent savoir

Eux

 

Pourquoi ce chef aux cheveux poivre et sel ne salue-t-il jamais personne alors que d’autres sont plutôt humains dans ce monde machinal

Quelle part de machine intégrons-nous

inconsciemment dans l’usine

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L’agence d'intérim t’appelle

Ton portable est coupé

Message au réveil

« Tu embauches deux heures plus tôt que d'habitude »

L'agence est fermée quand tu essaies de

rappeler pour dire que tu ne peux pas

C’est trop tard

Tu devrais être déjà à ton poste

Un autre intérimaire te remplacera demain

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Pourquoi lui m’énerve-t-il autant quand d’autres

non pourtant tout aussi cons

Reproche n’étant que projection

Ce collègue ne peut être que moi

Je le crains

une image de mon côté obscur

J'en suis persuadé

 

Pour le dire autrement

Tant il est vrai que l’affirmait ce bon vieux

La Bruyère

 

« Ceux qui, sans nous connaître assez, pensent mal de nous ne nous font pas de tort : ce n’est pas nous qu’ils attaquent, c’est le fantôme de leur imagination. »

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A faire ce pour quoi je suis fait

Non forcément tenir une barricade

Ecrire autre chose que l’usine

 

Je suis de l’armée de réserve dont parle le grand Karl dès 1847 dans Travail salarié et capital « La grande industrie nécessite en permanence une armée de réserve de chômeurs pour les périodes de surproduction. Le but principal de la bourgeoisie par rapport à l’ouvrier est, bien sûr, d’obtenir le travail en tant que matière première au plus bas coût possible, ce qui n’est possible que lorsque la fourniture de ce produit est la plus grande possible en comparaison de la demande, c’est-à-dire quand la surpopulation est la plus grande. »

Celle des chômeurs contents d’être

intérimaires

 

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