École florentine (xve siècle) : Scène de la Pomme.
Tintoret : Suzanne. — Simone Martini (1284-1344) : Jésus-Christ
marchant au Calvaire (Ecole de Sienne).
Mantegna (1431-1506) : La Sagesse victorieuse des Vices (École
vénitienne). — Le Titien (1477-1576) : Le Concile de Trente. — Raphaël :
Apollon et Marsyas. — Vélasquez (1599-1660) : Portrait de Philippe
IV, roi d’Espagne.
Jacob Jordaëns (1593-1678) : Le Concert après le repas.
Rubens : Kermesse.
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2 novembre. — Ce matin, pour la première fois
depuis longtemps, j’ai pris plaisir à imaginer un couteau qui retournait dans mon cœur.
Ce qui égare souvent dans les journaux, les
conversations, au bureau, c’est la vie débordante du langage; ensuite, c’est
l’espoir, suscité par une faiblesse momentanée, qu’on va connaître dans un
instant une illumination d’autant plus violente que soudaine ; ou encore, uniquement
une forte confiance en soi, ou une simple nonchalance, ou une grande impression
du présent que l’on veut à tout prix décharger sur l’avenir ; ou encore la
supposition qu’un sincère enthousiasme vécu dans le présent justifierait toutes
les incohérences de l’avenir; ou encore le plaisir que vous procurent des
phrases dont le milieu est soulevé par un ou deux chocs et qui vous ouvrent
graduellement la bouche jusqu’à lui faire atteindre sa plus grande dimension,
même si elles vous la ferment ensuite beaucoup trop vite et en vous la tordant
; ou encore l’indice d’une possibilité de jugement catégorique fondé sur la
clarté ; ou encore l’effort qu’on fait pour donner de l’entrain à un discours
qui, en réalité, touche à sa fin ; ou encore une envie de quitter le sujet en
toute hâte, ventre à terre s’il le faut; ou encore un désespoir qui cherche une
solution au problème de sa respiration difficile ; ou encore le désir passionné
d’une lumière sans ombres — tout ceci peut vous égarer au point de vous faire
dire des phrases comme celle-ci : «Le livre que je viens de finir est plus beau
que tous ceux que j’ai lus jusqu’à présent» ou bien d’une beauté que je n’ai
encore trouvée dans aucun livre».
Afin de me prouver que tout ce que j’écris et pense à leur sujet est faux,
les acteurs (sauf M. et Mme Klug) sont une fois de plus restés ici, comme Löwy,
que j’ai rencontré hier soir, me l’a appris ; qui sait si, pour les mêmes
raisons, ils ne sont pas partis aujourd’hui, puisque Löwy n’est pas passé au
magasin, bien qu’il m’eût promis de le faire.
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La litoft est un état tourmentant né du spectacle de notre propre
misère soudainement découverte.
Parmi les remèdes habituels contre notre propre misère, il y a l’amour. Car
celui qui est absolument aimé ne peut être misérable. Toutes ces défaillances
sont rachetées par le regard magique de l’amour sous lequel même une nage
maladroite, la tête dressée au-dessus de la surface, peut devenir charmante.
L’absolu de l’amour est en réalité un désir d’identité absolue : il faut
que la femme que nous aimons nage aussi lentement que nous, il faut qu’elle
n’ait pas de passé qui lui appartienne en propre et dont elle pourrait se
souvenir avec bonheur. Mais dès que l’illusion de l’identité absolue est brisée
(la jeune fille se souvient avec bonheur de son passé ou bien elle nage vite),
l’amour devient une source permanente du grand tourment que nous appelons litoftl
Qui possède une profonde expérience de la commune imperfection de l’homme
est relativement à l’abri des chocs de la litoft. Le spectacle de sa
propre misère lui est une chose banale et sans intérêt. La litoft est
donc propre à l’âge de l’inexpérience. C’est l’un des ornements de la jeunesse.
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Seul le Mal a la connaissance de soi-même.
L’un des moyens du Mal est le dialogue.
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(53)On ne doit frustrer personne, pas même le monde de sa victoire.
(54) Il n’y a rien d’autre qu’un monde spirituel; ce que nous appelons monde sensible est le Mal
dans le monde spirituel et ce que nous
appelons Mal n’est que la nécessité d’un
instant de notre évolution éternelle.
Avec la lumière la plus puissante on peut dissoudre le monde. Devant des yeux faibles, il prend
de la consistance, devant de plus faibles encore, il
lui pousse des poings, devant de plus faibles encore, il devient pudibond et
fracasse celui qui ose le regarder.
(55) Tout est tromperie : chercher le minimum d’illusions, rester dans les
illusions ordinaires, chercher le
maximum d’illusions. Dans le premier cas, on trompe le Bien en voulant
l’acquérir trop facilement ; le Mal, en lui imposant des conditions de combat
par trop défavorables. Dans le second cas, on trompe le Bien, puisqu’on ne
s’efforce même pas de l’atteindre dans l’ordre des choses terrestres. Dans le
troisième cas, on trompe le Bien, puisqu’on s’éloigne de lui autant qu’on le
peut, le Mal, puisqu’en le
portant à sa plus haute intensité, on espère le réduire à l’impuissance. Il
vaudrait donc mieux s’en tenir au second cas, puisqu’on trompe toujours le
Bien, mais, dans ce cas particulier, pas le Mal, du moins en apparence.
(56) Il y a des questions dont nous ne pourrions pas venir à bout si nous n’en
étions dispensés par nature.
(57) Pour tout ce qui est en dehors du monde sensible, le langage ne peut être
employé que d’une manière allusive, et jamais, fût-ce approximativement, de
manière analogique, car conformément au monde sensible, il ne traite que de la
propriété et de ses rapports.
(58) On ne ment aussi peu que possible que si l'on ment aussi peu
que possible, et non si l’on a aussi peu que possible l’occasion de
mentir.
L’observateur de l’âme ne peut pas pénétrer dans dans, mais il y a sans
doute une marge où il entre en contact avec elle. Connaître ce contact, c’est
connaître que même l’âme ne sait rien d’elle-même. Il lui faut donc rester inconnue.
Cela ne serait triste que s’il y avait quelque chose en dehors de l’âme, mais
il n’y a rien.
(95) Le mal est parfois comme un outil dans la main, reconnu ou non, il se
laisse écarter sans protester, pourvu qu’on le veuille.
(96) Les joies de cette vie ne sont pas les siennes, elles sont notre peur
de nous élever à une vie supérieure ; les tourments de cette vie ne sont pas
les siens, ils sont le tourment que nous nous infligeons à cause de cette peur.
4 février. — Longuement couché, insomnie!, je prends conscience du combat.
Dans un monde de mensonge, le mensonge n'est même pas supprimé par son
contraire, il ne l’est que par un monde de vérité.
La souffrance est l’élément positif de ce monde, c’est même le seul lien
entre ce monde et le positif.
La vie est une perpétuelle distraction qui ne vous
laisse même pas prendre conscience de ce dont elle distrait.
Que même le plus conservateur des hommes ait de quoi faire face
au radicalisme de la mort !
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