Le corps lesbien - Monique Wittig
Si quelqu’une dit ton nom j/e crois que m/es oreilles vont tomber lourdement par terre, j/e sens m/on sang devenir plus chaud dans m/es artères, j/e perçois tout d’un coup les circuits qu’il irrigue, un cri m/e vient du fond de m/es poumons à m/e faire éclater, j/ /ai peine à le contenir, j/e deviens brusquement le lieu des plus sombres mystères, m/a peau se hérisse et se couvre de taches, j/e suis la poix qui brûle les têtes assaillantes, j/e suis le couteau qui tranche la carotide des agnelles nouvelles-nées, j/e suis les balles des fusils-mitrailleurs qui perforent les intestins, j/e suis les tenailles rougies au feu qui tenaillent les chairs, j/e suis le fouet tressé qui flagelle la peau, j/e suis le courant électrique qui foudroie et tétanise les muscles, j/e suis le bâillon qui bâillonne la bouche, j/e suis le bandeau qui cache les yeux, j/e suis les liens qui retiennent les mains, j/e suis la bourreleuse forcenée galvanisée par les tortures et tes cris m//emportent d’autant plus m/a plus aimée que tu les contiens. À ce point-là j/e t’appelle à m/on aide Sappho m/on incomparable, donne m/oi les doigts par milliers qui adoucissent les plaies, donne m/oi les lèvres la langue la salive qui attire dans le lent le doux l’empoisonné pays d’où l’on ne peut pas revenir.
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