La vie des spectres - Patrice Jean
Sans le recours aux fables et aux minuscules tromperies, la vie en société deviendrait impossible, un genre de fondrière où nous cesserions de nous enliser. Ce mensonge partagé, sans méchanceté et, oserais-je dire, d'un commun accord, sans intimité, mensonge de courtoisie, ce mensonge illustre pleinement la civilisation, en ce qu'une faute morale, lin d'être blâmée, autorise deux hommes au milieu de leur vie à s'abandonner à leurs penchants sans qu'ils en conçoivent ni de l'humeur ni de la rancœur [...].
Croient-ils vraiment que l'on est jeté dans l'existence uniquement pour jouir et s'amuser ? (Oui, d'accord, c'est moi qui l'ai obligé à vivre, enivré par le désir, la raison endormie par les sens.)
Les hommes, ai-je pensé, ne s'élèvent qu'en s'éloignant de la famille, de la tribu, du clan et de tout ce qui vous emprisonne dans la promiscuité.
"La naissance de Simon ne nous a-t-elle pas éloignés l'un de l'autre, au-je dit le soir à Doriane, comme chaque naissance détourne tous les couples de l'amour alors qu'ils prétendent que la nativité est une transfiguration et un accomplissement ?" Elle m'a répondu que je "généralisais", qu'il y avait autant de cas que de familles : "Un enfant donne son sens au couple, a-t-elle protesté, sinon il tournerait sur lui-même, dans la ronde des petits plaisirs mesquins. Grâce à l'enfant, l’égoïsme du couple est brisé.
Du bois de l'inculture sortirent des millions d'intelligents qui ne se nourrissaient pas le moins du monde des grandes œuvres de l'humanité ; tous prétendaient qu'ils n'en avaient pas besoin : "Je réfléchis par moi-même... Je préfère n'être pas influencé par les livres. Et je peux vous dire que je suis pas plus bête qu'un autre... et même moins bête que de soi-disant gens intelligents : La preuve, je sais à peine ce qu'est un cliché et pourtant je n'ai plus de boutons !"
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