Tourment de l'idéal - Antero De Quental
STOÏCISME
À Manuel Duarte de Almeida
Toi qui ne crois en rien, qui n’aimes ni espères,
Esprit de l’éternel refus,
Ton souffle m’a glacé le cœur
Et banni le printemps de mon âme...
Traversant maintes fois des régions désolées,
Baignées par les ténèbres, obscures et insondables,
Comme en un cauchemar, je n’entends que ce non,
Dont l’écho se répand sans fin dans l’univers...
— Pourquoi te lamenter et pourquoi soupirer,
Ô cœur pusillanime ? Vainement tu t’efforces
D’opposer au Destin ton égoïste plainte...
Laisse donc aux timides, et laisse aux chimériques,
L’espérance inutile et ses reflets trompeurs...
Mais toi, sereinement, sache affronter l’abîme !
DANS LE TOURBILLON
A Jaime Batalha Reis
En mes rêves je vois défiler des visions,
Fantômes émanant de mes propres pensées,
Comme une ribambelle emportée par le vent,
Qu’il éparpille ensuite en amples tourbillons...
Et, dans une spirale, aux contorsions étranges,
D’où jaillissent des cris et des lamentations,
Je peux les voir passer, en groupes nébuleux,
Et je crois distinguer leurs traits, de temps en temps...
— Fantômes de moi-même ainsi que de mon âme,
Vous qui me regardez, avec un si grand calme,
Emportés par les flots troubles de cette houle,
Mais qui êtes-vous donc, mes frères et mes bourreaux ?
Qui êtes-vous, visions atroces et misérables ?
Pauvre de moi ! Pauvre de moi ! Et moi, qui suis-je ? !...
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