A la ligne – Joseph Ponthus
Je ne parle pas de gens derrière les machines mais du paradigme de machine fabriquant une autre machine
On dit que l’usine compte deux tiers d’intérimaires
pour un tiers d’embauchés
Pourquoi au vu des salaires respectifs
Les patrons doivent savoir
Eux
Pourquoi ce chef aux cheveux poivre et sel ne salue-t-il jamais personne alors que d’autres sont plutôt humains dans ce monde machinal
Quelle part de machine intégrons-nous
inconsciemment dans l’usine
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L’agence d'intérim t’appelle
Ton portable est coupé
Message au réveil
« Tu embauches deux heures plus tôt que d'habitude »
L'agence est fermée quand tu essaies de
rappeler pour dire que tu ne peux pas
C’est trop tard
Tu devrais être déjà à ton poste
Un autre intérimaire te remplacera demain
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Pourquoi lui m’énerve-t-il autant quand d’autres
non pourtant tout aussi cons
Reproche n’étant que projection
Ce collègue ne peut être que moi
Je le crains
une image de mon côté obscur
J'en suis persuadé
Pour le dire autrement
Tant il est vrai que l’affirmait ce bon vieux
La Bruyère
« Ceux qui, sans nous connaître assez, pensent mal de nous ne nous font pas de tort : ce n’est pas nous qu’ils attaquent, c’est le fantôme de leur imagination. »
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A faire ce pour quoi je suis fait
Non forcément tenir une barricade
Ecrire autre chose que l’usine
Je suis de l’armée de réserve dont parle le grand Karl dès 1847 dans Travail salarié et capital « La grande industrie nécessite en permanence une armée de réserve de chômeurs pour les périodes de surproduction. Le but principal de la bourgeoisie par rapport à l’ouvrier est, bien sûr, d’obtenir le travail en tant que matière première au plus bas coût possible, ce qui n’est possible que lorsque la fourniture de ce produit est la plus grande possible en comparaison de la demande, c’est-à-dire quand la surpopulation est la plus grande. »
Celle des chômeurs contents d’être
intérimaires
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