La révolution du mot / la poésie est verticale - Eugène Jolas
PROCLAMATION : LA REVOLUTION DU MOT
Las du spectacle de nouvelles, romans, poèmes et pièces toujours sous la coupe de l'hégémonie du mot banal, de la syntaxe monotone, de la psychologie statique, du naturalisme descriptif, et désireux de cristalliser un point de vue...
Nous déclarons que .
1. La révolution dans la langue anglaise est un fait accompli.
2. L'imagination en quête d'un monde fabuleux est autonome et illimitée.
(La prudence est une vieille fille riche et laide courtisée par l'Incapacité.. Blake)
3. La poésie pure est un absolu lyrique qui cherche une réalité a priori à l'intérieur de nous- même
(Sortes nombres, poids et mesures en cas de disette. Blake)
4. La narration n'est pas simple anecdote, mais la projection d'une métamorphose de la réalité.
5. L'expression de ces concepts peut s'obtenir seulement à travers la rythmique « hallucination du mot » (Rimbaud).
6. Le créateur littéraire a le droit de désintégrer la substance première, les mots qui lui sont imposés par les manuels et les dictionnaires.
(La route de l'excès conduit au Palais de la Sagesse... Blake)
7. Il a le droit de recourir à des mots qu'il a lui-même façonnés et de ne pas se soucier des lois grammaticales et syntactiques existantes.
(Les tigres de la colère sont plus avisés que les chevaux de l’instruction … Blake)
8. La « litanie des mots » est admise en tant qu'unité indépendante.
9. Nous ne nous soucions pas de la propagation d'idées sociologiques, sauf pour libérer les éléments créateurs du poids de l'idéologie actuelle.
10. Le temps est une tyrannie qui doit être abolie.
11. L'écrivain exprime. Il ne communique pas.
12. Au diable le lecteur ordinaire.
(Au diable les liens ! Vive la détente !... Blake)
Signé : Kay Boyle, Whit Burnett, Hart Crâne, Caresse Crosby, Harry Crosby, Martha Foley, Stuart Gilbert, A L. Gillespie, Leigh Hoffman, Eugene Jolas, Elliot Paul, Douglas Rigby, Théo Rutra, Robert Sage, Harold J. Salemson, Laurence Vail.
LA POESIE EST VERTICALE
1. Dans un monde régi par l'hypnose du positivisme, nous proclamons l'autonomie de la vision poétique, l'hégémonie de la vie intérieure sur la vie extérieure.
2. Nous rejetons le postulat selon lequel la personnalité créatrice serait un pur facteur de la conception pragmatique du progrès, et sa fonction la configuration d'un monde vitaliste.
3. Nous sommes contre le renouveau de l'idéal classique, parce qu'il mène inévitablement à une conformité décorative réactionnaire, à un sens factice de l'harmonie, à la stérilité de l'imagination vivante.
Nous croyons que les forces orphiques doivent être protégées de la détérioration, quel que soit le système social qui triomphe en fin de compte.
4. La volonté esthétique n'est pas la loi première. C'est dans l'immédiateté de la révélation extatique, dans le mouvement a-logique de la psyché, dans le rythme organique de la vision que l'acte créateur advient.
5. La réalité de la profondeur peut se conquérir par une conjuration médiumnique volontaire, par une stupeur qui procède de l'irrationnel vers un monde au-delà d'un monde.
6. Le « je » transcendantal avec ses stratifications multiples remontant à des millions d'années est relié à l'histoire entière du genre humain, passé et présent, et ramené à la surface avec l'irruption hallucinatoire d'images dans le rêve, le rêve éveillé, la transe mystique-gnostique, et même la condition psychiatrique.
7. La désintégration finale du « je » dans l'acte créateur est rendue possible par l'utilisation d'un langage qui est un instrument divinatoire, et qui n'hésite pas à adopter une attitude révolutionnaire envers le mot et la syntaxe, allant même jusqu'à inventer un langage hermétique, si nécessaire.
8. La poésie construit un lien entre le « je » et le « vous » en faisant remonter les émotions des profondeurs telluriques, enfouies, vers l'illumination d'une réalité collective et d'un univers globalisant.
9. La synthèse d'un collectivisme véritable est rendue possible par une communauté d'esprits qui tendent à la construction d'une nouvelle réalité mythologique.
Hans Arp, Samuel Beckett, Cari Einstein, Eugène Jolas, Thomas McCreevy, Georges Pelorson, Théo Rutra, James J. Sweeney, Ronald Symond
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