Je suis ce qui manque - Dionys Mascolo
Nous commençons par être plusieurs et nous finissons par n’être qu’un (de par la triste obligation médiane de devenir quelqu’un?).
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En ce sens, le public, les applaudissements comptent pour peu (sauf pour les « artistes » de variétés peut-être). La passion du comédien n’est certainement pas la recherche de l’admiration publique. Mais celle de cette dépersonnalisation, recherche très personnelle, très « érotique » dont il est presque impudique pour lui de parler. Son désarroi, s’il ne joue plus, doit être d’être rendu à lui-même, au seul « personnage » justement auquel il lui soit pénible de s’identifier.
Suspension du flux de conscience. Monologue intérieur interrompu.
- Si je pense à quelque chose en jouant du piano, je commets faute sur faute.
- Si me viennent des pensées, jouant à la roulette, le jeu perd tout attrait.
- De même, si de la pensée prend corps, au volant, roulant vite, la peur me saisit, la vitesse devient une imbécile absurdité.
- Et de même, dans l’approche érotique, l’impuissance me guette.
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« Faire l’amour ». « Faire de l’humour ». Faire de la poésie. Médiocrité de ce langage, du verbe faire - médiocrité de ces actions.
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« J'écrirai ». — J’en suis toujours à me renouveler cette promesse. Demain. Puis demain. Et toujours me sentir des bombes plein les poches.
Le drame. Il n’est pas de ne pas savoir quoi dire, ni de constater qu’au fond le pire drame est la difficulté de rendre compte du drame (constatation d’abord amère, quand on aurait voulu penser que c’était à partir d’un drame profond que vient le désir de recourir à la parole écrite pour en témoigner), difficulté qui semble devenir bientôt la seule - le drame profond perdu de vue, ou mêlé. Le drame vécu, en définitive, c’est : ne pas avoir encore trouvé par quel biais faire que le drame ne soit pas simplement le drame d’écrire.
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[1983]
Écrivant, je ne me trouve pas moins « fou » qu’il y a vingt ans, lorsqu'écrire me conduisait en effet à la démence sans espoir, et que la peur me forçait d’interrompre. Mais aujourd’hui en même temps, je suis tranquille. Je suis parvenu en somme à contrôler cette folie. La peur ne me fait pas défaut cependant
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Ce que j’aime peut-être le mieux en moi, c’est la femme que je suis. Ce qui n’est pas sans me faire connaître une vraie solitude, proche du secret. Car ce n’est qu’exceptionnellement qu’elle parvient à se faire apprécier, ou même apercevoir. Il faut donc croire qu’elle n’est pas très apparente. Elle est néanmoins le meilleur de moi.
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Valéry - Cahiers. — À sa mort. Je m'attendais à la révélation prochaine d'écrits scandaleux (par l’audace). Au lieu de quoi, ces pauvretés complaisantes et sèches. À l'heure sublime de l'aube, qu'il aurait déshonorée si elle pouvait l’être, 50 ans durant, ce Pécuchet appliqué ! Misère. Et ce soupçon : le plus grand esprit (aucun grand esprit) n’a sans doute encore Jamais été assez possédé par l’esprit.
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Une pensée te vient. Tu l'exprimes. Elle devient ta pensée. Elle ne l’était donc pas (n'était pas ).
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Nous commençons par être plusieurs et nous finissons par n’être qu’un (de par la triste obligation médiane de devenir quelqu’un?).
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