Tango de Satan - Laszlo
Krasznahorkai
Futaki était persuadé
que les échecs, réitérés jour après jour, mois après mois, les projets de plus
en plus confus, aussitôt avortés, cette douloureuse soif de liberté ne
représentaient pas de réel danger ; c’était même cela qui les maintenait
en vie, car entre la malchance et l’anéantissement la route était longue, mais
ici, au bout du chemin, on ne pouvait plus trébucher. Comme si la menace était
une force souterraine dont la source restait incertaine ; on trouve tout à
coup le silence inquiétant, on ne bouge plus, on se recroqueville dans un coin
où l’on espère trouver une protection, mastiquer devient une torture, saliver,
une souffrance, et l’on ne s’aperçoit plus que le temps ralentit, que l’espace
se resserre tout autour de soi et c’est dans ce repli que le plus terrible
arrive : l’inertie.
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« Mais quand même,
crie pas si fort ! On a assez de problèmes comme ça, non ? – Dieu ne
se manifeste pas pat des mots, tête de
chou-fleur. Il ne se manifeste par rien. Il ne se montre pas. Il n’existe même
pas. – Moi, je suis croyant, intervint violemment Petrina. Tu pourrais au moins me respecter moi, espèce
de mécréant ! – Je m’étais trompé. Je viens de comprendre qu’entre moi et
un insecte, entre un insecte et une rivière, une rivière et un cri qui la traverse, il n’y a aucune différence. Tout fonctionne sans raison, sans finalité,
sous la contrainte d’une interdépendance et d’un flottement sauvage,
intemporel, et seule notre imagination – et non nos sens, condamnées à l’échec
perpétuel – nous soumet à la tentation en nous faisant croire que nous pouvons
nous libérer des griffes de la misère. Il n’y a pas de salut, tête de chou-fleur. – Tu choisis bien ton
moment pour dire ça ! Juste maintenant ! Après ce qu’on vient de voir. »
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